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312. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

On voit dans les Mémoires de Sully comment ce traité de la Ligue avec l’Espagne, écrit de la main du président et contenant les conditions arrêtées, fut un jour pris sur des coureurs du côté du village de Marolles et tomba aux mains de Sully, qui en fit fête à Henri IV. […] Le duc de Mayenne, lorsque Villeroi lui en parla bientôt dans un sentiment de reproche, répondit par toutes sortes d’excuses, et conclut en ces termes qui peignent au vrai sa situation comme chef de parti, « qu’il priait ses amis de plaindre plutôt sa condition et lui aider à conduire ses affaires à bon port, que de s’offenser de ses actions, étant toutes forcées comme elles étaient ». […] Il faut faire cette double part dans ce qu’on sait et ce qu’on devine de la conduite du président Jeannin durant la Ligue, et par exemple quand on lit ses lettres à Villeroi du 14 et du 22 avril 1592, et celle du 8 mai suivant, où il semble faire la paix plus difficile et la mettre à de plus chères conditions qu’on ne voudrait.

313. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

Et nous nous disons que le jeune Ponticus se fera sans doute prier avant de céder Blandine à Jésus ; qu’Attale et Æmilia, passionnément amoureux l’un de l’autre, ne semblent pas dans les meilleures conditions pour embrasser la religion du crucifié, et qu’ils y feront quelque résistance ; ou bien qu’Æmilia se convertira seule, et que sa lutte contre Attale sera, du moins, l’un des principaux épisodes de cette tragédie… Mais rien de tout cela. […] Mais, en outre, les chrétiens de la bonne société, Attale, Æmilia, Épagathus, Alexandre même, tout en la regardant comme leur sœur en Dieu, n’eussent pas, d’abord, fait grande attention à elle, lui eussent témoigné tout juste les sentiments fraternels qui sont « de commandement », et, malgré eux, se ressouvenant de leur condition sociale, eussent considéré l’humble servante comme une créature égale sans doute à eux-mêmes par sa participation au rachat divin, mais inférieure par l’intelligence, l’éducation, la distinction morale. […] Et comme ceux-ci croient à l’avènement de la Cité idéale, les chrétiens croyaient au millenium, au règne des saints, dont une des conditions était la destruction de Rome et de l’Empire.

314. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre V. L’antinomie esthétique » pp. 109-129

D’un autre côté les conditions politiques et sociales modernes ne favorisent pas beaucoup l’inspiration. Peu d’artistes partageraient aujourd’hui l’espoir un peu naïf de Mme de Staël qui croyait que la littérature pourrait trouver dans les nouvelles conditions sociales des causes de renouvellement, que le théâtre, la philosophie et l’éloquence seraient appelée à un éclat imprévu46. […] À cette seule condition, elle est bonne et louable. » Le mal, c’est l’individuation, le bien c’est la dépersonnalisation.

315. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

C’est là le point de départ obligé, résultant non d’une mode passagère, mais de la nature même ; car l’existence d’un système nerveux étant la condition de la vie psychologique, il faut remonter à la source, et montrer comment les phénomènes de l’activité mentale viennent se greffer sur les manifestations plus générales de la vie physique. […] Liée à la condition organique des muscles, elle nous révèle les plaisirs et les peines venant de l’exercice, les divers modes de tension des organes en mouvement ; elle donne la mesure de l’effort. […] La digestion, comme la respiration, offre toutes les conditions d’un sens ; un objet externe, la nourriture ; un organe propre, le canal alimentaire.

316. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

« Que penser, dit-il, d’une créole publique, veuve à l’aumône de ce poète cul-de-jatte (Scarron), et de ce premier de tous les fruits d’un double adultère, rendu à la condition des autres hommes, qui abusent de ce grand roi au point qu’on le voit, et qui ne peuvent se satisfaire d’un groupe de biens, d’honneurs, de grandeurs, si monstrueux et si attaquant de front l’honnêteté publique, toutes les lois et la religion, s’ils attentent encore à la couronne même ? […] Le nom d’Agrippa fut joint à celui de Théodore, non, comme on l’a tant de fois répété, parce que sa mère était morte en lui donnant le jour, et qu’il était ægrè partus, mais par l’analogie de sa condition de posthume et de proscrit avec celle du Romain Marcus Julius Agrippa, surnommé le posthume, lequel fut proscrit par Tibère et tué à l’âge de vingt-six ans : cet Agrippa était petit-fils d’Auguste et le dernier de sa descendance mâle ; le père de d’Aubigné voulut que son nom rappelât à son fils sa propre condition et son serment.

317. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre V. Les figures de lumière »

Cela résulte de l’égalité même des deux lignes rigides. » Bref, dans ce raisonnement a priori selon les anciennes idées, on eût dit : « c’est la figure rigide d’espace qui impose ses conditions à la figure de lumière ». La théorie de la Relativité, telle qu’elle est sortie de l’expérience Michelson-Morley effectivement réalisée, consiste à renverser cette proposition, et à dire : « c’est la figure de lumière qui impose ses conditions à la figure rigide ». […] Comme, dans ces conditions, les deux lignes rigides d’espace, la longitudinale et la transversale, ne peuvent pas elles-mêmes rester égales, c’est l’espace qui devra céder.

318. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Non, certes ; il faut seulement regretter qu’elle soit assujettie à des conditions si étroites. […] Combien en effet les conditions de la culture intellectuelle étaient, dans l’antiquité grecque, différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui ! […] Mais je mets en fait qu’il n’y en a pas encore eu un seul de la sorte, et peut-être même ce caractère est-il en dehors des conditions de l’humanité. […] Apprenons au moins à n’être pas si sévères contre ceux qui ont employé un peu de duperie et ce qu’on est convenu d’appeler corruption, si réellement (condition essentielle) ils n’ont eu pour but que le plus grand bien de l’humanité. […] Si l’on entend par humilité le peu de cas que l’homme ferait de sa nature, la petite estime dans laquelle il tiendrait sa condition, je refuse complètement à un tel sentiment le titre de vertu, et je reproche au christianisme d’avoir parfois pris la chose de cette manière.

319. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

La réalisation de ces deux conditions abstraites de nombre et d’ordonnance des données sur les personnages, la qualité commune de réalisme perçu et convaincant de leur individualité, définit tout l’art de la caractérisation chez Tolstoï. […] Ici encore Tolstoï est merveilleux à montrer ces conditions troublées de ses personnages, à les révéler plus entièrement par ces affections passagères ou déterminantes. […] Les œuvres de Tolstoï tendent à représenter une société entière ; ils en embrassent et le contenu moyen et les extrêmes de conditions, d’événements, de caractères, de scènes, d’âge ; ils la reproduisent non de haut, de loin, vaguement, par synthèses et abstractions, mais de près, par des descriptions où le lecteur se sent comme mis face à face avec la réalité, par des personnages étrangement vivants et individuels. […] L’émotion de sympathie cordiale que suscite le spectacle de vies humaines bien conduites et heureuses, s’attache à l’union aimante de Lévine et de sa femme Kitty, à la noblesse naturelle de leur condition que tempèrent si véridiquement la médiocrité de leurs pensées, leurs inclinations simples comme leurs manières, tous les incidents ordinaires de leur ménage, des singuliers accès de jalousie du mari à la transformation graduelle de la femme en une ménagère sans grand génie. […] Le problème allait se dresser dont on ne se tire pas avec quelques vagues gestes de malaise ; la pensée de la mort se présentait, et là, sentant que la vie des hommes est faite d’autant de malheur que de bonheur, le monde d’autant de bien que de mal, jugeant l’existence des individus insensée de durer en cette condition pour s’éteindre dans le noir de l’inconnu, Tolstoï dut répondre à la voix de son angoisse et choisir entre son adhésion au réel qu’il ne pouvait rendre sincèrement complète, et son amour du bien et de bonheur, son besoin d’explication du mal et du malheur, qu’il lui fallait satisfaire sous peine de désespérer.

320. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Voilà les trois conditions nécessaires et quelquefois suffisantes pour qu’une religion en détruise une autre et s’établisse. […] À la mort, d’abord, à la mort actuelle, condition nécessaire et condition adorée de la vie réelle. […] Dans ces conditions, que peuvent croire les hommes relativement à leurs Dieux ? […] Contrition, déshonneur, humiliation, voilà les premières et les dernières conditions à quoi est attachée sa grâce. […] Et veut-on donc que la mauvaise foi, la paresse et la lâcheté soient les conditions premières de la moralité ? 

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