Cette condition, pour Le Sage, ce fut la connaissance de la littérature espagnole. […] Gil Blas est né dans une condition modeste, humble même et presque misérable, mais toutefois honnête, et nous rentrons avec lui dans la vérité de la vie. […] On y peut bien reconnaître une conduite, c’est-à-dire une succession d’épisodes qui, de condition en condition, élève le héros jusqu’à ces hauteurs d’où, comme d’un lieu dominant, on voit au-dessous de soi s’agiter sans repos l’active fourmilière humaine. […] C’est la condition même de l’observation morale. […] Jusqu’à Rousseau, dans l’ancienne société, d’aussi bas que l’on fût parti, on se classait en devenant homme de lettres ; on passait de sa condition dans une autre ; bien loin de s’en vanter, on essayait plutôt d’effacer jusqu’aux traces de son origine ; avec une condition nouvelle, on prenait des sentiments nouveaux.
A quelle époque, par quelles mains, dans quelles conditions les évangiles ont-ils été rédigés ? […] Aucun des miracles dont les vieilles histoires sont remplies ne s’est passé dans des conditions scientifiques. […] Si, dans de telles conditions, la résurrection s’opérait, une probabilité presque égale à la certitude serait acquise. […] La condition essentielle des créations de l’art est de former un système vivant dont toutes les parties s’appellent et se commandent. […] Si l’amour d’un sujet peut servir à en donner l’intelligence, on reconnaîtra aussi, j’espère, que cette condition ne m’a pas manqué.
La condition de tout progrès, c’est de toujours mesurer son langage à sa pensée, et de ne viser qu’à parler avec propriété. […] Mais, pour ne point autoriser la négligence, Pascal a grand soin de limiter la liberté qu’il accorde : la répétition est légitime, à condition d’être nécessaire ; il faut que le mot s’impose à l’écrivain, et reste là pour ainsi dire malgré lui.
Un même esprit règne, par-dessus les frontières, chez les hommes de même condition, et la même littérature les enchante. Puis les littératures occidentales se feront plus nationales, en même temps que les œuvres deviendront plus individuelles, et bourgeois, nobles et clercs seront avant tout éminemment Français en France, Anglais en Angleterre et Allemands en Allemagne : souvent même la marque provinciale sera plus forte que l’empreinte de la condition sociale, et elle sera visible surtout chez les écrivains qui n’appartiennent pas aux pays de l’ancienne France et de langue d’oïl.
Croyez bien que c’est une affaire qui ne va pas toute seule… Oui, sans doute, vous êtes aujourd’hui dans les meilleures conditions pour vous laisser persuader. […] de première classe), vous aurez maintes occasions d’être secourables aux pauvres gens, de faire payer pour eux les riches, de réparer ainsi, dans une petite mesure, l’inégalité des conditions et d’appliquer pour votre compte l’impôt progressif sur le revenu Notaires (car il y en a ici qui seront notaires), vous pourrez être, un peu, les directeurs de conscience de vos clients et insinuer quelque souci du juste dans les contrats dont vous aurez le dépôt Avocats ou avoués, vous pourrez souvent par des interprétations d’une généreuse habileté, substituer les commandements de l’équité naturelle, ou même de la pitié, aux prescriptions littérales de la loi, qui est impersonnelle, et qui ne prévoit pas les exceptions Professeurs, vous formerez les cœurs autant que les esprits ; vous… enfin vous ferez comme vous avez vu faire dans cette maison Artistes ou écrivains, vous vous rappellerez le mot de La Bruyère, que « l’homme de lettres est trivial (vous savez dans quel sens il l’entend) comme la borne au coin des places » ; vous ne fermerez pas sur vous la porte de votre « tour d’ivoire », et vous songerez aussi que tout ce que vous exprimez, soit par des moyens plastiques, soit par le discours, a son retentissement, bon ou mauvais, chez d’autres hommes et que vous en êtes responsables Hommes de négoce ou de finance, vous serez exactement probes ; vous ne penserez pas qu’il y ait deux morales, ni qu’il vous soit permis de subordonner votre probité à des hasards, de jouer avec ce que vous n’avez pas, d’être honnête à pile ou face Industriels, vous pardonnerez beaucoup à l’aveuglement, aux illusions brutales des souffrants ; vous ne fuirez pas leur contact, vous les contraindrez de croire à votre bonne volonté, tant vos actes la feront éclater à leurs yeux ; vous vous résignerez à mettre trente ou quarante ans à faire fortune et à ne pas la faire si grosse : car c’est là qu’il en faudra venir Hommes politiques, j’allais dire que vous ferez à peu près le contraire de presque tous vos prédécesseurs, mais ce serait une épigramme trop aisée.
C’est la première condition de l’art d’écrire, et c’est de quoi tout le monde est à peu près capable. […] Ecrire sans rhétorique, sans travail, simplement, naturellement, écrire comme on pense et comme on sent, c’est l’idéal, il n’y a pas de doute, à condition toutefois que ce que l’on écrit naturellement ne soit pas naturellement insignifiant et, par conséquent, indigne d’être écrit.
