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1949. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Ces lectures variées remontent à l’antiquité, dont il connaît très bien certaines parties, dont il me semble ignorer complètement certaines autres, mais certainement Horace encore, Virgile, Stace, très probablement, mais je ne suis pas absolument sûr, Phèdre incontestablement, Babrios, le fabuliste de la décadence ; Homère avant tout et Platon, qui a été l’adoration même de sa vieillesse, comme Louis Racine nous l’apprend, et pour lequel il avait une espèce de fétichisme, de religion superstitieuse. […] Les Espagnols, non ; cependant il a encore le regard tourné de ce côté-là, mais enfin, je ne connais que le fameux Paysan du Danube, qu’il a tiré d’un auteur espagnol tout récemment traduit. […] La Fontaine a connu et Montaigne et Rabelais, et Bonaventure des Périers, Beroalde de Verville, de Noël du Fail, et un très grand nombre d’écrivains du seizième siècle, et l’on voit qu’il en est épris. […] Sans doute La Fontaine a pu emprunter cette distinction, cette classification à un autre que Gassendi ; car elle est banale dans l’école ; mais le siècle est partagé entre Descartes et Gassendi et il est probable que, si La Fontaine connaît cette classification, c’est qu’il a fréquenté chez Gassendi.

1950. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Je ne connais pas de problème plus confondant pour le pédantisme et le philosophisme, que de savoir en vertu de quelle loi les artistes les plus opposés par leur méthode évoquent les mêmes idées et agitent en nous des sentiments analogues. […] Les faits sont trop palpables, trop connus. […] Ingres Cette Exposition française est à la fois si vaste et généralement composée de morceaux si connus, déjà suffisamment déflorés par la curiosité parisienne, que la critique doit chercher plutôt à pénétrer intimement le tempérament de chaque artiste et les mobiles qui le font agir qu’à analyser, à raconter chaque œuvre minutieusement. […] Sans avoir recours à l’opium, qui n’a connu ces admirables heures, véritables fêtes du cerveau, où les sens plus attentifs perçoivent des sensations plus retentissantes, où le ciel d’un azur plus transparent s’enfonce comme un abîme plus infini, où les sons tintent musicalement, où les couleurs parlent, où les parfums racontent des mondes d’idées ?

1951. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

Les Romains ont connu, au moins par une sorte d’instinct, cette formation des républiques d’après les principes éternels des fiefs. […] La Providence, en faisant naître les familles, qui, sans connaître le Dieu véritable, avaient au moins quelque notion de la Divinité, en leur donnant une religion, une langue, etc., qui leur fussent propres, avait déterminé l’existence d’un droit naturel des familles, que les pères suivirent ensuite dans leurs rapports avec leurs clients. […] Si la variété de tant de causes et d’effets observés jusqu’ici dans l’histoire de la république romaine, si l’influence continue que ces causes exercèrent sur ces effets, ne suffisent pas pour établir que la royauté chez les Romains eut un caractère aristocratique, et que la liberté fondée par Brutus fut restreinte à l’ordre des nobles, il faudra croire que les Romains, peuple grossier et barbare, ont reçu de Dieu un privilège refusé à la nation la plus ingénieuse et la plus policée, à celle des Grecs ; qu’ils ont connu leurs antiquités, tandis que les Grecs, au rapport de Thucydide, ne surent rien des leurs jusqu’à la guerre du Péloponnèse79. […] Les Latins ont conservé, d’une époque où l’on connaissait mieux les nombres, leur mot sexcenti, et les Italiens, cento, et ensuite cento e mille, pour dire un nombre innombrable.

1952. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Irons-nous plus loin encore, et supposerons-nous que l’éloquent Athénien, en Égypte ou ailleurs, a connu quelques parties des livres saints d’Israël, qu’il en a recueilli des vérités, emprunté des couleurs, qu’il est poëte à leur exemple ? […] « Tu es le Dieu qui fais les miracles : tu as fait connaître aux nations ta puissance. […] Tel nous paraît ce psaume, ou, dans la pureté du théisme judaïque, l’idée de Dieu est entourée d’un pompeux appareil, comme pouvait l’entrevoir l’enthousiasme orphique, dans ces mystères d’Eleusis dont Pindare avait connu la grandeur : « Jéhovah, le Dieu des dieux a parlé ; et il a convoqué la terre, de l’orient du soleil à son couchant. […] « Je connais tous les oiseaux du ciel ; et tout ce qui rampe sur la terre m’appartient.

