En avançant dans la vie, je me suis dit bien souvent que celui qui, dans sa jeunesse, à l’âge des nobles ambitions et de la belle ardeur, avait formé les plus hauts projets et conçu les plus magnifiques espérances, si, tout compte fait et toutes illusions dissipées, il se trouvait n’être déçu que de la moitié ou des trois quarts de son rêve, celui-là ne devait pas s’estimer encore trop mal partagé et n’avait pas trop à se plaindre du sort : c’est le cas de Du Bellay, qui, même en échouant et jusque dans le naufrage de la grande Armada littéraire dont il s’était fait le porte-voix et la trompette, a sauvé personnellement toute une part encore enviable de bon renom et de poésie. […] On conçoit que le poète ait reculé au moment de l’impression ; et, en effet, dans ces sept ou huit terribles sonnets posthumes, ce n’est pas seulement l’ambition et la cupidité qu’il dénonce sous la pourpre chez ces soudains et insolents mignons de la fortune, ce sont les vices païens, les scandales de l’antique Olympe. […] J’avois (et peut-être non sans occasion) conçu quelque espérance de recevoir un jour quelque bien et avancement de la libéralité du feu roi, plus par la faveur de Madame que pour aucun mérite que je sentisse en moi.
Quelle qu’en soit l’importance, au reste, dans le plan de l’édifice, on peut provisoirement concevoir cet espace entre les deux ailes rempli par le Génie du Christianisme, les Martyrs, l’Itinéraire, la Monarchie selon la Charte, les Quatre Stuarts, les Études historiques, tous palais différents de date et de style, mariant heureusement leur diversité, et composant un Louvre ou plutôt un Fontainebleau merveilleux, comme l’a dit quelque part M. […] Allez, ces grands soucis de poëte ne sont que feinte. » — Bonnes gens, qui ne concevez pas qu’on puisse agréablement vous sourire, et n’en pas moins sentir le néant et l’interminable ennui de toute chose ! […] Puis au retour, après le mariage, l’émigration ; la guerre au siège de Thionville, les veilles nocturnes du camp qui ont servi à peindre celles d’Eudore dans les Martyrs ; la blessure, le retour à Namur par les Ardennes où le poëte, qui a ébauché déjà Atala et René, est près de mourir d’épuisement ; Jersey, Londres ; la vie de misère et de noble fierté, l’Essai sur les Révolutions, l’histoire divine de Charlotte, et, à la nouvelle de la mort d’une mère pieuse, la pensée conçue, le vœu du Génie du Christianisme.
V On arrive ainsi à concevoir par une vue d’ensemble l’histoire des images et partant celle des idées dans un esprit humain. […] À présent, concevons dans le même individu deux états distincts, comme ceux que l’on vient de décrire. […] La malade du docteur Mesnet poursuivait ainsi dans un accès des projets de suicide conçus durant l’accès antérieur et oubliés dans l’intervalle lucide ; elle se rappelait alors toutes les circonstances de l’autre accès.
Si Chateaubriand eût été un grand poëte au lieu d’être un grand prosateur, et s’il eût conçu son poëme rationnel sur les vérités les plus acceptées de son siècle, en morale, en politique, en religion ; s’il eût vulgarisé quelque vérité nouvelle, pleine de Dieu, comme elles le sont toutes, et qu’il eût popularisé et divinisé ces vérités par un style en vers digne de Dieu et des hommes, il est à croire que le genre humain posséderait un poëme épique de plus, et la France un véritable et immortel poëte épique. […] On ne peut concevoir comment un esprit aussi juste et aussi puissant put se faire une telle illusion d’amour-propre ; mais enfin il se la fit et il écrivit à tête reposée le poëme d’Eudore et de Cymodocée. […] … » « René ne fait autre chose que tracer ici (et c’est sa gloire d’avoir été le premier à le concevoir et à le remplir) l’itinéraire poétique que tous les talents de notre âge suivront ; car tous, à commencer par Chateaubriand lui-même, qui n’exécuta que plus tard ce qu’il avait supposé dans René, ils parcourront avec des variantes d’impressions le même cercle, et recommenceront le même pèlerinage : l’Italie, la Grèce, l’Orient.
