IV Mais, encore une fois, si cette biographie d’un homme qui a droit, sinon à la statue en pied de l’histoire au moins à la médaille de la biographie, si tout ce travail sur François Suleau est très élevé de renseignement, de vue et d’accent, et si l’écrivain qui l’a publié y a montré des aptitudes et des facilités vers l’histoire, grave ou tragique, telle qu’elle est le plus généralement conçue et réalisée par MΜ. les historiens ordinaires, je ne m’en opiniâtre pas moins à croire, ainsi que je l’ai dit au commencement de ce chapitre, que le vrai génie spécial de l’auteur Ombres et vieux murs, que son originalité la plus vive, serait, son genre d’esprit donné, la mise en scène ou en saillie de l’élément comique ou ravalant qui ne manque pas dans l’histoire, et qu’il saurait fort bien en dégager, ainsi que l’attestent les excellentes variétés historiques qu’il nous a mises sous les yeux, titres réveillants en tête : La Lanterne, Le Rhum et la Guillotine, Le Lendemain du massacre, etc., tous épisodes ou mosaïques d’anecdotes dont il faut juger par soi-même en les lisant et dont l’analyse, d’ailleurs, ne donnerait qu’une très imparfaite idée. […] Mais appliquée aux époques excessives d’une Révolution qu’on cherche aujourd’hui à nous faire prendre intégralement comme le chef-d’œuvre de l’esprit humain et la réalisation de l’idéal moral le plus grandiose, sinon le plus pur (on y tient beaucoup moins), cette manière de concevoir l’histoire et de la regarder, dans les ombres et sous la portée des vieux murs, pour saisir ce qui s’y cache d’inepties, de lâchetés, de corruptions, de sales petites ignominies, serait excellente comme réfrigérant d’enthousiasme.
Il est justement de cette famille de poètes naturellement les plus antipathiques à l’esprit qui régnait alors, et qui ne concevait la poésie que comme il concevait la peinture et toutes choses, c’est-à-dire sans idéal, sans hauteur d’esthétique, sans spiritualité et sans grandeur.
Mais, lorsque nous cherchons comment cette première pensée humaine fut conçue dans le monde païen, nous rencontrons de graves difficultés. […] Considérons en dernier lieu si nous pouvons concevoir dans telle occasion, dans tel lieu, dans tel temps, quelques bienfaits divins qui eussent pu mieux conduire et conserver la société humaine, au milieu des besoins et des maux éprouvés par les hommes ; voilà les preuves que nous fournit l’éternelle bonté de Dieu. — Ces trois sortes de preuves peuvent se ramener à une seule : Dans toute la série des choses possibles, notre esprit peut-il imaginer des causes plus nombreuses, moins nombreuses, ou autres, que celles dont le monde social est résulté ?
Avouons que Philippe II ainsi conçu est tout à fait neuf. […] Par un mouvement de probité bien facile à concevoir, M. […] Je conçois que le désespoir fasse désirer la mort à cette pauvre fille. […] Hugo a conçu son drame. […] Pour ma part, je ne conçois pas la conciliation du mensonge avec une estime réelle.
Ce que Molière conçut dans sa vie de province de charmantes et de fécondes idées, a fructifié dans son cerveau, et plus tard son imagination se charge de les colorer. […] Marmontel, au moment même où Favart faisait Annette et Lubin, sachant bien qu’il le faisait, conçoit ridée de mettre le même sujet au théâtre. […] Quand son imagination a été une fois frappée, qu’elle a médité, elle conçoit et jette dans le moule le caractère d’un seul coup, elle l’y jette complet avec tous les travers qu’il doit avoir. […] Molière conçut l’idée, la première idée de se moquer d’un directeur de conscience ; il n’alla pas au-delà. […] Molière, par la divination du génie, l’a vue telle ; et il l’a conçue comme le pendant et la conséquence nécessaire de la fausse dévotion, il a conçu Dom Juan comme le pendant de Tartuffe.
Quiconque, dans ce siècle, a tenté de le dire, y a échoué misérablement, parce que, ne pouvant concevoir l’homme sans la moralité, sans le langage ou en dehors de la société, ce sont ainsi les éléments mêmes de sa définition qui échappent à la compétence, aux méthodes, aux prises enfin de la science. […] Si ce ne sont pas là des « banqueroutes » totales, ce sont du moins des « faillites » partielles, et l’on conçoit assez aisément qu’elles aient ébranlé le crédit de la science. […] Tout au contraire, ils exagèrent la puissance et l’excellence de la nature, et mettant uniquement en elle le principe et la règle de la justice, ils ne peuvent pas même concevoir la nécessité de faire de constants efforts et de déployer un grand courage pour contenir et gouverner ses instincts désordonnés. » C’est ici la vérité même. […] J’essaierai peut-être un jour de dire comment je conçois dans leur succession historique les rapports alternatifs de la morale et de la religion. […] Et dans une phrase ainsi conçue : « La Foi détruit ainsi l’Espérance en son cœur, et dans le naufrage de l’Espérance sombre à son tour la Charité » comment n’a-t-on pas vu qu’il était question de toute autre chose ?
Mais, après avoir senti de la sorte, après avoir épuisé jusqu’au bout son erreur, je ne puis plus concevoir qu’Indiana guérisse si facilement, qu’elle recouvre un front serein, un sourire purement heureux, une félicité presque virginale sous les palmiers de sa chaumière : idylle en tout surchargée, tableau final qui renchérit trop sur celui par lequel Paul et Virginiecommence ! Je conçois bien qu’à l’âge d’Indiana, et malgré la blessure d’une si furieuse passion, on s’adoucisse, on vive, on oublie un peu, et qu’après un intervalle assez long, on finisse même par aimer ailleurs ; mais ici le passage est brusque, la guérison magique ; sir Ralph joue le rôle d’un véritable Deus ex machina, qui, déguisé jusqu’alors en quelque rustre, et demeuré témoin insignifiant du drame, se révèle soudain, reprend sa haute beauté et ravit à lui l’Ariane : l’histoire réelle finit comme un poëme mythologique.
George Sand, pour Cosima, n’avait pas précisément conçu la chose ainsi. […] … oui, … j’aurais pu m’éloigner alors, me supprimer… » C’est là l’idée du moins, sinon les propres paroles, une idée de sacrifice, comme dans Jacques, et comme il est très possible qu’un mari tel qu’Alvise la conçoive.
Si le poète n’a réuni à ces sentiments ni des maximes de morale ni des réflexions philosophiques, c’est qu’à cette époque l’esprit humain n’était point encore susceptible de l’abstraction nécessaire pour concevoir beaucoup de résultats. […] Mais, je le demande aux penseurs éclairés, s’il existe un moyen de lier la morale à l’idée d’un Dieu, sans que jamais ce moyen puisse devenir un instrument de pouvoir dans la main des hommes ; une religion ainsi conçue ne serait-elle pas le plus grand bonheur que l’on pût assurer à la nature humaine !