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275. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Entre tous les plaisirs de l’esprit, celui du théâtre est le plus sensible et le plus intense pour un tel public, grossier et homogène, composé par conséquent d’individus en qui vibre plutôt l’âme commune des foules que les impressions uniques d’une âme personnelle. […] Gringore compose une Vie de saint Louis pour la corporation des maçons et des charpentiers, qui possède la chapelle de saint Blaise et de saint Louis : le mystère se jouera le 25 août, pour honorer le patron des maçons et des charpentiers, lit ainsi toute sorte de saints locaux auront leurs mystères, comme patrons de villes et de confréries ; ou bien une paroisse, un couvent voudront accréditer des reliques, recommander un pèlerinage : cela se fera par une représentation dramatique, comme trois siècles plus tôt par une épopée. […] Une habitude s’établit de composer le spectacle des trois genres de pièces. […] Telle farce inclinera à la comédie ; telle autre se composera de deux ou trois scènes sans action ; telle sera un monologue. […] On ne sait par qui ni quand Patelin fut composé et joué : tous les noms, toutes les dates qu’on a donnés ne s’appuient sur aucun fondement sérieux.

276. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

Voilà par où vivent les personnages de La Bruyère : on les voit si nettement, ils sont si particuliers dans leur air et leur action, qu’on a peine à croire que l’artiste les ait composés, et non pas copiés. […] Un chapitre du livre contredit à peu près constamment ce que j’ai dit ; ou du moins, pour que l’idée que j’ai donnée de La Bruyère s’y retrouve, il faut renverser les proportions des éléments qui composent son esprit. […] Un bon nombre des idées des Dialogues se retrouvent dans la Lettre à l’Académie, qui fut composée près de trente ans plus tard. […] Non : Fénelon nous ramène à Ronsard, ou plutôt à Du Bartas, presque à l’écolier limousin : il rêve d’inutiles synonymes, des composés de forme grecque ou latine, toute une fabrication artificielle de mots littéraires. […] C’est un roman pédagogique que Fénelon a composé pour donner au duc de Bourgogne un enseignement moral approprié à ses besoins, tout en lui faisant repasser la mythologie et l’histoire poétique de l’antiquité grecque.

277. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

La moralité d’un peuple comporte non seulement les relations d’un sexe avec l’autre, mais aussi les façons d’agir des hommes qui le composent soit avec leurs concitoyens, soit avec les étrangers, soit avec eux-mêmes. […] Il s’ensuit qu’une société est toujours un composé de vices et de vertus et qu’elle peut être à la fois fort morale à certains égards et fort immorale à d’autres. […] Ainsi envisagé, sous ses diverses faces, le xviiie  siècle apparaît semblable à la petite statue que le philosophe Babouc présenta au génie Ituriel, pour lui faire entendre ce qu’il pensait de la ville de Persépolis : elle était composée « des terres et des pierres les plus précieuses et les plus viles. » Si l’on représentait par un de ces graphiques, qui sont aujourd’hui d’usage courant, les différentes vertus et le niveau moyen que le xviiie  siècle a atteints dans chacune d’elles, c’est une ligne montant très haut et descendant très bas qu’on obtiendrait de la sorte. […] Dans ce qui reste après cette grave amputation, l’écrivain est condamné au perpétuel dilettantisme, qui jongle avec les opinions et dit tour à tour blanc et noir ; impassible, il risque de composer des ouvrages qui ont le froid et le poli de la glace ; détache de la lutte des idées, il est réduit au souci exclusif de la forme ; forcé de s’abstenir en toute question qui touche à la vie profonde de la nation, il s’abâtardit en une sorte de veulerie et de lâcheté intellectuelles  ; il en arrive à fabriquer de jolis riens, des bibelots de décadence, flacons ciselés où ne demeure plus une goutte de liqueur, plus un atome de parfum ni de pensée. […] Ainsi, pour peu qu’on suive dans sa marche ce qu’on a nommé de nos jours « le mal du siècle », cette espèce de petite vérole noire qui a sévi durant bon nombre d’années, on voit, pour ainsi dire, la contagion passer de certains écrivains fameux à leurs lecteurs ; on voit le suicide parfois, plus souvent l’aveulissement de la volonté dériver des œuvres pessimistes et déprimantes composées par les hommes de talent qui furent atteints de cette maladie.

278. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

On le dit libre et responsable dès qu’il est normal, dès que tous les poids qui concourent pour l’ordinaire à former cet équilibre instable se laissent voir dans la somme des éléments psychologiques qui le composent. […] *** Parmi les fausses conceptions que l’homme prend de lui-même et qui composent le Bovarysme essentiel de l’humanité, on a donné la première place à la croyance au libre arbitre parce qu’elle engendre des conséquences pratiques immédiates et qu’elle est, de ce fait, plus saillante. […] L’homme composé et résultante d’instincts et de moments multiples se conçoit un. […] On ne voit pas que ce corps, différencié dans l’espace d’une série d’autres corps auxquels il s’appareille par des ressemblances spécifiques, n’est, quand on l’analyse isolément, qu’un composé de parties à l’infini. […] Le même état de sensibilité qui explique les premières hypothèses où le désir se satisfait dans la foi, sans regarder à l’invraisemblance de ses inventions, le même état de sensibilité explique encore ces échafaudages plus complexes au moyen desquels l’esprit s’ingénie à construire, à côté du monde visible, ces apparences logiques dont l’harmonie dissimule la fragilité et qui composent les métaphysiques.

279. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Ces portraits et caractères composés si savamment, mais composés et concertés, auraient pris plus de naturel et de vie ; les originaux vrais auraient apparu, se seraient développés avec ampleur et abandon, et je ne sais quel charme qui leur manque ; je le suppose toujours à l’abri du trop de facilité et de laisser-aller. […] Nous voyons bien à Jérusalem une classe spéciale, les prophètes et quelques autres hommes, deux rois, par exemple, qui, sans appartenir à la tribu sacerdotale, composent des poésies, des histoires, des sentences ; mais la nature de leurs écrits, presque tous religieux, et le soin qu’ils prennent de les déposer dans la bibliothèque du temple, soit comme un hommage, soit comme une garantie de durée, indiquent assez la subordination. […] Le besoin ou la passion du gain détournera donc l’homme de lettres de composer des ouvrages solides mais sérieux, que cinq cents personnes comprennent et achètent, et qui n’en sont pas moins quelquefois le flambeau où toute une époque emprunte de proche en proche sa lumière. […] On ne peut composer tout le jour ; le gagne-pain est une distraction utile : on revient chez soi plus avare des heures furtives de l’étude.

280. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Ils déposèrent leurs sensations dans les mêmes phrases, qui avaient contenu les idées des classiques : ils dressèrent exactement comme leurs devanciers l’appareil des conjonctions et des relatifs, des propositions subordonnées et coordonnées ; ils composèrent selon les règles les groupes des sujets, des verbes et des régimes. […] La variété venait surtout de l’inégalité des éléments qui composaient chaque hémistiche : tantôt une syllabe d’un côté et cinq de l’autre, ou deux et quatre, ou quatre et deux, ou cinq et une ; et d’un hémistiche à l’autre, d’un vers à l’autre, le groupement se faisait différemment. […] Il se moque de la composition, et en effet il lui est à peu près impossible de composer une grande œuvre : au fond, le manque de composition se ramène à un défaut d’invention. […] Et c’est peut-être parce que Gautier n’est pas créateur ; il aime à trouver le sujet composé, l’impression et le caractère dégagés par un artiste : alors il comprend l’intention, et il rend les effets avec une surprenante sûreté d’œil et de main. […] Il en avait toujours usé avec goût et succès : il en composa (sauf deux pièces) tout son recueil d’Émaux et Camées.

281. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVII » pp. 306-312

Ce livre est en effet admirablement composé et conduit ; on ne se perd pas un seul instant dans les détails, quoique il y en ait beaucoup en chaque branche spéciale, en finances, en administration, en stratégie, mais le tout est ramené à l’ensemble et concourt à la marche générale. […] Sa bibliothèque, nous dit un journal, se composait en tout de six ou sept ouvrages : Homère, Virgile (l’Énéide), la Jérusalem du Tasse, les Lusiades de Camoëns, la Messiade de Klopstock, et la Divine Épopée, qu’il ajoutait d’autorité à cette illustre famille : une plume d’aigle, présent d’un ami, et avec laquelle il avait écrit cette Divine Épopée, était suspendue comme trophée au-dessus de l’œuvre.

282. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé Boileau, et Jean-Baptiste Thiers. » pp. 297-306

Au contraire, même cet écrivain judicieux ne s’étoit fait un nom que par des dissertations presque toutes composées pour déraciner des abus. […] Pour se venger & justifier l’indécence qui se trouve dans plusieurs descriptions de l’Histoire des flagellans, il composa un recueil de cas de conscience, métaphysiques & singuliers, exposés & rendus très librement par Sanchès.

283. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIII. Des panégyriques en vers, composés par Claudien et par Sidoine Apollinaire. Panégyrique de Théodoric, roi des Goths. »

Des panégyriques en vers, composés par Claudien et par Sidoine Apollinaire. […] Ce fut dans le temps de sa prospérité qu’il composa cette foule de panégyriques que nous avons de lui : car l’enthousiasme pour les hommes puissants n’est guère que la maladie des gens heureux.

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