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11. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VII. Des ouvrages périodiques. » pp. 229-243

Mais après le vingt-cinquiéme volume de cet ouvrage savant & curieux, il lui donna celui de Bibliothèque choisie, pour servir de suite à la Bibliothèque universelle. Cette Bibliothèque choisie commença en 1703. […] Ce n’est pas sans raison que nous avons choisi le genre épistolaire ; outre que le style en est libre & aisé, certains tours qui lui sont familiers donnent de l’éclat & de la vivacité aux réfléxions.” […] Ces six articles bien remplis & de morceaux choisis, en prose comme en vers, justifient la dévise du Mercure, qui est Diversité.

12. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre premier. Du rapport des idées et des mots »

Comment faut-il les choisir pour faire apercevoir au lecteur les gestes, les détails, les mouvements ? […] Encore aujourd’hui, si éloignés que nous soyons de l’imitation corporelle, ils gardent avec eux une partie du cortège qui les entourait à leur naissance ; ils renaissent en nous accompagnés par l’image des gestes que nous avons faits lorsqu’ils sont venus sur nos lèvres ; ils traînent après eux la figure de l’objet qui pour la première fois vous les fait jaillir… De sorte qu’un mot bien choisi fait en nous comme un éveil de sensations ; par lui un point clair se détache, et tout alentour apparaissent et s’enfoncent par échappées les choses environnantes. […] C’est pour cela que le premier talent du poète consiste dans l’art de choisir les mots.

13. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Comment faut-il les choisir pour faire apercevoir au lecteur les gestes, les détails, les mouvements ? […] De sorte qu’un mot bien choisi fait en nous comme un éveil de sensations ; par lui un point clair se détache, et tout alentour apparaissent et s’enfoncent par échappées les choses environnantes. […] C’est pour cela que le premier talent du poëte consiste dans l’art de choisir les mots. […] Le mouton que veut enlever le corbeau, est choisi « entre cent autres. »189 Il est « le plus gras », il est « le plus beau. » C’est « un vrai mouton de sacrifice. […] L’âme veut, pour subsister, un corps choisi pour la recevoir.

14. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Plus de ces mots hardis, saisissants, passionnés ; plus de ces métaphores vives et originales ; plus de ces phrases imitatives, de ces sons choisis, qui transforment les sentiments en sensations et pénètrent notre corps des émotions de notre âme. […] Créer n’est donc que choisir, parce que choisir, c’est rassembler et agrandir. […] Plantons ce germe dans un sol convenable ; choisissons une âme faible de volonté, facile aux séductions, accoutumée à l’action, à qui les idées s’attachent d’une prise subite, et que ses desseins obsèdent comme des fantômes. […] S’il décrit un paysage, les détails seront choisis pour faire tous la même impression ; ils seront ordonnés pour faire tour à tour une impression plus grande ; ils seront ordonnés et choisis pour laisser dans l’âme un même sentiment sans cesse accru.

15. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

Il se compare, faisant son livre, à un homme de santé et de loisir qui, déjà à son aise, s’en va au printemps acheter loin de la ville, sur quelque colline favorable, un enclos modeste où il se promène aux heures choisies : Pensez-vous, dit-il, que cet homme se soit informé, à l’avance, du revenu de son jardin ? […] — « Enfants, dit-il, voilà une heure mal choisie pour aller à travers champs comme vous faites ; cependant vous êtes plus heureux que sages, et vous arriverez dans un instant à Fontenay. » Disant ces mots, il renfermait dans le pétrin sa miche commencée, et du pas de la porte il indiquait leur chemin aux voyageurs. […] Ainsi le corps de ce prince choisi a été sain et sauf, pendant que l’âme s’est dégradée. […] Habile écrivain de chaque jour, il aspire, dans quelque sujet choisi, à se surpasser encore. […] L’amateur, qui a le coup d’œil prompt, qui se ressouvient à la fois et qui devine, lit, parcourt, choisit dans ces pages nombreuses celles qu’il faut élaguer, celles qui doivent vivre et auxquelles il ne manque, pour être dans tout leur jour, que de paraître détachées.

16. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Il l’avait choisi comme le plus excellent modèle qu’il eût à se proposer, et jamais personne ne l’imita si bien qu’il a fait. […] Au sortir des Écoles de Droit il choisit la profession de Comédien, par l’invincible penchant qu’il se sentait pour la Comédie. […] On sait de quelle manière il y a excellé, non seulement comme Acteur, par le grand nombre d’Ouvrages qu’il nous a laissés, et qui ont tous leurs beautés proportionnées aux sujets qu’il a choisis. […] Nicomède, Tragédie de Monsieur de Corneille l’aîné, fut la Pièce qu’elle choisit pour cet éclatant début.

17. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Vernet  »

Cela tient au moment du jour qu’il a choisi. […] Il est sûr que Mr Vernet n’a pas peint ces deux morceaux à l’heure qu’on choisirait pour les admirer.

18. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Une telle apologie de la liberté de penser serait le meilleur moyen de la rendre odieuse : le dilemme qui nous forcerait à choisir entre la vérité et la liberté serait un cruel déchirement pour les âmes généreuses. […] Pour tout dire, s’il fallait absolument choisir entre la raison et le cœur, c’est encore le cœur que je choisirais, et je dirais avec l’Écriture : « Là où est votre cœur, là est votre trésor. » Mais il n’est pas nécessaire de choisir entre la raison et le cœur : l’une n’exclut point l’autre ; au contraire elle le guide, l’éclairé et le juge. […] Ils ont des conseillers, dira-t-on ; oui, mais ils les choisissent. […] Enfin, pour tout dire, accepter une vérité transmise sans la choisir, même après réflexion et contrôle, c’est ressembler aux pies et aux perroquets qui prononcent certaines paroles sans y attacher aucun sens. […] Elle convient aux apologistes aussi bien qu’aux critiques et aux adversaires, car nul n’oserait avouer qu’il croit à la religion sans avoir de bonnes raisons, et qu’il choisit telle raison plutôt que telle autre sans savoir pourquoi.

19. (1842) Essai sur Adolphe

S’il avait choisi de bonne heure une route simple et droite ; si, au lieu de promener sa rêverie sur le monde entier qu’il ne peut embrasser, il avait mesuré son regard à son bras ; s’il s’était dit chaque jour en s’éveillant : Voilà ce que je peux, voilà ce que je voudrai ; s’il avait marqué sa place au-dessous de Newton, de Condé ou de Saint-Preux ; s’il avait préféré délibérément la science, l’action ou l’amour ; s’il avait épié d’un œil vigilant le premier éveil de ses facultés, s’il avait démêlé nettement sa destinée, s’il avait marché d’un pas sûr et persévérant vers la paix sereine de l’intelligence, l’énergique ardeur de la volonté ou le bonheur aveugle et crédule, il ne serait pas vain, il ne dédaignerait pas. […] « Tous les biens semés autour de moi, je les dédaignerai pour ne plus voir qu’un seul bien, qu’un trésor unique, le trésor que j’ai choisi. […] Adolphe choisit Ellénore entre toutes les femmes, non pour la relever et la soutenir, car il ne la connaît pas assez pour sympathiser avec son chagrin, mais parce qu’elle a tenu tête à l’orage, parce qu’elle a lutté contre l’envie et la médisance, parce que les yeux sont fixés sur elle, parce que sa fidélité permanente a déjoué bien des ambitions injurieuses, parce que son dédain a humilié bien des jactances. […] Si Adolphe cédait naïvement au besoin d’aimer, il ne marquerait pas si haut le but de ses espérances ; il choisirait près de lui un cœur du même âge que le sien, un cœur épargné des passions, où son image pût se réfléchir à toute heure sans avoir à craindre une image rivale ; il comprendrait de lui-même, il devinerait cette vérité douloureuse, et qui n’est jamais impunément méconnue, c’est que l’avenir ne suffit pas à l’amour, et que le cœur le plus indulgent ne peut se défendre d’une jalousie acharnée contre le passé ; il ne s’exposerait pas à essuyer sur les lèvres de sa maîtresse les baisers d’une autre bouche ; il tremblerait de lire dans ses yeux une pensée qui retournerait en arrière et qui s’adresserait à un absent. […] Mais comme ils s’étaient choisis par fierté, ils ne prononceront pas encore le mot d’abandon.

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