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879. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Il les apprit par cœur, et, ce qui est prodigieux, il les retint. […] On fait à la haute théologie le même tort qu’à la métaphysique : on la juge par sa prétention qui est de nous mener par le raisonnement à cette science de Dieu que le cœur seul nous enseigne. […] Il recommande la simplicité du cœur ; il blâme les terreurs de la solitude, et ce qu’il appelle cette piété sèche et subtile qui n’est que le moins coupable des égoïsmes. […] Ils risquaient, par leurs subtilités, de corrompre le cœur ; par leur casuisme, d’éveiller dans les consciences ce fonds de mauvaise foi d’où nous tirons tous les prétextes de mal faire. […] Si la charité eût alors parlé au cœur de Bossuet, il eût regretté d’avoir réduit son adversaire à avouer un commerce qui ne pouvait être que coupable ou ridicule.

880. (1921) Esquisses critiques. Première série

Sans doute ont-ils un dictionnaire à la place du cœur. […] On sent qu’il tolère encore dans son cœur une certaine sympathie à l’endroit de ces créatures. […] Ils ne contiennent aucun aperçu réel sur le cœur ou sur la vie. […] Le cœur a ses raisons. […] Les Cœurs Malades, p. 168.

881. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre premier. De l’invention dans les sujets particuliers »

Mais, le jour où l’on écrit, il ne s’agit pas de dégorger confusément sur le papier tout ce qu’on a dans l’esprit et dans le cœur. […] De là la chaleur émue, la conviction contagieuse des discours de Cinna : dans la bouche du Romain, par les exemples de l’histoire romaine, un cœur français professe le culte de la monarchie, gardienne de l’ordre. […] Il faut fouiller son esprit et son cœur, se poser pour ainsi dire en face de soi-même, comme un juge d’instruction qui veut arracher la vérité à un accusé muet.

882. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la distribution des prix du lycée d’orléans. » pp. 223-229

Au reste, si je n’ai pas été élevé dans votre vieux lycée et si je ne suis qu’un Orléanais intermittent, cela n’empêche point, j’imagine, que je ne sois un très bon Orléanais tout de même ; que, en dépit des exils forcés, il n’y ait un coin de ce pays de Loire où est une part de mon cœur, et qu’ainsi je ne me trouve aisément avec vous en communauté de sentiments, de souvenirs et d’affections. […] Mais, avec tout cela, il est évident que son don propre ne fut pas le génie des lettres ni le génie de la guerre, mais le génie du cœur. […] Elle a été, en son temps, un cœur plus large et plus aimant que tous les autres.

883. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIV » pp. 394-401

Désormais le cœur du roi suit madame de Maintenon dans son domaine. […] Madame de Sévigné, plus désintéressée que madame de Maintenon, jugeait mieux le cœur du roi à l’égard de madame de Montespan. […] Madame de Sévigné la regardait comme tout à fait sortie du cœur du roi.

884. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Lucrèce Borgia » (1833) »

L’idée qui a produit le Roi s’amuse et l’idée qui a produit Lucrèce Borgia sont nées au même moment sur le même point du cœur. […] Prenez la difformité morale la plus hideuse, la plus repoussante, la plus complète ; placez-la là où elle ressort le mieux, dans le cœur d’une femme, avec toutes les conditions de beauté physique et de la grandeur royale, qui donnent de la saillie au crime, et maintenant mêlez à toute cette difformité morale un sentiment pur, le plus pur que la femme puisse éprouver, le sentiment maternel ; dans votre monstre mettez une mère ; et le monstre intéressera, et le monstre fera pleurer, et cette créature qui faisait peur fera pitié, et cette âme difforme deviendra presque belle à vos yeux. […] Il ne mettra pas Marion De Lorme sur la scène, sans purifier la courtisane avec un peu d’amour ; il donnera à Triboulet le difforme un cœur de père ; il donnera à Lucrèce la monstrueuse des entrailles de mère.

885. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

Son mariage, sa carrière, l’avaient éloigné de ce lieu ; mais son cœur y était resté, et il y retournait toujours avec bonheur. […] Le caractère de ce livre, c’est la jeunesse, c’est l’ivresse, c’est la fête du cœur et de l’esprit. […] « En me voyant, elle mit la main sur son cœur, à la manière dont les Arabes saluent, et, sans se lever, elle me fit place à ses côtés. […] « — Non, Madame, répondis-je ; je voulais voir lady Stanhope, et, sous quelques vêtements qu’elle paraisse à mes yeux, j’espère que mon hommage aura pénétré jusqu’à son cœur. […] Un Arabe sur le Liban ne vous recevra pas comme une Anglaise à Londres ; mais acceptez de bon cœur ce que je vous offre de même. — Adieu, Monsieur, ajouta-t-elle en mettant la main sur son cœur, que le bonheur vous accompagne !

886. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

Ces écrivains, les hommes à système et les hommes à contradictions, ont l’avantage, étant très personnels et marquant toutes leurs pensées à leur empreinte, d’être rebelles au plagiat et de décourager les prodigieux efforts que la paresse de l’esprit impose à la mémoire : on s’en nourrit, on s’en assimile ce qu’on peut ; on ne les apprend pas par cœur, on ne les découpe pas en formules, on ne les plaque point sur ses compositions. […] Dévorer des volumes n’est rien : on pourrait savoir tout Larousse par cœur et n’avoir pas une idée dans la tête. […] Cet orgueil, cette suffisance sont une forme de l’esprit, non un vice du cœur. […] Votre cœur vous fera comprendre la pièce qui, par réaction, vous fera mieux lire dans votre cœur.

887. (1761) Apologie de l’étude

Les passions que ces derniers ouvrages prétendent nous développer, paraissent bien froides à un cœur inaccessible aux passions, et peut-être plus froides encore quand on en a une ; quelle distance on trouve alors entre ce qu’on lit et ce qu’on sent ! […] J’écrivis, le cœur serré, un long et triste ouvrage de morale, où je croyais pu moins avoir prêché la vertu la plus pure. […] C’était de même en sondant votre cœur, et non dans les subtilités des sophistes, que vous deviez étudier la morale ; malheur à qui a besoin de lire des livres pour être honnête homme ! […] Tant pis pour vous cependant, si Corneille et Bossuet ne vous ont pas élevé l’âme, si Racine ne vous a pas arraché des larmes, si Molière ne vous a pas paru le plus grand peintre du cœur humain, si vous ne savez pas. Quinault et La Fontaine par cœur.

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