. — Au moment de sa mort, « son âme, naturellement chrétienne, se tourna vers le Ciel… Il pria pour ses parents, les nomma tous et ne plaignit qu’eux. » Un passage du récit rend avec beauté ce tableau des morts chrétiennes dont on était désaccoutumé depuis si longtemps en notre littérature, et que le génie de M. de Chateaubriand, quelques années après, devait remettre en si glorieux et si pathétique honneur : « L’orage de la Révolution avait poussé jusqu’à Turin un solitaire de l’ordre de la Trappe. […] Dans la détresse spirituelle de Rome, c’était le Scévola chrétien, et que trois cents autres ne suivaient pas. […] On l’a pu trouver bien dur pour les protestants ; il a l’air, en vérité, de ne les admettre à aucun degré comme chrétiens, comme frères. […] Quant aux protestants et aux chrétiens libres, disséminés, croyant à la Bible sans interprète, c’est-à-dire, selon lui, à l’écriture sans la parole et sans la vie, il ne s’y arrêtait même pas. […] C’est aux chrétiens plus ou moins séparés et pourtant fidèles encore à la hiérarchie, c’est aux catholiques gallicans, aux épiscopaux anglicans, aux Églises grecques photiennes, qu’il va chercher querelle directe et faire la leçon.
Une des moralités qui transpirent de ce noble ouvrage, n’est-ce pas une conciliation insinuante de l’idée chrétienne, c’est-à-dire de l’esprit de sacrifice, avec les idées de travail et de liberté ? […] « Je ne voudrais pas ce Faust, » me disait une belle âme bien éclairée dans la pratique chrétienne : « quand on travaille et qu’on fait son devoir de curé le jour, on dort la nuit. » — Oui ; mais ce Jocelyn du commencement n’est pas arrivé et fixé encore ; il n’a pas encore trouvé son calme, ni peut-être toute sa foi ; il n’a pas enseveli Laurence. […] Ces antiques et éternelles géorgiques (ascræum carmen), reprises par une voix chrétienne, ont une douceur nouvelle et plus pénétrante ; la sainte sueur humaine, mêlée à la sueur fumante de la terre, est bénie ; le respect, la religion du travail vous gagne, et, à l’heure de midi, quand la famille épuisée s’arrête et va boire un moment à la source, on s’écrie humainement avec le poëte : Oh ! […] Au point de vue chrétien, M.
Il nous en a donné un extrait précieux dans d’éloquentes pages sur les Pères du Christianisme ; mais en ne cessant de les relire et de les étudier, il y découvrait chaque jour davantage, et peut-être une histoire des premières sociétes chrétiennes en pourra plus tard sortir. […] Villemain, l’antiquité classique et l’antiquité chrétienne : la troisième fut l’Angleterre, Milton, Shakspeare et les orateurs anglais. […] Une ou deux allusions bien naturelles et inévitables jaillirent du front du grand aveugle biblique et vinrent en plein se refléter sur celui du chantre des chrétiennes amours. […] Après l’antiquité grecque ou chrétienne, après son moyen âge et Shakspeare, il est un lieu où M.
Il l’a vue telle qu’elle était, tout occupée du salut du roi, de sa réforme, de son amusement décent, de l’intérieur de la famille royale, du soulagement des peuples, et faisant tout cela, il est vrai, avec plus de rectitude que d’effusion, avec plus de justesse que de grandeur ; enfin, il a résumé son jugement sur elle en des termes précis, au moment de l’accompagner dans son œuvre de tendresse et de prédilection : Mme de Maintenon, dit-il, n’a donc pas eu sur Louis XIV l’influence malfaisante que ses ennemis lui ont attribuée : elle n’eut pas de grandes vues, elle ne lui inspira pas de grandes choses : elle borna trop sa pensée et sa mission au salut de l’homme et aux affaires de religion ; l’on peut même dire qu’en beaucoup de circonstances elle rapetissa le grand roi ; mais elle ne lui donna que des conseils salutaires, désintéressés, utiles à l’État et au soulagement du peuple, et en définitive elle a fait à la France un bien réel en réformant la vie d’un homme dont les passions avaient été divinisées, en arrachant à une vieillesse licencieuse un monarque qui, selon Leibniz, « faisait seul le destin de son siècle » ; enfin en le rendant capable de soutenir, « avec un visage toujours égal et véritablement chrétien », les désastres de la fin de son règne. […] Cet idéal était patriotique et chrétien tout ensemble : un jour, dans un entretien dont les termes ont été recueillis par ses pieuses élèves, et après leur avoir parlé de tout ce qu’il y avait eu de peu médité et de non prévu dans sa grande fortune à la Cour, elle a dit avec un élan et un feu qu’on n’attendrait pas de sa part, mais qu’elle avait dès qu’elle en venait au sujet chéri : Il en est de cela comme de Saint-Cyr, qui est devenu insensiblement ce que vous le voyez aujourd’hui. […] Mme de Maintenon avait rêvé une maison qui ne ressemblât à nulle autre, où l’on fût régulier sans y être tenu par des vœux absolus, où l’on n’eût rien des petitesses et des minuties des couvents, où l’on en gardât pourtant la pureté et l’ignorance du mal, en participant d’ailleurs avec prudence, et sous la réserve chrétienne, à toute la fleur de la politesse et du monde.
