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487. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

On nous a habitués à considérer l’École Parnassienne — disons plus familièrement le Parnasse — de même que nous dirons tout à l’heure le Symbolisme au lieu de l’École Symboliste — comme une réaction contre le Romantisme ou du moins contre ses excès, c’est-à-dire contre les mauvais poètes qui n’en continuaient que les défauts. […] Hors cela, la réaction parnassienne me paraît plus prétendue qu’authentique et je serais plutôt porté à considérer le Parnasse comme un aboutissement logique du Romantisme. […] Les Poètes récents ont considéré autrement les Mythes et les Légendes.

488. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

La récompense temporelle passait ainsi, dans ces âges de foi, pour quelque chose de grossier ; elle était considérée comme une diminution des titres supérieurs qu’on acquiert par la pratique du bien. […] La Société des Sauveteurs de la Méditerranée, ne croyant pas pouvoir présenter deux candidats à la fois, demandait la récompense pour Édouard, ajoutant qu’une telle récompense serait considérée par son frère comme s’appliquant à lui-même. […] Vous les avez considérées comme une seule et même personne, et vous avez décidé que les noms d’Édouard et de Calixte Chaix figureraient indivis dans la liste des principales récompenses que vous décernez.

489. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Ainsi avec les jésuites, si nous les considérons surtout au dix-septième et au dix-huitième siècles, domine une piété fleurie, qui ne déteste ni les plaisirs du monde ni les agréments du style. […] Toute parure est considérée comme une superfluité, comme un effet de l’amour-propre. […] Si du reste on considère, non plus un cas particulier, mais l’ensemble, comment n’être pas frappé des caractères qui distinguent les Réformés français ou parlant français du reste de la population française !

490. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

J’avais eu l’idée, après avoir montré le parfait langage du siècle de Louis XIV dans sa fleur et son élégance dernière chez la plus charmante élève de Mme de Maintenon, après avoir considéré le style du xviiie  siècle dans sa plénitude de vigueur et d’éclat chez Jean-Jacques Rousseau, d’aborder aussitôt la langue révolutionnaire chez l’homme qui passe pour l’avoir maniée avec le plus de verve et de talent, chez Camille Desmoulins. […] Si nous ne considérions aujourd’hui ce journal que comme un témoignage d’un passé éloigné, comme une mazarinade du temps de la Fronde, nous pourrions y relever littérairement des portraits piquants, des caricatures très gaies : toutes les fois que l’auteur sent sa verve se refroidir, il la ravive et se remet en goût en taillant quelque tranche de l’abbé Maury ou de Mirabeau-Tonneau. […] Puis, affichant nettement sa théorie subversive de tout pouvoir constitué, il ajoute : « On connaît mon profond respect pour les saints décrets de l’Assemblée nationale ; je ne parle si librement de celui-ci que parce que je ne le regarde pas comme un décret. » Ainsi, dans les décrets de l’Assemblée il se réserve de choisir ceux qui ‘lui conviennent, et de considérer les autres comme non avenus, sous prétexte qu’ils ont été votés par une majorité formée de membres du clergé et de la noblesse, plus nombreux dans l’Assemblée qu’ils ne devraient, l’être.

491. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Sans prétendre rien découvrir de nouveau en elle, donnons-nous le plaisir de la considérer un moment. […] Quand je considère ces choses, j’entre dans le désir de me taire et de me cacher… pauvre canal où les eaux du ciel passent, et qui à peine en retient quelques gouttes ! […] Ceux qui ont écrit le récit de sa vie pénitente se sont plu à en citer des exemples singuliers, qui nous toucheraient trop peu aujourd’hui ; mais le principe qui les lui inspirait, et le but dont elle s’approchait par ces moyens, sont à jamais dignes de respect dans tous les temps, et de quelque point de vue qu’on les envisage : « J’espère, je crois et j’aime, disait-elle ; c’est à Dieu à perfectionner ses dons. » — « Espérer et croire, ce sont deux grandes vertus ; mais qui n’a point la charité n’a rien : il est comme une plante stérile que le soleil n’éclaire point. » Cette belle âme, réalisant désormais en elle les qualités de l’amour divin, se considéra jusqu’à la fin comme l’une des dernières devant Dieu : Je ne lui demande pas, disait-elle, de ces grands dons qui ne sont faits que pour les grandes âmes qu’il a mises dans le monde pour l’éclairer, je ne pourrais pas les contenir ; mais je lui demande qu’il incline mon cœur, selon sa parole, à rechercher sa loi, à la méditer nuit et jour.

492. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

Quoi qu’il en soit, vus à distance, ces traits de présence d’esprit et de courage qui étaient soutenus d’une telle opiniâtreté de conduite au sein de l’Assemblée et d’une telle parade de résistance, l’éclat de certains discours où le bon sens et l’esprit de parti se combinaient dans une contexture spécieuse, l’ordre, l’ampleur, la marche imposante d’une parole exercée et toujours prête, tout cela avait conquis à l’abbé Maury, à la fin de l’Assemblée constituante, une réputation immense en Europe, et il ne manquait pas de souverains qui le considéraient à la fois comme un homme d’État et comme un homme de bien. […] L’effet que le cardinal Maury fit sur le comte de Maistre répondit peu sans doute à l’attente de ce dernier, et il fut frappé de rencontrer, chez un personnage aussi célèbre et aussi hautement considéré en politique, un si grand nombre de propositions hasardées, irréfléchies, de ces paroles en l’air et de ces légèretés robustes qui retombent de tout leur poids sur celui qui les dit. […]   « L’Académie française (c’est le cardinal Maury qui parle) était seule considérée en France, et donnait réellement un état.

493. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

Ceux qui nient cet aspect intérieur s’en tiennent au point de vue statique : ils considèrent des états de conscience tout donnés et achevés ; ils négligent le point de vue dynamique des idées-forces, c’est-à-dire les états de conscience en train de se produire et de changer. […] Il est donc légitime de les considérer comme déploiement d’une activité interne, non comme un simple complexus de sensations passives et externes. […] On raisonne trop souvent dans l’hypothèse de facultés distinctes qu’on met en rapport et en conflit l’une avec l’autre, au lieu de considérer l’évolution interne comme développement continu et total.

494. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Ces relations peuvent être fugitives, uniques, rares ; elles peuvent être permanentes ou, malgré leur diversité, considérées selon leur état le plus fréquent, le plus visible, le plus connu : une phrase faite une fois pour toutes exprime parfaitement ces rapports vulgaires au retour rythmique ou périodique. […] La discipline du collège a incliné les esprits à ne considérer que les idées les plus générales ; l’abstrait domine la vie. […] Pour comprendre Balzac, il faut 1° le considérer comme un historien, soucieux avant tout d’être exact, et de bien expliquer la vie ; 2° en référer à sa méthode de travail : « En travaillant trois jours et trois nuits, j’ai fait un volume in-18 intitulé : Le Médecin de Campagne.

495. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Le principe de l’art pour l’art fondé en raison à juste et utile, tant qu’on ne considère que les œuvres en soi, tant qu’on n’a souci que de la liberté et de l’orgueil nécessaires à l’artiste, — peut sembler absurde et dangereux quand on songe que les livres, les statues, les tableaux et les musiques n’existent pas seuls dans un monde vide. […] L’esthopsychologie, la science des œuvres d’art considérées comme signes, accompagnée de la synthèse biographique et historique que nous venons d’esquisser, dépeint des hommes réels, des hommes de fortune médiocre ou élevée, ayant vraiment vécu dans un entourage véritable, ayant coudoyé d’autres hommes en chair et en os, étant enfin des créatures humaines, avec, pour parler comme Shylock, des yeux, des mains, des organes, des dimensions, des sens, des affections., des passions, tout comme les vivants que l’on rencontre aujourd’hui sous nos yeux. […] Que l’on considère en outre que de plus en plus, à mesure que la civilisation s’affine à mesure que les hommes deviennent plus paisibles et plus vertueux, les actes absorbent une moindre partie de l’énergie, et ont derrière la nature brute de la volonté qu’ils expriment, un arrière-fonds plus ténébreux de pensées et d’émotions qu’ils sont impuissants à signifier.

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