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385. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre IV. Moyens de déterminer les limites d’une période littéraire » pp. 19-25

Si l’on cherche un point d’arrêt naturel, un moment critique qui marque un changement grave dans les mœurs et la marche de la nation, force est de pousser jusqu’en 1715. […] Et en effet, aux environs de 1750, voici Montesquieu qui disparaît, sa tâche faite ; Voltaire, qui va chercher hors de sa patrie un asile où il puisse dire librement ce qu’il pense ; Rousseau, qui entre dans la gloire par un coup de foudre ; Diderot, qui se fait mettre en prison pour son début dans la littérature philosophique ; Buffon, qui publie les trois premiers volumes de son Histoire naturelle ; l’Encyclopédie, cette énorme machine de guerre, qui commence à battre en brèche les remparts croulants de l’ancien régime. […] Pour toutes ces raisons, il serait chimérique de chercher dans les divisions de l’histoire une symétrie parfaite qui risquerait de produire la même impression que de fausses fenêtres sur la façade d’une maison.

386. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre V. Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur » pp. 69-75

Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur On pense bien que les causes, que l’historien cherche à surprendre, varient suivant les cas particuliers. […] Or les causes qui agissent sur un individu ne peuvent être cherchées qu’en lui ou hors de lui. […] Il est évident que, pour en découvrir l’origine, il faut chercher parmi les ascendants de l’individu qu’on étudie.

387. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Dante »

Ozanam a fait sur le Dante un travail extrêmement, et, selon nous, trop vanté, si on se détourne des babioles de l’érudition qui y abondent pour y chercher le grand côté de la Critique qui n’y est pas. […] Bien des choses lui manquent, nous le savons et il le sait aussi, mais il y a peut-être un critique futur dans cet enfant qui n’a pas craint de regarder le Dante au front, de voir la ride sous le laurier, l’infirmité humaine sous le rayon, et qui n’a pas eu peur de chercher la tache dans une telle splendeur de lumière. […] Magnier a cherché à hiérarchiser par ordre de mérite les trois parties de ce poème prodigieux : l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis, et il a montré une grande sûreté de tact et de jugement dans cette opération difficile.

388. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIII. P. Enfantin »

Enfantin pour cacher et faire accepter à la pudeur publique, qu’elle outrage, une doctrine qui se trouvait plus religieuse d’aller toute nue, quand elle était plus jeune, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit ici, comme au temps où le saint-simonisme cherchait la femme, de la réhabilitation de la chair. […] Il en a longtemps cherché une, sans la trouver. En voici une autre, qu’il trouve sans la chercher, et qu’il ne se félicitera pas d’avoir rencontrée.

389. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Lefèvre-Deumier »

Il avait senti, sans nul doute, qu’elles étaient l’expression définitive, ardemment cherchée, de sa maturité poétique, que passé ce niveau il ne s’élèverait plus, et qu’au contraire, image de la vie, son expression baisserait sous sa plume au lieu d’y monter. […] Mais n’y a-t-il pas dans cette poésie antithétique, dure, noueuse, qui heurte, dans un rapprochement si imprévu, l’idée de la vallée de Josaphat contenant le monde ressuscité à la fin des temps et l’idée du champ de la mémoire contenant aussi l’univers et son passé dans la tête de chaque homme en particulier, n’y a-t-il pas quelque chose de cherché, d’efforcé, d’insolite, qui sent l’alchimie d’un cerveau plus ou moins puissant, mais qui n’est pas l’originalité franche des grands poètes, — qui n’est pas le sang pur et si facilement jaillissant de la véritable originalité ? […] C’est un poète cherché et recherché, qui trouve souvent, mais qui reste tel et même après avoir trouvé.

390. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre IV. Conclusion. — D’une république éternelle fondée dans la nature par la providence divine, et qui est la meilleure possible dans chacune de ses formes diverses » pp. 376-387

Les réfugiés, impies et sans dieu, obéissaient à des hommes pieux, qui adoraient la divinité, bien qu’ils la divisassent par leur ignorance, et qu’ils se figurassent les dieux d’après la variété de leurs manières de voir ; étrangers à la pudeur, ils obéissaient à des hommes qui se contentaient pour toute leur vie d’une compagne que leur avait donnée la religion ; faibles et jusque-là errants au hasard, ils obéissaient à des hommes prudents qui cherchaient à connaître par les auspices la volonté des dieux, à des héros qui domptaient la terre par leurs travaux, tuaient les bêtes farouches, et secouraient le faible en danger. […] La Providence se fait sentir à nous d’une manière bien frappante dans le respect et l’admiration que tous les savants ont eus jusqu’ici pour la sagesse de l’antiquité, et dans leur ardent désir d’en chercher et d’en pénétrer les mystères. […] Si donc, comme le dit Aristote, de bonnes lois sont des volontés sans passion, en d’autres termes, des volontés dignes du sage, du héros de la morale qui commande aux passions, c’est dans les républiques populaires que naquit la philosophie ; la nature même de ces républiques conduisait la philosophie à former le sage, et dans ce but à chercher la vérité.

391. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre premier. Rapports de l’invention et de la disposition »

Sans que nous y fassions attention, et comme en dehors de notre conscience, l’esprit travaille et cherche, combine et découvre encore, et soudain parmi les lignes de plan que nous arrêtons nous voyons surgir une pensée nouvelle, importante souvent, parfois vraiment principale et maîtresse, à laquelle il faut tout soumettre, et qui nous oblige à bouleverser l’édifice commencé. En d’autres termes, l’effort de l’intelligence qui ordonne ses idées, et cherche la plus courte voie et la plus facile pour atteindre son but et y mener les autres, est éminemment suggestif.

392. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 190-194

D’autant plus dangereux, qu’il est moins redouté, Une feinte douceur cache sa cruauté ; Le perside amollit les plus fermes courages, Du Temple de la Gloire assiége les passages, Et soufflant dans le sein une coupable ardeur, Des grandes actions obscurcit la splendeur ; Il dort entre les bras d’une oisive mollesse ; Les Remords dévorans, la Douleur vengeresse, Implacables Enfans des lâches Voluptés, Cherchent à s’emparer des cœurs qu’il a domptés. […] Les exemples des Rois nous font ce que nous sommes ; Tout cherche à s’élever, quand ils sont généreux ; Sont-ils foibles ?

393. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VII. Le Fils. — Gusman. »

Supposez que Nestor cherche à modérer les passions d’Antiloque, il citera d’abord des exemples de jeunes gens qui se sont perdus pour n’avoir pas voulu écouter leurs pères ; puis, joignant à ces exemples quelques maximes connues sur l’indocilité de la jeunesse et sur l’expérience des vieillards, il couronnera ses remontrances par son propre éloge et par un regret sur les jours du vieux temps. […] Il ne cherche pas à détourner Gusman d’un crime particulier ; il lui conseille une vertu générale, la charité, sorte d’humanité céleste, que le Fils de l’Homme a fait descendre sur la terre, et qui n’y habitait point avant l’établissement du christianisme24.

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