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334. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

Les causes de l’émotion esthétique sont, contrairement aux causes de l’émotion réelle, une hallucination que l’on sait inconsciemment être fausse, que l’on sent n’avoir rien de menaçant, une hallucination émouvante, dont les images sans cesse combattues en vertu de leur caractère factice, réprimées et modifiées par tout le cours ambiant de la vie, par la conscience générale qu’à leur sujet sur sa sécurité, de sa non souffrance, — cessent d’agir comme des images réelles, demeurent sans cohésion avec le reste du cours mental, ne s’associent pas à des prévisions positives de peine ou de plaisir personnels, et restent ainsi seulement excitantes, comme on n’éprouve d’un assaut avec des épées mouchetées, que l’exhilaration d’un exercice7. […] Les modes suggestifs, avec l’allusion, l’allégorie, le procédé tachiste, c’est-à-dire extrêmement incomplet et indéfini de certains peintres, la mélodie infinie de Wagner, l’inachevé dans la composition, etc., ont en commun le caractère essentiel d’être des moyens d’expressions peu représentatifs, et contenant un minimum d’images expresses : évidemment, ces moyens, à part le fait même qu’étant esquissés, on peut les compléter selon sa fantaisie, et qu’ils ne risquent guère ainsi de heurter le goût de personne, provoquent dans l’esprit ou dans les sens chargés d’en extraire une image définie, un effort, une excitation, un plaisir de divination et de composition, un ébranlement diffus qui est déjà un commencement d’émotion d’autant plus esthétique qu’elle est absolument dénuée de tout coefficient de peine ou de plaisir. « Comme il faut plus d’énergie, dit Dumont (Théorie scientifique de la sensibilité) pour retrouver un objet sous un signe indirect que sous un signe direct, on fournit à l’entendement occasion d’employer plus de force disponible et par conséquent d’éprouver plus de plaisir. » Le profit que l’on a à employer ce moyen d’expression qui est le propre de la poésie, est malheureusement combattu par la fatigue qu’il cause et les images peu définies, c’est-à-dire peu associables, que l’on en extrait. […] D’autre part, il est évident que ces travaux sur l’effet émotionnel des œuvres, sur les émotions esthétiques, c’est-à-dire les émotions les plus définies de toutes dans leur cause et dans leurs caractères, seront d’un grand secours pour constituer une partie à peine esquissée de la psychologie : la connaissance générale des émotions. […] Entre personnes ressentant faiblement ou fortement de l’émotion à propos d’une œuvre, il n’existe que bien rarement des désaccords sur la nature et la cause de cette émotion.

335. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Germinal est, pour des causes diverses, entre les mains de tout le public et de tous les lettrés. […] Zola, comme tous les écrivains peu aptes à imaginer le mécanisme intérieur de la machine humaine, et comme aucun des romanciers psychologues, montre les actes de ses personnages de préférence à leurs raisonnements, les effets plutôt que les causes. […] Il est une autre cause d’un ordre tout différent qui empêche encore M.  […] Que l’on remonte maintenant de ce pessimisme, terme de notre analyse, à la vue magnifiée des hommes et des choses dont il découle ; de celle-ci à l’amour de la vie, de la force, de la sensualité, de la raison et de la santé, ses causes ; que l’on se rappelle le réalisme de procédés et de vision que ces idéaux résument, l’on aura, je pense, les gros linéaments de l’œuvre de M.  […] Cette association intime de tendances diverses porte à leur attribuer une cause commune, et peut-être une seule hypothèse sur le mécanisme intellectuel de M. 

336. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

Ils me chargèrent tous de répondre que le Saint-Père ne pouvait à aucun prix acquiescer à ce qu’on exigeait de lui, retenu qu’il était par ses devoirs les plus sacrés ; qu’il voyait avec un véritable chagrin le départ de Cacault, la déclaration d’une rupture imméritée et les résultats qui en découleraient ; qu’il remettait sa cause entre les mains de Dieu, et qu’il était prêt à toutes les éventualités que le Ciel lui réservait dans ses décrets. […] Vargas était hors de cause, tierce partie ; il devait donc juger sans partialité et sans prévention. […] « À cette cause », dit le cardinal dans ses Mémoires, « s’en joignit une autre que je ne puis passer sous silence. […] « Tous ces motifs réunis amenèrent le cardinal Fesch à me représenter comme la cause unique de l’opposition du Pape à l’Empereur. […] Il en coûta beaucoup à mon cœur à cause des circonstances, et aussi parce qu’il fallait quitter celui que je vénérais et chérissais tant.

337. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Les causes perturbatrices peuvent être de bien des sortes, mais le résultat est le même : ralentissement ou abaissement de la production littéraire. […] Mais il faut remarquer que, plus la civilisation avance, plus l’individualité se développe ; et ce développement peut devenir une cause de décadence si, en même temps que l’individualité se montre plus libre et plus riche, elle ne se subordonne pas elle-même volontairement à l’ensemble social. […] La seconde cause, c’est qu’en peignant des êtres à part, véritables monstruosités, on excite plus aisément la pitié ou le rire de la foule. […] A entendre Zola, le romancier cherche les causes du mal social ; il fait l’anatomie des classes et des individus pour expliquer les « détraquements qui se produisent dans la société et dans l’homme ». […] De même, pour les autres, le ridicule est parfois une cause de rire sans malveillance, de gaieté, de légèreté d’âme.

338. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Ils s’y réunissaient chaque semaine, dans l’après-midi, à cause du peu de sûreté des rues le soir. […] Comment croire que la seule cause de cette différence soit une idée heureuse venue à l’esprit du cardinal de Richelieu ? […] Du reste, tout l’a charmé, ravi, dans cette pièce ; jamais cause n’a été mieux plaidée, etc., etc67. […] Tout en combattant pour la cause commune, il parlait sans cesse de paix, de repos. […] Elle y détermine les causes morales de nos mauvais jugements ; elle nous éclaire sur nos sophismes, sur le tortueux de nos prétextes ; sa vive lumière nous découvre à la fois le secret des fautes passées et le principe des fautes futures.

339. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XII : Distribution géographique (suite) »

D’autres causes ont aussi probablement joué leur rôle. […] Alph. de Candolle a démontré que les arbres ont, en général, une extension limitée, quelle que puisse être d’ailleurs la cause de cette loi. […] Cette loi de la moindre variabilité des organismes inférieurs n’est probablement que d’une vérité relative, c’est-à-dire une résultante moyenne de causes contingentes. […] Darwin, tous les organismes supérieurs descendent par voie de génération directe des organismes inférieurs ; il faut donc que ceux-ci aient beaucoup varié pour les produire ; et il ne s’agit plus que de savoir si le mouvement de variation se ralentit ou s’accélère, à mesure que l’organisation s’élève, et, si c’est possible, par quelles causes. […] Entre tous ces individus semblables, mélangés dans une mer unique, sans courants, sans barrières, et peut-être à une tressaute température propre qui diminuait l’influence des climats, où les dangers étaient égaux, et toutes les conditions de vie identiques, il n’y avait aucune cause de choix ou de sélection naturelle pour fixer les variations d’après les circonstances locales organiques ou inorganiques.

340. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Étant spécial, il doit tenir à des causes spéciales, qu’il importe de déterminer. […] Comme ces faits sont complexes et présentent pourtant un certain ordre dans leur complication, son premier mouvement est de les rapporter à une cause agissante, capable d’en organiser les éléments. […] Mais il est distinct de l’état qu’il suggère, et c’est précisément parce que nous le sentons derrière la sensation suggérée, comme le magnétiseur derrière l’hallucination provoquée, que nous localisons dans le passé la cause de ce que nous éprouvons. […] Il en serait même la cause initiale. Quant à la cause prochaine, elle doit être cherchée ailleurs, dans le jeu combiné de la perception et de la mémoire.

341. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

L’universalité est donc ici dans l’effet produit, et non pas dans la cause. […] Pénétrer trop avant dans la personnalité, rattacher l’effet extérieur à des causes trop intimes, serait compromettre et finalement sacrifier ce que l’effet avait de risible. Il faut, pour que nous soyons tentés d’en rire, que nous en localisions la cause dans une région moyenne de l’âme. […] Elle n’est pas cause, mais effet, — effet très spécial, où se reflète la nature spéciale de la cause qui le produit. Nous connaissons cette cause.

342. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Il plaida sa première cause le 30 janvier 1570 ; cette cause est restée fameuse dans les fastes de la province. […] Cela fut cause que je demeurai, à sa très instante prière, près de lui ; car, encore qu’il sût bien mon inclination à la paix et que j’étais obligé à servir le roi, il ne laissa pourtant de prendre cette assurance de ma franchise que je ne servirais pas d’un espion près de lui pour le tromper. […] Philippe II, en envoyant des secours et en intervenant dans la Ligue par son or et par ses capitaines, le faisait-il pour la cause commune ou pour son profit direct, et pour prendre le trône de France soit en son propre nom, soit en celui de l’infante ?

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