Henri Heine est un génie éminemment tendre, nuancé des plus ravissantes et (dans le sens religieux) des plus divines mélancolies, chez qui le sourire et même le rire trempent dans les larmes, et les larmes se rosent de sang… C’est une âme d’une si grande puissance de rêverie et d’un désir si amoureux du bonheur, que l’on peut dire qu’elle est faite pour le Paradis tel que les chrétiens le conçoivent, comme les fleurs sont faites pour habiter l’air et la lumière. […] ce svelte archer, ce Robin Hood des forêts de la Germanie, a toujours une flèche empoisonnée de plaisanterie française pour le noble cœur du Moyen Âge… Ceci est parricide à Heine ; car il est du Moyen Âge comme il est chrétien, malgré son horreur affectée pour le Christianisme et son Dieu saignant, comme il l’appelle, — horreur inconcevable dans un homme dont le cœur aussi a saigné ! […] Dans ces Aveux d’un poète si familiers et si nobles, si élevés et si intimes, Heine, qui nous a dit tout, parce qu’il a le don du langage avec lequel on peut tout dire, nous parle de son mariage catholique à Saint-Sulpice et des vertus chrétiennes de la femme qu’il a épousée.
Même avant la publication des Mémoires sur les Grands-Jours, il suffisait d’avoir lu le délicieux et complaisant portrait pour bien saisir dans son vrai jour cet Atticus de l’épiscopat français sous Louis XIV, élégant, disert, d’un silence encore plus ingénieux parfois que ses discours, qui n’est ni pour les jésuites, ni pour les jansénistes, ni contre ; qui n’est ni une créature de la Cour, ni trop dissipé au monde, ni voué à la pénitence ; honnête homme avant tout, excellent chrétien pourtant, tolérant prélat, résidant et exemplaire, charitable aux protestants persécutés, modérant sur leur tête les rigueurs de Bâville, et trouvant encore des intervalles de loisir pour les divertissements floraux de son Académie de Nîmes ; doux produit du Comtat, chez qui tout est d’accord, même son nom (il s’appelait Esprit Fléchier) ; un Balzac en style, mais un Balzac châtié, mesuré et spirituel, un Godeau plus jeune, mais avec une galanterie plus décente, une tête plus saine et sans engagement de parti ; une sorte de Fontenelle non égoïste et encore chrétien ; enfin un bel-esprit tout à fait sage, aimable et sensible, déjà un peu rêveur.
Il jeta un regard sur les siens leva une de ses mains au ciel, et dit à haute voix : « — Fasse Dieu que tous les hérétiques qui sont ici rassemblés n’entendent pas, les infidèles, de quelle manière est torturé un chrétien ! […] Le vieux Tarass se croit un bon chrétien à sa manière ; il est fidèle à la religion grecque orthodoxe dont il considère les Polonais catholiques comme des apostats.
Cette époque fut, chez nous, celle de la floraison de la raison pure et il est assez facile de la reconnaître sous sa livrée chrétienne, cette raison qui ne s’était pas abdiquée, bien qu’elle prît gloire à servir la messe. […] Cela est surtout évident à l’origine de toutes les littératures ; sans remonter jusqu’à l’Iliade et l’Odyssée qui sont des actes de foi, chez nous, durant ce XVIIe siècle dont je vous parlais, tandis que les orateurs sacrés conduisaient à leurs suprêmes conséquences les principes enfermés dans les dogmes, exprimaient des plus abstraites spéculations religieuses une psychologie, une morale et une politique chrétiennes, les poètes, par une rétroaction de rêve, faisaient rayonner la Croix sur les Idoles et christianisaient les fables do l’Antiquité.
Les vertus recommandées ou glorifiées par les grands aristocrates ne sont pas les vertus proprement morales, les vertus chrétiennes ou même stoïques (sauf parfois et en partie, chez Vigny) ; ce sont des vertus de force, des vertus conquérantes, des vertus amorales. L’individualisme aristocratique ne représente pas la supériorité de l’individu comme une supériorité morale (point de vue chrétien ou stoïcien, vertus de dévouement, de sacrifice, de renoncement) ; il la représente plutôt comme une supériorité de la force, de l’intelligence, de l’énergie indépendante, de toutes les facultés non proprement morales (point de vue de Gobineau, d’Ibsen, de Nietzsche).