1953. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Morvonnais) devait écrire quelques pages sur Maurice3, elle le suppliait de ne pas omettre ce trait final essentiel, mais absent des écrits, et sur lequel la notice de la Revue des deux mondes n’avait pu que se taire : « Mais vous tous, ses amis, qui l’avez connu, faites mieux, et écartez, s’il vous plaît, de cette figure chrétienne, tout nuage philosophique et irréligieux. » Sollicitude touchante, et qui tenait aux plus profondes racines de l’âme ! […] Ceux qui l’ont connue alors disent ce que l’on croira sans peine, c’est qu’elle eut dès le premier jour la place que sa distinction et ses manières lui assuraient partout. […] Trébutien, qui, par ses soins, a fait imprimer l’ouvrage à Caen et, comme on disait autrefois, en a procuré l’édition, est bien connu des bibliophiles et des antiquaires.

1954. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

Ce jeune homme se trompait de siècle ; il était né pour être un commentateur amateur comme Girac ou Méziriac, ce Méziriac qui avait relevé plus de deux mille contresens ou méprises chez Amyot, qui a tout dit sur les Héroïdes d’Ovide, et de qui l’on a écrit : « Il n’y avait point de science à laquelle il ne se fût attaché durant quelque temps, point de bel art qu’il ne connût. […] Il connut tous les plus petits sentiers des fables. […] » Pour Guillaume Favre le bonheur n’était point si court qu’un brûlant été, ni si passager qu’un jour d’orage ; il sut le fixer autant qu’on le peut ici-bas, et il se serait plu sans nul doute à répéter et à s’appliquer à lui-même, s’il l’avait connue, cette page riante et modérée que je lisais dernièrement dans le journal familier d’un homme de son âge, et qui y est inscrite sous ce titre assez naïf, Le Paradis sur terre 42 : En faisant ce matin, de bonne heure, une promenade agréable et par le temps le plus délicieux, respirant l’air le plus pur et admirant la tranquille et paisible gaieté du paysage, je me disais : Un homme de Moyen Âge, jouissant d’une bonne santé et d’une fortune un peu au-dessus de ses besoins stricts, et par là dans une situation sociale indépendante, pouvant se donner le séjour de la campagne en été, celui d’une grande ville en hiver, ayant quelque goût pour la littérature et les beaux-arts, usant de tous ces avantages qui peuvent cependant se trouver réunis assez facilement, et les appréciant avec un peu de philosophie, ne pourrait-il pas dire qu’il serait ingrat de penser avec le sage Salomon : Vanité des vanités, tout n’est que vanité ?

1955. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Buffon ne commence à devenir celui que l’on connaît et que nous admirons que du moment qu’il est placé à la direction du Jardin et du Cabinet du roi : jusque-là c’était un génie expectant, et à qui manquait son objet. […] Quant à ses jugements sur Delille, Saint-Lambert et Roucher, ils sont curieux à recueillir de la part d’un homme qui a si bien connu la nature et qui habitait comme dans son sein : « Je ne suis pas poète ni n’ai voulu l’être, écrivait-il, mais j’aime la belle poésie ; j’habite la campagne, j’ai des jardins, je connais les saisons, et j’ai vécu bien des mois ; j’ai donc voulu lire quelques chants de ces poèmes si vantés des Saisons, des Mois et des Jardins.

1956. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Le désir de connaître et déposséder enfin les œuvres complètes du frère s’en était accru et comme irrité. […] Aucun de ceux qui ont connu et aimé M. de Lamennais, en ces années de passion douloureuse et de crise, à quelque point de vue qu’on se place, n’ont, ce me semble, à en rougir ni à s’en repentir. […] Il use habituellement et de préférence d’un vers que je connais bien pour avoir essayé en mon temps de l’introduire et de l’appliquer, l’alexandrin familier, rompu au ton de la conversation, se prêtant à toutes les sinuosités d’une causerie intime. « Ta poésie chante trop, écrivait-il à sa sœur Eugénie, elle ne cause pas assez. » Il se garde de la strophe comme prenant trop aisément le galop et emportant son cavalier ; il ne se garde pas moins de la stance lamartinienne comme berçant trop mollement son rêveur et son gondolier.

1957. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Je laisse la suite du parallèle à ceux qui les ont également connus tous deux. […] Quant aux passions qui circulent au-dehors, et qui émeuvent la masse, il faut les connaître et jusqu’à un certain point les ressentir, non pour les partager, mais pour en tirer parti, pour les conjurer ou les diriger. — Il y reste, lui, trop étranger ; il les traite de haut en bas ou les ignore. […]  » ; et enfin ce mot qu’on a fort relevé : « Je ne connais guère l’embarras, et je ne crains pas la responsabilité. » C’est le signe d’une disposition chez lui fondamentale ; c’est le geste de son esprit, de son caractère qui se trahit et qui tranche, qui repousse et chasse, pour ainsi dire, les difficultés et leur interdit de reparaître. — Une remarque matérielle et qui n’est pas vaine vient à l’appui, le caractère de son écriture : pas une hésitation, pas une fatigue ; jamais un jambage qui bronche.

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