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958. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

Voilà encore pourquoi les poètes aiment tant à chanter les prodiges opérés par les magiciennes dans leurs enchantements ; cette disposition d’esprit peut être rapportée au sentiment instinctif de la toute-puissance de Dieu, qu’ont en eux les hommes de toutes les nations.

959. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Le coq chante, on se lève et l’aube point à peine. […] Il chante, dédaigneux de l’antique Memnon : Car ton soleil se lève et l’illumine, ô Gloire ! […] Qu’il file la soie de son sein ; qu’il pétrisse son propre miel ; qu’il chante son propre ramage. » On reproche à M.  […] Peut-être cela ne vaudrait-il pas la peine d’être dit en prose ; mais ce qui ne vaut pas la peine d’être dit, on le chante. […] me disait-il, est-ce que le vent écrit ce qu’il chante dans ces feuilles sonores sur nos têtes ?

960. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Une grand-mère en large collerette blanche est là qui chante auprès du nouveau-né, qui chante un air du temps de son enfance. […] « — Après avoir été frapper à la porte de la Scala pour y chanter les rôles de ténor, le comte vint frapper à la porte du couvent des bénédictins ; de pareilles oppositions sont toutes naturelles. » C’est Stendhal qui a écrit cela, et je ne vois pas pourquoi ce qui est arrivé tout à fait au mondain de l’auteur de Rouge et noir n’arriverait pas un peu à M.  […] En marchant, le ménage chantait : J’aime entendre la rame Le soir battre les flots ; J’aime le cerf qui brame… Le répertoire d’Olympe était inépuisable de ces sentimentalités de la rue ; et quand on se figurait où elle les avait ramassées, dans quelle demi-ombre honteuse de persiennes closes, à combien d’hommes elle les avait chantées, la sérénité du mari accompagnant à la tierce prenait une extraordinaire grandeur. […] Dans la Vie de Bohême, Murger n’a pensé qu’à chanter les ivresses, les joies des premiers jours des amours improvisées à vingt ans ; moins superficiel, Daudet nous a montré les pesants lendemains de ces jours légers, et c’est des regrets, des douleurs, des remords qui les remplissent le plus souvent qu’il a fait son livre. […] Ils avaient traversé ensemble un val riant où chantait le rossignol, et de là s’en allaient par des routes diverses ; voilà tout.

961. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

A Yeddo, sur une place publique, grâce au hasard d’une chanson que chante la vieille Tika, Ivashita reconnaît la bonne nourrice et son père Yamato, qui a été repêché et qui, depuis ce temps-là, mendie. […] Voici Lisandre, qui vient danser et chanter à Eraste une « courante » de sa composition. […] Elle chante encore quelques années au Théâtre-Italien, puis elle meurt. […] La scène où Chérubin chante sa romance, où sa marraine et Suzanne lui essayent une robe de femme, et où la camériste compare son bras nu à celui de l’adolescent, cette adorable scène réveillerait un mort, et ce mort n’aurait pas du tout envie de remourir. […] On discute, au premier acte, si la tragédie doit être chantée ou dite naturellement.

962. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

En mai, sous le maigre feuillage, Chantaient les moineaux des faubourgs. […] On y chante, on y boit. […] Il a souffert qu’on chantât en sa présence des couplets aussi injurieux pour son corps d’officiers que bassement adulateurs pour lui. […] Ce poème de Chiron, dont j’ai cité un passage, est un admirable cantique chanté à la divine nature. […] S’exerçant à chanter, elle voulut apprendre l’italien, comme la langue la plus musicale, et commença à jouer de la mandoline.

963. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

toi qui pris tant de peine Pour chanter que Louis n’a point passé le Rhin ! […] C’est que, rêvant déjà ce qu’à présent on sait, Il chantait presque à l’heure où Jésus vagissait. […] Les Anglais, surtout les Anglaises, en musique comme en morale, chantent faux naturellement. […] De là ce génie dramatique, ces notes du Don Juan, si passionnées que les chanteuses italiennes ne pouvaient les chanter. […] quand il entendait chanter un pâtre, et que, moi, je n’entendais rien !

964. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Paris chantait la Marseillaise et la Carmagnole. […] Il adaptait à ces airs des paroles royalistes, puis il finissait par chanter bravement les paroles républicaines, pour être « dans le train », comme nous dirions aujourd’hui. […] Ces deux poèmes manifestent une conception du type féminin, si passionnée à la fois et si intellectuelle, si originale et en même temps si humaine, qu’elle n’a pas été surpassée, d’autres poètes ont aimé, souffert de leur amour et chanté leur souffrance. […] Un artiste de la valeur spéculative de Gœthe et une paysanne qui songe à son amoureux en soupirant la navrante romance‌ « Chante, rossignol, chante,‌ « Si tu as le cœur gai… »‌ ont ce trait commun que pour eux la sensation de la poésie est parfaitement détachée de toute idée de profit ou de perte. […] C’est le début d’une mazurka de Chopin… Je chante faux… » ajouta-t-il, en voyant mon nouveau sourire. « Qu’importe, si je m’entends juste ?

965. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Un peu plus loin, vous apercevez la religion passionnée d’un protestant révolutionnaire, lorsqu’il vous parle des sons funèbres que jette le vent attardé autour de l’autel, des accents sauvages avec lesquels il semble chanter les attentats que l’homme commet et les faux dieux que l’homme adore. […] Ailleurs, c’est le grillon du foyer qui chante toutes les joies domestiques, et ramène sous les yeux du maître désolé les heureuses soirées, les entretiens confiants, le bien-être, la tranquille gaieté dont il a joui et qu’il n’a plus. […] Présenter un sentiment comme divin, incliner devant lui toutes les institutions, le promener à travers une suite d’actions généreuses, chanter avec une sorte d’inspiration héroïque les combats qu’il livre et les assauts qu’il soutient, l’enrichir de toutes les forces de l’éloquence, le couronner de toutes les fleurs de la poésie, c’est peindre la vie qu’il enfante comme plus belle et plus haute que les autres, c’est l’asseoir bien au-dessus de toutes les passions et de tous les devoirs, dans une région sublime, sur un trône, d’où il brille comme une lumière, comme une consolation, comme une espérance, et attire à lui tous les cœurs.

966. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

En ce moment, les moulins situés sur les chutes de l’Indre donnaient une voix à cette vallée frémissante, les peupliers se balançaient en riant, pas un nuage au ciel, les oiseaux chantaient, les cigales criaient, tout y était mélodie. […] M’eût-elle demandé la fleur qui chante ou les richesses enfouies par les compagnons de Morgan l’exterminateur, je les lui aurais apportées, afin d’obtenir les richesses certaines et la fleur muette que je souhaitais ! […] Rousseau, Chateaubriand dans Atala ou René, et, de nos jours, Mme Sand, se livrent, sous la forme de roman, au lyrisme le plus transcendant de leur génie, et, pour flatter tantôt l’aristocratie, tantôt la religion, tantôt la démocratie du temps, chantent depuis les licencieuses amours de la Nouvelle Héloïse ou depuis les ridicules systèmes d’éducation de l’Émile, éminemment propre à former un peuple de marquis, jusqu’aux rêveries grotesques et féroces d’un socialisme et d’un communisme qui nient la nature, et qui prétendent refaire le monde mieux que le Créateur.

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