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20. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

L’ingénieux Acosta les compare avec la partie obscure du disque de la lune, dans les éclipses partielles, et semble les attribuer à l’absence des étoiles et au vide qu’elles laissent dans la voûte du ciel. […] « Par suite de la rétrogradation des points équinoxiaux, l’aspect du ciel étoile change sur chaque point de la terre. […] Il a pris la Lune pour point de comparaison intermédiaire, et en a comparé l’éclat à celui de l’étoile double α du Centaure, une des plus brillantes (la 3e) de tout le ciel. […] Des personnes pourvues d’une bonne vue pouvaient distinguer cette étoile pendant le jour, même en plein midi, quand le ciel était pur. La nuit, par un ciel couvert, lorsque toutes les autres étoiles étaient voilées, l’étoile nouvelle est restée plusieurs fois visible à travers des nuages assez épais.

21. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

C’est le secret du ciel. […] Consolations en effet, descendues du ciel et remontées du cœur du solitaire jusqu’à l’oreille de tous les hommes. […] On dirait qu’on écoute aux portes du ciel et qu’on entend les chuchotements de l’esprit à travers le grand murmure des sphères. […] Toute consolation qui vient des hommes est vaine et de peu de durée : que ton entretien soit d’avance dans le ciel ! […] Un cœur pur pénètre le ciel et l’enfer.

22. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

Il dirait volontiers comme le Tasse dans ce sonnet à Mme Lucrèce, duchesse d’Urbin : « Negli anni acerbi tuoi, etc. » En vos années d’âpre verdeur, vous ressembliez à la rose purpurine qui n’ouvre son sein ni aux tièdes rayons ni au Zéphyre, mais qui dans sa robe verte se cache vierge encore et toute honteuse ; Ou plutôt vous paraissez (car aucune chose mortelle ne peut se comparer à vous) comme une céleste Aurore qui emperle les campagnes et dore les monts, brillante dans un ciel serein, et tout humide de rosée : Aujourd’hui la saison moins verte ne vous a rien ôté ; et, fussiez-vous même en négligé, la beauté de première jeunesse, tout ornée d’atours, ne saurait vous vaincre ou vous égaler. […] La fin de cette ode, qui semblait inspirée jusque-là par Properce ou par Lucrèce, a pourtant une perspective tout à coup entrouverte du côté du ciel : De la terre, ô Daphné ! c’est le ciel qui console ; Aux lambris étoilés quand une âme s’envole,         Un dieu la pèse de ses mainsp : Et, s’il la trouve pure, il ouvre devant elle Des jardins lumineux, des plaines d’asphodèle,         Que n’ont point foulés les humains ! […] Ce ciel, qui participe de l’Olympe par ses jardins lumineux, et des enfers antiques par ses champs d’asphodèle, n’est pas le vrai ciel du spiritualiste ni du chrétien ; il ne contient aucune véritable espérance, aucun motif de consolation, et la pièce À Daphné, conçue avec assez de fierté, développée avec assez de talent, manque pourtant de décision ; elle demeure comme suspendue entre André Chénier et Lamartine. […] On noterait encore de ces strophes qu’on aime à retenir, dans l’ode adressée par Denne-Baron Aux Mânes d’Octavie Devéria, sœur des célèbres peintres ; cette jeune femme, morte peu après le mariage, dans tout l’éclat de la beauté et entourée du charme des arts, a bien inspiré le poète ami : Des chœurs de l’Hyménée à peine tu déposesq, Ta chevelure encor sent l’haleine des roses Dont il te couronna comme un ciel du matin… Properce occupa de bonne heure M. 

23. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre V. Caractère du vrai Dieu. »

À la voix du premier, les fleuves rebroussent leur cours, le ciel se roule comme un livre, les mers s’entrouvrent, les murs des cités se renversent ; les morts ressuscitent, les plaies descendent sur les nations. […] Le Jupiter d’Homère, ébranlant le ciel d’un signe de ses sourcils, est sans doute fort majestueux ; mais Jéhovah descend dans le chaos, et lorsqu’il prononce le fiat lux, le fabuleux fils de Saturne s’abîme et rentre dans le néant. […] En vain ils s’uniroient pour lui faire la guerre : Pour dissiper leur ligue, il n’a qu’à se montrer ; Il parle, et dans la poudre il les fait tous rentrer, Au seul son de sa voix la mer fuit, le ciel tremble : Il voit comme un néant tout l’univers ensemble ; Et les faibles mortels, vains jouets du trépas, Sont tous devant ses yeux comme s’ils n’étoient pas66. […] Ces R et ces consonances en (ôn), dont le vers est rempli, imitent le roulement de la foudre, interrompu par des espèces de silence, ῶν, τὲ, θε, ῶν, τὲ : c’est ainsi que la voix du ciel, dans une tempête, meurt et renaît tour à tour dans la profondeur des bois.

24. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Non : c’est aussi le laid, l’horrible, le difforme ; c’est un ciel gris et terne, aussi bien qu’un ciel bleu ou un orage d’éclairs et de foudres ; une terre aride, un champ de mort, un désert, comme une forêt vierge ; des cris discordants, comme des sons harmonieux ; c’est tout enfin, c’est la vie universelle. […] Ce n’est plus ni la terre ni le ciel des Chrétiens, unis entre eux par une chaîne à la fois humaine et divine, visible et invisible : espérance, foi, charité, terre et ciel, tout a disparu devant la solitaire contemplation de ce vaste océan de l’Être où tout va s’engloutir. […] Lamartine fut plus spécialement le poète religieux de la Restauration, c’est-à-dire qu’il essaya de refaire le ciel religieux du passé. […] L’Église était sur la terre la compagne mystique de Jésus ; par Jésus et par l’Église la terre était unie au ciel. […] Elle n’a pas de ciel et elle ne se lie pas à la terre ; la foi, l’espérance et la charité lui manquent, comme à celle de Lamartine.

25. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

Laissez-moi vous en parler à mon aise pendant cette matinée d’été, à l’ombre, où l’on n’a rien de mieux à faire qu’à causer en ouvrant nonchalamment son âme à toutes les brises qui traversent capricieusement le ciel, et qui font frissonner et miroiter les feuilles au-dessus de nos têtes. […] Son œil bleu, très doux, mais très éclairé d’arrières-lueurs, regarde timidement la foule et hardiment le ciel ; ses joues sont fraîches, de la fraîcheur du lait des montagnes où il est né et où il habite ; le frisson des Alpes court sur sa peau et la rend tour à tour, au souffle de l’inspiration, pâle ou vermeille. […] Il faut les chercher dans la solitude ; c’est là que naissent ces grandes passions, entre ciel et terre, telles que celles que nous avons à vous signaler dans cette âme appelée je ne sais comment dans la langue des purs esprits, appelée ici-bas Louis de Ronchaud. […] Où est aujourd’hui cette abondance de séve, excepté dans quelques natures d’exceptions, dans les solitudes entre le ciel et la terre du Jura ? […] L’aspect de ces lignes harmonieuses dans le ciel d’Athènes, dont les profils et les contours forment ce qu’on appelle le beau dans l’architecture, — l’architecture, m’écriai-je, n’est qu’une géométrie animée : cette géométrie chante comme un poème ; ces lignes sont leur poésie ; la symétrie est l’équilibre des lignes.

26. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Guérin est arrivé à La Chênaie en hiver, au cœur de la saison morte, et quand tout est dépouillé, quand les forêts sont couleur de rouille, sous ce ciel de Bretagne toujours nuageux « et si bas qu’il semble vouloir vous écraser » ; mais vienne le printemps, le ciel se hausse, les bois reprennent vie, et tout redevient riant. […] Le 20. — L’hiver s’en va en souriant ; il nous fait ses adieux par un beau soleil resplendissant dans un ciel pur et uni comme une glace de Venise. […] Des nuages, mais seulement autant qu’il en faut pour faire paysage au ciel. […] Tous ces germes, incalculables dans leur nombre et leur diversité, sont là suspendus entre le ciel et la terre dans leur berceau, et livrés au vent qui a la charge de bercer ces créatures. […] Vive notre ciel de Languedoc si libéral en lumière, si bleu, si largement arqué ! 

27. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre II : Partie critique du spiritualisme »

Nos sens, dit-il, aperçoivent un ciel apparent, un ciel phénoménal ; les astronomes nous décrivent un ciel réel, un ciel nouménal : ces deux ciels ne se ressemblent pas, et cependant on peut conclure de l’un à l’autre. Le ciel phénoménal ne peut être tel qu’à la condition que le vrai ciel, le ciel nouménal, soit tel qu’il est ; ainsi de l’apparence on peut conclure rigoureusement à la réalité.

28. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Julliart » pp. 176-177

Et vous ne songez pas que ces arbres doivent être touchés fortement, qu’il y a une certaine poésie à les imaginer selon la nature du sujet, sveltes et élégans, ou brisés, rompus, gercés, caducs, hideux ; qu’ici pressés et touffus, il faut que la masse en soit grande et belle ; que là rares et séparés, il faut que l’air et la lumière circulent entre leurs branches et leurs troncs ; que cette terrasse veut être chaudement peinte ; que ces eaux imitant la limpidité des eaux naturelles, doivent me montrer comme dans une glace l’image affaiblie de la scène environnante ; que la lumière doit trembler à leur surface ; qu’elles doivent écumer et blanchir à la rencontre des obstacles ; qu’il faut savoir rendre cette écume ; donner aux montagnes un aspect imposant ; les entr’ouvrir, en suspendre la cime ruineuse au-dessus de ma tête, y creuser des cavernes, les dépouiller dans cet endroit, dans cet autre les revêtir de mousse, hérisser leur sommet d’arbustes, y pratiquer des inégalités poétiques ; me rappeller par elles les ravages du temps, l’instabilité des choses, et la vétusté du monde ; que l’effet de vos lumières doit être piquant ; que les campagnes non bornées doivent, en se dégradant, s’étendre jusqu’où l’horizon confine avec le ciel, et l’horizon s’enfoncer à une distance infinie ; que les campagnes bornées ont aussi leur magie ; que les ruines doivent être solennelles, les fabriques déceler une imagination pittoresque et féconde ; les figures intéresser, les animaux être vrais ; et que chacune de ces choses n’est rien, si l’ensemble n’est enchanteur ; si composé de plusieurs sites épars et charmans dans la nature, il ne m’offre une vue romanesque telle qu’il y en a peut-être une possible sur la terre. Vous ne savez pas qu’un paysage est plat ou sublime ; qu’un paysage où l’intelligence de la lumière n’est pas supérieure est un très-mauvais tableau ; qu’un paysage faible de couleur, et par conséquent sans effet, est un très-mauvais tableau ; qu’un paysage qui ne dit rien à mon âme, qui n’est pas dans les détails de la plus grande force, d’une vérité surprenante, est un très-mauvais tableau ; qu’un paysage où les animaux et les autres figures sont maltraités, est un très-mauvais tableau, si le reste poussé au plus haut degré de perfection, ne rachète ces défauts ; qu’il faut y avoir égard pour la lumière, la couleur, les objets, les ciels, au moment du jour, au temps de la saison ; qu’il faut s’entendre à peindre des ciels, à charger ces ciels de nuages tantôt épais, tantôt légers ; à couvrir l’atmosphère de brouillards, à y perdre les objets, à teindre sa masse de la lumière du soleil ; à rendre tous les incidens de la nature, toutes les scènes champêtres, à susciter un orage, à inonder une campagne, à déraciner les arbres, à montrer la chaumière, le troupeau, et le berger entraînés par les eaux ; à imaginer les scènes de commisération analogues à ce ravage ; à montrer les pertes, les périls, les secours sous des formes intéressantes et pathétiques.

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