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329. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

On s’en moquera tant que l’on voudra ; le reste de la vie n’est que de la galanterie, de la convenance, des traités, dont la condition secrète est de songer à se quitter au moment que l’on se choisit, comme l’on dit que l’on parle de mort dans les contrats de mariage. […] Ce qui est plus piquant, c’est que M. de Morville, son ami intime et devenu ministre des Affaires étrangères à la place du cardinal Dubois, ayant été choisi par l’Académie française, dont il était membre, pour le recevoir, n’eut pas le temps d’écrire son Discours et demanda au récipiendaire de le lui composer ; ce que fit volontiers Hénault, se donnant le plaisir de se célébrer lui-même par la bouche de son ami. […] Je croirais volontiers qu’il a pu se dire tout bas que, chimère pour chimère, celle qui laisse l’espérance, et n’est point sujette à être détrompée, est encore la meilleure qu’on ait à choisir et à cultiver en vieillissant.

330. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Il semble que cet esprit distingué, armé des deux mains et adroit à volonté, qui peut choisir dans ses moyens d’expression, se soit dédoublé à dessein de bonne heure, et qu’il se soit dit : « Je ne puis tout exprimer avec mon pinceau, je ne puis tout rendre avec ma plume ; atteignons d’un côté ce qui nécessairement nous échappe en partie de l’autre ; complétons-nous, sans nous répéter. […] Il choisit dans ses impressions. […] Il aime, dit-il, en arrivant dans une ville arabe, à choisir, pour bien voir, le point de vue le plus élevé, le pied d’une tour, ce qu’on appellerait en Grèce l’acropole ; et là, montant dès le matin, il passe en contemplation et en rêverie des heures entières.

331. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

Elle était alors dans une veine d’amertume et de misanthropie sociale, à la veille de rompre un lien déjà ancien, dans un véritable isolement moral, et se demandant quels amis et quel ami elle se pourrait choisir parmi tous ces visages nouveaux de gens à réputations diverses qu’elle affrontait pour la première fois. […] Jouffroy, n’ayant pas appris que ces questions existent, n’a pas grand mérite à les nier ; mais vous qui, ayant songé à tout et peut-être goûté à des choses immondes comme font les chimistes, avez déclaré que la chair humaine est mauvaise et malsaine, et vous êtes décidé à vivre d’aliments choisis, apparemment vous avez le discernement, c’est-à-dire, dans le sens moral, la lumière et la force. […] (Causeries du Lundi, tome I) ; mais je reculai toujours devant une Étude complète où le critique n’eût plus été libre de choisir et où il n’aurait eu en face de lui que l’écrivain seul, et tout l’écrivain : la personne, à mes yeux, était bien supérieure et préférable.

332. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Saint Paulin, retiré près de Nole, s’était choisi pour patron saint Félix, et il lui adressait chaque année un panégyrique en vers. […] Gresset, à même de choisir, préféra ainsi le bonheur sûr à l’éclat hasardeux ; mais le bonheur trouve son prix en lui-même, et il n’est guère intéressant à raconter. […] Chargé en 1754 de recevoir D’Alembert à l’Académie, il trouva moyen, à propos de l’évêque de Vence qu’on remplaçait, de faire une critique des prélats de cour qui ne résidaient pas ; l’occasion était mal choisie, et l’on dit que, lorsqu’il alla ensuite à Versailles pour présenter au roi son discours, Louis XV, qui le crut esprit-fort, lui tourna le dos.

333. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

Son œuvre ne sera pas une allégorie si, au lieu de choisir des formes isolément expressives il en a recherché d’étroitement concordantes, dont l’ensemble contient naturellement le sens pourtant préconçu. […] Que l’on choisisse les mots avec précision, certes ! […] Parfois il choisit même les épisodes d’une narration qui semble sans portée, et, laissant deviner ensuite leur union avec quelque légendaire attitude, fait graduellement jaillir le sens nouveau du poème comme dans une clarté grandie.

334. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Est-ce donc bien prendre son temps pour les mépriser que de choisir précisément l’instant où on les élève, où on les attendrit et où on les rend meilleurs ? […] Voltaire choisit ce moment pour lui écrire comme à une puissance ; il la priait d’intéresser le roi de Pologne à la famille Sirven. […] Turgot écrivait à Condorcet : « Je plains cette pauvre Mme Geoffrin de sentir cet esclavage, et d’avoir ses derniers moments empoisonnés par sa vilaine fille. » Mme Geoffrin ne s’appartenait plus ; même en revenant à elle, elle sentit qu’il lui fallait choisir entre sa fille et ses amis, et le sang l’emporta : « Ma fille, disait-elle en souriant, est comme Godefroy de Bouillon, elle a voulu défendre mon tombeau contre les Infidèles. » Elle faisait passer sous main à ces mêmes Infidèles ses amitiés et ses regrets ; elle leur envoyait des cadeaux.

335. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Elles ont toujours au cou le ruban que Jacques y attacha pour ma fête, l’an passé, quand elles venaient becqueter dans nos mains unies les moucherons d’or que nous choisissions. » Il faudrait citer le texte, pour donner idée de cette poésie toute rayonnante et scintillante encore au milieu de sa tristesse. […] Et la nouvelle de sa touchante action faisant bruit déjà dans les prairies, tout le pays s’était pris d’amour pour elle : « C’étaient, la nuit, de longues sérénades, des guirlandes de fleurs à sa porte attachées, et le jour, des présents choisis que les filles enfin à sa cause entraînées venaient lui présenter avec des yeux tout amis. » Annette surtout était en tête de cette bonne jeunesse. […] Jasmin ne se fit pas prier : « L’Église m’attendait, dit-il, son curé m’a choisi ; j’ai pris la galopée. » Et le voilà, pèlerin à côté du prêtre, qui court de ville en ville.

336. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

« Mais surtout, ajoute Montaigne, je lui sais bon gré d’avoir su trier et choisir un livre si digne et si à propos, pour en faire présent à son pays. […] Le cardinal de Tournon, l’ayant connu à Rome et apprécié pour ses qualités studieuses et morales, parla de lui à la Cour, lorsque le roi Henri II cherchait un précepteur pour ses deux fils, les ducs d’Orléans et d’Anjou (depuis Charles IX et Henri III), et Amyot fut choisi (1554). […] Il voulait avant tout, en effet, un style exact, net, châtié, élu enfin, c’est-à-dire choisi et élégant dans son naturel : Nous prendrons, disait-il, les mots qui sont les plus propres pour signifier la chose dont nous voulons parler, ceux qui nous sembleront plus doux, qui sonneront le mieux à l’oreille, qui seront plus coutumièrement en la bouche des bien parlants, qui seront bons françois et non étrangers.

337. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

Que l’artiste use d’éléments choisis dans le réel et agissant par leur vérité, ou d’éléments empruntés de même, mais de valeur émotionnelle accrue, parfaits, et agissant par leur caractère d’idéal, — qu’il se serve de faits minutieusement décrits comme dans tout l’art prosaïque et réaliste, ou de mots et par conséquent de types vagues, comme dans tout l’art poétique et idéaliste, puisés à ces deux sources, ses œuvres tenteront également d’émouvoir et d’émouvoir stérilement. […] Car il est évident que les idées émises dans ces écrits à demi-savants, sont choisies par l’auteur, non en raison de leur caractère esthétique, de l’effet émotionnel qu’ils peuvent produire, mais en raison de leur vérité, c’est-à-dire pour une qualité que l’auteur est forcé de subir et qu’il ne peut modifier ni en raison de ses aptitudes, ni en raison du but qu’il poursuit. […] Paul Chenavard (1808-1895), peintre d’origine lyonnaise, élève d’Ingres et de Delacroix, avait été choisi par le gouvernement de Ledru-Rollin pour décorer le Panthéon.

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