Il eût suffi pourtant de se dire que l’idylle, l’élégie, l’ode, le sonnet, l’épigramme, le rondeau, le madrigal, la satire, la chanson, tous ces genres dont quelques-uns sont si minces, ne sauraient se concevoir séparés de la forme poétique. […] Entre la tragédie et la comédie, il ne concevait point de genre intermédiaire. […] Ce n’est pas par l’invention : Boileau, au fond, ne conçoit pas autrement l’épopée.
Quelles que soient mes réserves sur ce qui va suivre, je me plais à dire qu’une pareille scène aussi largement conçue que hardiment exécutée atteste la présence, chez M. […] Rachilde Gog : Enamourés tous les deux des choses du divin, ces deux esprits si opposés, Villiers et Catulle Mendès, en même temps amis intimes et adversaires l’un à l’autre également redoutables, liés normalement par la parité de leur merveilleuse puissance de travail, et non moins normalement séparés par leur différente compréhension du mystère, ces deux hommes terribles pouvaient seuls, au monde des lettres, concevoir la terrible idée d’une substitution de Dieu. […] Plusieurs scènes en sont vraiment belles : la scène, entre autres, où, à contempler le sabre qu’il a dérobé, par jeu, au Marchand d’habits, Pierrot conçoit l’idée du meurtre, et celle où, tandis qu’il tient enlacée Musidora, lui apparaît le spectre de l’homme assassiné.
Nous trouverons, en effet, en allant droit à la source, en examinant la genèse de Lohengrin, que cet ouvrage a été conçu et exécuté sous des conditions très particulières, uniques dans la vie du Maître. […] C’est en « se détournant du monde qui l’entourait » que Wagner conçut Lohengrin, — en travaillant à la partition, « il se sentait comme dans un oasis au milieu du désert », — notre « théâtre moderne n’existait plus pour lui » (IV, 366 et 379), — l’idée de Bayreuth prenait forme (Tappert, Biogr. ; 83, lettre du 31 août 1847) ; et, cependant, Lohengrin était destiné au théâtre moderne, et son succès était souhaité (IV, 370). […] Il l’a conçue pour lui-même, ses inspirations lui sont venues dans des moments de désespoir, de détournement du monde, — et il l’a exécuté pour le théâtre qu’il haïssait, et pour des applaudissements qu’il méprisait.
La lumière, la couleur, le son, le goût sont tous des états de conscience : ce qu’ils sont en dehors de la conscience, à titre d’existence per se, nous ne pouvons le savoir ni l’imaginer, parce que nous ne pouvons les concevoir que comme nous les connaissons. […] « Par suite, dit-il, quand nous faisons tout notre possible pour concevoir l’existence de corps externes, nous ne faisons tout le temps que contempler nos propres idées. » Donc, les objets et les idées sont la même chose. […] Sans doute nous ne pouvons penser un objet, sans le faire rentrer sous les lois de la nature, sous les conditions de notre pensée ; mais il est tout différent de dire : « Je ne puis concevoir les choses autrement, donc elles ne peuvent exister autrement. » L’idéalisme assume ici que la connaissance humaine est absolue, non relative ; que l’homme est la mesure de toute chose.
La petite comédie de Chamfort, La Jeune Indienne, représentée à la Comédie-Française le 30 avril 1764, n’est, disait Grimm, qu’un ouvrage d’enfant, « dans lequel il y a de la facilité et du sentiment, ce qui fait concevoir quelque espérance de l’auteur ; mais voilà tout ». […] On revit, on rajeunit, et tout aïeul, penché sur le berceau de ses petits-enfants, conçoit mieux qu’un philosophe et qu’un grand moraliste la chaîne doucement renouée des générations et cet éternel recommencement du monde. […] Mustapha et Zéangir parut imprimé en 1778 et fut dédié à la reine ; voici cette dédicace, qui n’a pas été reproduite dans les éditions des Œuvres de Chamfort : « Madame, l’indulgente approbation dont Votre Majesté a daigné honorer la tragédie de Mustapha et Zéangir m’avait fait concevoir l’espérance de lui présenter cet ouvrage, et vos bontés ont rendu ce vœu plus cher à ma reconnaissance.