La socialisation des forces matérielles est bien en train de se faire, étant le résultat des conditions économiques du monde moderne. […] A quelle condition ? A condition de les combiner, et c’est tout le rôle que la raison doit s’attribuer. […] Elle n’est religieuse qu’à la condition d’être impersonnelle » ; et ceux-ci sont catholiques. […] Cela veut dire qu’il a connu les lois et les conditions des différentes classes.
combien minutieusement d’une grande âme dans une condition médiocre, d’une âme que l’on sent d’autant plus grande qu’elle n’a pas eu tout son emploi. […] Il y a sans doute autant de bonhomie robuste et charmante, autant de goût pour la vie simple et les détails familiers, autant de complaisance et d’art à nous faire sentir, quelle qu’en soit l’enveloppe et la condition sociale, combien c’est intéressant et digne d’attention, une âme humaine ; il y a, je le veux bien, autant de tout cela chez le Georges d’outre-Manche que chez le George français ; je dis qu’il n’y en a pas plus, parce que je crois que c’est impossible. […] Page si belle ; vision si profonde de misère et de bonté, si révélatrice du lien qui unit la bonté et la souffrance, et encore de cette vérité troublante et contradictoire, que la société est fondée sur l’injustice et que l’injustice est la condition de la vertu qui permet au monde de durer, — que M. […] Ni les personnages distincts et fortement caractérisés n’y sont moins nombreux ou d’âmes et de conditions moins variées que dans la Guerre et la Paix, ni leur grouillement moins animé ; ni les incidents, tour à tour rares et communs, n’y sont moins divers et moins épars. […] Condition merveilleuse, soit pour mener lentement et patiemment ses visions intérieures, soit pour sentir avec emportement.
je la garde, à ces conditions ; et je souffre moins des chagrins qui me viennent par mes passions, que je ne ferais par le soin de les contrarier sans cesse. […] Et il lui cite l’exemple de Voltaire ; ne croyez pas que ce soit comme une preuve éclatante et rare de la gloire littéraire ; il le lui cite pour lui montrer le néant de cette gloire contestée et troublée des grands écrivains : « Je songe quelquefois à Voltaire, dont le goût est si vif, si brillant, si étendu, et que je vois méprisé tous les jours par des hommes qui ne sont pas dignes de lire, je ne dis pas sa Henriade, mais les préfaces de ses tragédies. » Racine, Molière, « qui sont pourtant des hommes excellents », n’ont pas été plus heureux pendant leur vie ; ils n’ont pas joui plus paisiblement de la renommée due à leurs œuvres : « Et croyez-vous que la plupart des gens de lettres n’en eussent pas cherché une autre, si leur condition l’eût permis ? » Ici nous retrouvons quelques-unes des idées particulières et, si l’on veut, des préventions de Vauvenargues, un reste de gentilhomme, ou plutôt un commencement de grand homme ambitieux, qui aimerait mieux franchement être Richelieu que Raphaël, avoir des poètes pour le célébrer que d’être lui-même un poète ; qui aimerait mieux être Achille qu’Homère : « Quant aux livres d’agrément, ose-t-il dire, ils ne devraient point sortir d’une plume un peu orgueilleuse, quelque génie qu’ils demandent ou qu’ils prouvent. » Il ne permet tout au plus la poésie à un homme de condition et de ce qu’il appelle vertu, que « parce que ce génie suppose nécessairement une imagination très vive, ou, en d’autres termes, une extrême fécondité, qui met l’âme et la vie dans l’expression, et qui donne à nos paroles cette éloquence naturelle qui est peut-être le seul talent utile à tous les états, à toutes les affaires, et presque à tous les plaisirs ; le seul talent qui soit senti de tous les hommes en général, quoique avec différents degrés ; le talent, par conséquent, qu’on doit le plus cultiver, pour, plaire et pour réussir. » Ainsi la poésie, il ne l’avoue et ne la pardonne qu’à titre de cousine germaine de l’éloquence, et qu’autant qu’elle le ramène encore à une de ces grandes arènes qui lui plaisent, à l’antique Agora ou au Forum, ou à un congrès de Munster, en un mot à une action directe sur les hommes. […] Il tient surtout dans sa lettre (car nous en sommes toujours à cette même lettre décisive, où il se découvre) à bien montrer à Mirabeau qu’on peut désirer de sortir d’une condition médiocre et d’arriver à une grande situation, par de grands motifs et sans du tout abjurer la hauteur des sentiments : Il y a des hommes, je le sais, qui ne souhaitent les grandeurs que pour vivre et pour vieillir dans le luxe et dans le désordre, pour avoir trente couverts, des valets, des équipages, ou pour jouer gros jeu, pour s’élever au-dessus du mérite et affliger la vertu, et qui n’arrivent à ce point que par mille indignités, faute de vues et de talents : mais, de souhaiter, malgré soi, un peu de domination parce qu’on se sent né pour elle ; de vouloir plier les esprits et les cœurs à son génie ; d’aspirer aux honneurs pour répandre le bien, pour s’attacher le mérite, le talent, les vertus, pour se les approprier, pour remplir toutes ses vues, pour charmer son inquiétude, pour détourner son esprit du sentiment de nos maux, enfin, pour exercer son génie et son talent dans toutes ces choses ; il me semble qu’à cela il peut y avoir quelque grandeur.