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2143. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

C’est aussi un sentiment de fraternité dans la souffrance, la faiblesse et l’ignorance communes à tous les hommes, riches ou pauvres. […] Comment se piquer d’être auprès des autres l’interprète de la parole divine, d’être leur guide public et reconnu, quand on est embarrassé soi-même des nécessités où se débat le commun des hommes ?

2144. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Roman sur le siège et la Commune : Faire revenir Maxime et les enfants. […] Mes-Bottes se range, devient bon ouvrier ; il ne refusera pas de lui venir en aide ; il ira, s’il le faut, avertir Goujet ; Goujet, qui a toujours des économies, arrivera à la rescousse, et tout finira à la satisfaction commune… » Et, au lieu de cela, de cette conclusion peu dramatique, mais indiquée par la marche des faits, la scène représente tout à coup le boulevard Rochechouart, près de l’Élysée-Montmartre.

2145. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Il y a je ne sais quelle répugnante promiscuité de salut dans cette adjonction : ça ressemble à la fosse commune de la prière… Derrière moi, à la chapelle, pleure la nièce de Rose, la petite qu’elle a eue un moment chez nous, et qui est maintenant une jeune fille de dix-neuf ans, élevée chez les sœurs de Saint-Laurent : pauvre petite fillette, étiolée, pâlotte, rachitique, nouée de misère, la tête trop grosse pour le corps, le torse déjeté, l’air d’une Mayeux, triste reste de toute cette famille poitrinaire attendu par la Mort, et dès maintenant touché par elle, — avec, en ses doux yeux, déjà une lueur d’outre-vie. […] Trois intérieurs, à trois crans de l’échelle, m’ont frappé… Au fond d’une cour, rue Jacob, on monte cinq étages, on suit un corridor où donnent des portes de chambres de domestiques, une sorte de labyrinthe dans des communs.

2146. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Et il nous conte, que pendant le second siège de Paris, il avait organisé dans la Seine-Inférieure et quelques autres départements de l’Ouest, un plan de défense, dans le cas où le Mont-Valérien serait pris et où la Commune triompherait. […] Partout un grand luxe, mais un luxe commun et acheté tout d’un coup, et au milieu duquel, la gaze qui enveloppe et défend les dorures, dit la mesquinerie bourgeoise de cette fille placée par le hasard dans la famille des grandes impures.

2147. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

L’idée commune y plane sur ces ailes d’oie, d’envergure de condor, qu’a l’idée commune, qui voudrait, au besoin, tasser tout l’esprit humain sous ces bêtes d’ailes.

2148. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Elle ne se venge personnellement du critique qu’en citant avec éloge son poëme du Jour des morts dans une campagne ; mais elle s’élève sans pitié contre ce faux bon goût qui consisterait dans un style exact et commun, servant à revêtir des idées plus communes encore : « Un tel système, dit-elle, expose beaucoup moins à la critique. […] Plusieurs journalistes, dont on connaît d’avance l’opinion sur un livre d’après le seul nom de son auteur, se sont déchaînés contre Delphine ou plutôt contre Mme de Staël, comme des gens qui n’ont rien à ménager… Ils ont attaqué une femme, l’un avec une brutalité de collége (Ginguené paraît avoir imputé à Geoffroy, qu’il avait sur le cœur, un des articles hostiles que nous avons mentionnés plus haut), l’autre avec le persiflage d’un bel esprit de mauvais lieu, tous avec la jactance d’une lâche sécurité. » Après de nombreuses citations relevées d’éloges, en venant à l’endroit des locutions forcées et des expressions néologiques, Ginguené remarquait judicieusement : « Ce ne sont point, à proprement parler, des fautes de langue, mais des vices de langage, dont une femme d’autant d’esprit et de vrai talent n’aurait, si elle le voulait une fois, aucune peine à revenir. » Ce que Ginguené ne disait pas et ce qu’il aurait fallu opposer en réponse aux banales accusations d’impiété et d’immoralité que faisaient sonner bien haut des critiques grossiers ou freluquets, c’est la haute éloquence des idées religieuses qu’on trouve exprimées en maint passage de Delphine, comme par émulation avec les théories catholiques du Génie du Christianisme : ainsi la lettre de Delphine à Léonce (xiv, 3e partie), où elle le convie aux croyances de la religion naturelle et à une espérance commune d’immortalité ; ainsi encore, quand M. de Lebensei (xvii, 4e partie), écrivant à Delphine, combat les idées chrétiennes de perfectionnement par la douleur, et invoque la loi de la nature comme menant l’homme au bien par l’attrait et le penchant le plus doux, Delphine ne s’avoue pas convaincue, elle ne croit pas que le système bienfaisant qu’on lui expose réponde à toutes les combinaisons réelles de la destinée, et que le bonheur et la vertu suivent un seul et même sentier sur cette terre.

