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913. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Si le cancan passe à l’étranger pour notre danse nationale, il ne convient pas que ce mime cancan soit considéré comme la seule musique de notre pays. […] Ils ont considéré, non sans étonnement, la soubrette jusqu’alors occupée des rubans de son corsage fripés par son bel ami le garde-française, et, pleins d’un beau rêve, dévorés du désir des cimes, ils ont violemment saisi Dorine, Fanchon ou Marinette, et l’ont forcée à lever la tête, sans lui prendre le menton. […] La fin de sa vie est souvent considérée comme un retour au conservatisme.

914. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Seigneur, ne parlez pas ainsi : Quelque vil que puisse paraître l’état auquel nous avons été destinés par nos pères, nous ne devons pas nous y soustraire ; et d’ailleurs, quoique l’action de donner la mort à un animal soit, avec justice, considérée comme cruelle, cependant il n’est pas rare de trouver dans le boucher lui-même une âme tendre et accessible à la compassion. […] Je ne sais, mais je soupçonne que cet anneau a, dans l’instant même, rappelé à son souvenir quelque objet tendrement aimé ; car, à peine l’eut-il considéré, que notre souverain, naturellement si profond et si calme, a trahi dans tous ses traits le trouble de son âme. […] « Je suis honteux, quand je considère sa valeur.

915. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

En qualité d’homme d’esprit, il obtint l’amitié de personnages considérés. […] Mais changeons maintenant de point de vue, et considérons la morale dans sa nature. Considérée dans sa nature, la morale est l’obéissance à la loi du devoir. […] Charron considère d’abord l’homme en soi. […] Celles que présente le portrait que nous venons de considérer sont choquantes, et cependant trop superficielles en un sens.

916. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Une grave, une fâcheuse et tout à fait déplaisante question se présente : Quel fut le procédé de M. de Ferriol l’ambassadeur à l’égard de celle qu’il considérait comme son bien, lorsqu’il la vit ainsi ou qu’il la retrouva grandissante et mûrissante, tempestiva viro , comme dit Horace ? […] Chaque fois qu’Aïssé, dans cette confidence touchante, se reproche ses fautes, ce n’est que par rapport à une seule personne trop chère, et il n’y paraît aucune allusion à une autre faiblesse, plus ou moins volontaire, qui aurait précédé et qu’elle aurait dû considérer, d’après ses idées acquises depuis, comme une mortelle flétrissure. […] J’ai vraiment bien mieux à faire, madame : je chasse, je joue, je me divertis du matin jusqu’au soir avec mes frères et nos enfants, et je vous avouerai tout naïvement que je n’ai jamais été plus heureux, et dans une compagnie qui me plaise davantage. » Il a toutefois des regrets pour celle de Paris ; il envoie de loin en loin des retours de pensée à Mmes de Mirepoix et du Châtel, aux présidents Hénault et de Montesquieu, à Formont, à d’Alembert : « J’enrage, écrit-il (à Mme du Deffand toujours), d’être à cent lieues de vous, car je n’ai ni l’ambition ni la vanité de César : j’aime mieux être le dernier, et seulement souffert dans la plus excellente compagnie, que d’être le premier et le plus considéré dans la mauvaise, et même dans la commune ; mais si je n’ose dire que je suis ici dans le premier cas, je puis au moins vous assurer que je ne suis pas dans le second : j’y trouve avec qui parler, rire et raisonner autant et plus que ne s’étendent les pauvres facultés de mon entendement, et l’exercice que je prétends lui donner. » Ces regrets, on le sent bien, sont sincères, mais tempérés ; il n’a pas honte d’être provincial et de s’enfoncer de plus en plus dans la vie obscure : il envoie à Mme du Deffand des pâtés de Périgord, il en mange lui-même92 ; il va à la chasse malgré son asthme ; il a des procès ; quand ce ne sont pas les siens, ce sont ceux de ses frères et de sa famille. […] Je ne parle longtemps de la même chose que lorsque je la considère en vous.

917. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Leurs erreurs peuvent intéresser l’historien littéraire ; mais comment pourraient-elles ébranler l’inébranlable vérité de la théorie, et de quelle autorité m’empêcheraient-elles, moi, critique philosophe, de considérer la comédie non dans des tragédies manquées, mais dans la pureté de sa véritable essence ? […] Il faut, avant tout, qu’il entretienne en lui-même, cette humeur joyeuse qui doit être sa plus chère muse et sa première inspiration31, bien qu’il soit de grand air et de bon ton de lui préférer je ne sais quelle bile mélancolique, et de considérer l’auteur comique non comme le favori des Grâces, mais comme un moraliste chagrin. […] Les Français apparemment considèrent une pièce de théâtre comme une sorte de morale en action ; ils veulent se former l’esprit et le cœur au spectacle ; et, en effet, une comédie de caractère est une chose éminemment instructive. […] Le spectateur ignorant ne voit et n’admire dans une œuvre d’art que sa vérité extérieure et grossière ; mais l’amateur délicat considère surtout la vérité intérieure de la composition.

918. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Il faut donc, dans toutes les choses, considérer leur fin et comme elles se résolvent, puisque la Divinité ruine souvent de fond en comble ceux à qui elle a fait entrevoir la félicité. » « Solon se tut. […] Parmi les compagnons de ses jeux, il en était un, fils d’Artembarès, homme considéré parmi les Mèdes. […] Nous devons donc considérer, avant tout, ce qui touche à la stabilité de votre empire ou à la durée de votre existence, et, si nous apercevons quelque danger, ne pas perdre un moment pour vous l’indiquer. […] Celles que Cyrus réunit en assemblée, et qu’il voulait détacher des Mèdes, sont les plus considérées, et toutes les autres en dépendent : ce sont les Pasargades, les Marophiens et les Maspiens.

919. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Dans les harmonies morales du style, ce n’est pas seulement le son principal et dominant qu’il faut considérer ; ce sont encore et surtout les harmoniques qui ajoutent au son principal leur accompagnement et ainsi lui donnent ce caractère expressif par excellence, mais indéfinissable : le timbre. […] Les Grecs, ce peuple tout intellectualiste, ont trop considéré les figures de langage à un point de vue purement logique (synecdoche, métonymie, etc.) ; ils n’ont pas assez fait la psychologie du langage imagé. […] Encore une autre phrase retouchée ainsi par Port-Royal : « Qui se considérera de la sorte s’effraiera sans doute de se voir comme suspendu dans la masse que la nature lui a donnée, entre ces deux abîmes de l’infini et du néant dont il est également éloigné. […] Voici maintenant le texte authentique : « Qui se considérera de la sorte, — s’effraiera de soi-même ; — et, se considérant soutenu dans la masse que la nature lui a donnée, — entre ces deux abîmes de l’infini et du néant, — il tremblera à la vue de ces merveilles. » La phrase ainsi ordonnée tend à prendre encore la forme d’une strophe ; le troisième vers seul serait trop long, mais il ne fait que mieux nous montrer par contraste la brièveté des deux derniers, qui contiennent précisément des idées et des images d’une ampleur immense : abîme, infini, néant, — trembler, merveilles.

920. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Hugo n’eut rien d’un penseur, et c’est précisément ce que nous lui reprocherons, si nous considérons la littérature comme l’expression tout autant d’une intelligence que d’une sensibilité, si tout poète, pour être grand, nous semble devoir se doubler d’un philosophe. […] Mais avoir su se créer une place du vivant même de ce géant, Victor Hugo, avoir été si mal payé de ses efforts vers le mieux, avoir si singulièrement préparé sa gloire, avoir recueilli tant de dédain, tant de haussements d’épaules, me font considérer Charles Baudelaire comme le type du poète mort que je dois le plus vénérer. […] On consent trop actuellement de considérer les artistes comme des individus auxquels un talent d’inspiration et de labeur confère le droit à une autonomie rigoureuse. […] À ceux qui s’étonneraient, je répondrai : « Considérez que ce poète, peu lu et mal connu, jugé d’après ses théories étroites et paradoxales, fut harmonieux comme Lamartine, profond comme Baudelaire, poignant comme Musset, grave comme Alfred de Vigny et musical comme Verlaine ; songez que les Poèmes barbares ont précédé la Légende des Siècles et la surpassent certainement en largeur épique ; méditez enfin religieusement cette œuvre parfaite, où la langue poétique n’a été maniée qu’avec ce respect sacré que possèdent seuls les génies.

921. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Au lieu de dissocier d’abord les deux éléments, image-souvenir et mouvement, pour chercher ensuite par quelle série d’opérations ils arrivent, en abandonnant quelque chose de leur pureté originelle, à se couler l’un dans l’autre, on ne considère que le phénomène mixte qui résulte de leur coalescence. […] On croirait, à entendre certains théoriciens de l’aphasie sensorielle, qu’ils n’ont jamais considéré de près la structure d’une phrase. […] Ici encore on envisage perception distincte et souvenir-image à l’état statique, comme des choses dont la première serait déjà complète sans la seconde, au lieu de considérer le progrès dynamique par lequel l’une devient l’autre. […] Nous sommes tenus de chercher ce que deviennent les faits connus, quand on cesse de considérer le cerveau comme dépositaire de souvenirs 82.

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