2149. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Toute mon âme s’employait, sérieuse, à apprendre et à savoir pour travailler par là au bien commun ; je me croyais né pour cette fin, pour être le promoteur de toute vérité et de toute droiture. » En effet, à l’école, puis à Cambridge, puis chez son père, il se munissait et se préparait de toute sa force, « libre de tout reproche, et approuvé par tous les hommes de bien », parcourant l’immense champ des littératures grecque et latine, non-seulement les grands écrivains, mais tous les écrivains, et jusqu’au milieu du moyen âge ; en même temps l’hébreu ancien, le syriaque et l’hébreu des rabbins, le français et l’espagnol, l’ancienne littérature anglaise, toute la littérature italienne, avec tant de profit et de zèle, qu’il écrivait en vers et en prose italienne et latine comme un Italien et un Latin ; par-dessus tout cela, la musique, les mathématiques, la théologie, et d’autres choses encore. […] Adam est le vrai chef de famille, électeur, député à la chambre des communes, ancien étudiant d’Oxford, consulté au besoin par sa femme, et lui versant d’une main prudente les solutions scientifiques dont elle a besoin. […] Qu’après cela il fut emmené par eau à la Flotte et enfermé dans une chambre telle qu’il y fut toujours malade et au bout de huit ans jeté dans la prison commune. » Il avait soixante-douze ans.

2150. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Et nul globe ne réclame, et rien ne troublerait cet ordre tranquille si l’un des plus infimes parmi les microcosmes, l’homme, curieux de choses qui ne le regardent pas, ne s’ingéniait à mettre des bâtons dans les roues et à faire la leçon au macrocosme, sous prétexte que celui-ci ne lui a pas révélé leur commune raison d’Être. […] Ceux de la foule qui leur promettent la pâture et qui leur persuadent qu’étant le grand nombre ils sont infaillibles, trouvent seuls à se faire entendre en leur prêchant l’égalité, c’est-à-dire l’abaissement général sous un niveau commun. […] Tour à tour projetés du centre commun, puis ramenés à ce centre par le jeu des forces, les mondes se transforment sans cesse, mais ils ne commencent ni ne finissent jamais, n’étant, par essence, que des modes de ce mystère où se confondent le temps et l’espace : le mouvement. […] Ton intelligence avait besoin de briser le mur opaque des apparences pour monter d’un degré au-dessus du commun des hommes.

2151. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Alexandre Dumas père ayant passé sa vie à montrer son derrière aux nations, dans des débraillements augustes, — unique point commun, d’ailleurs, entre lui et le Patriarche vigneron, — Alexandre Dumas fils a voulu que cela fût immortalisé et coulé en bronze. […] Mais ils ont ceci de commun : le mépris de l’autorité religieuse et le besoin furieux d’être prophètes dans leur patrie. […] Jugez-en : Le citoyen Savinien Rivière est un ancien défenseur de la Commune de Paris, un déporté de la presqu’île Ducos, un anticlérical dont les publications philosophiques avaient porté l’inquiétude « jusqu’au fond du Vatican ». […] II La franc-maçonnerie visée par l’Encyclique et la vieille hérésie janséniste ont ceci de commun qu’elles ne se démasquent dans aucun cas et n’ont jamais consenti à triompher par l’ostentation de leur puissance. […] IV Et maintenant, si l’on vient à penser qu’il y a en France quelque chose comme seize cent mille individus, la plupart instruits et lettrés, — autant que puisse l’être le commun des bourgeois, — qui ont pu avaler, en haine du christianisme, une aussi dégoûtante pâtée de ridicule, on comprendra l’énorme danger de cette conspiration des imbéciles et le cri d’alarme du Père des fidèles.

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