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452. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

Ernest Charrière l’injure de penser qu’il n’a compris que le mot à mot de l’auteur russe qu’il vient de traduire et que le sens et le caractère de l’ouvrage d’Yvan Tourgueneff lui ont complètement échappé. […] Charrière — est devenu dans notre traduction les Mémoires d’un seigneur russe, c’est pour prendre avec ce titre le caractère du témoignage de l’aristocratie russe sur la situation du pays qu’elle domine. » Aveu plus forcé que naïf, et qu’il fallait bien faire tout d’abord pour expliquer ce changement de titre qu’on ose se permettre, mais qu’on expie presque immédiatement par un embarras qui commence : « Quelques fragments de cet ouvrage — ajoute le traducteur — avaient paru dans un journal de Moscou et frappé l’attention, quoique venant d’une plume inconnue et qui n’avait pas fait ses preuves devant le public… On était loin de prévoir l’impression que devait produire la réunion de ces morceaux, lorsque ayant été mis en volume et complétés dans leur ensemble, on put saisir la donnée supérieure qui s’en dégageait et qu’on vit s’y manifester la pensée intime de l’auteur ou plutôt l’inspiration sociale à laquelle il avait involontairement cédé… » Certes ! nous ne savons pas ce que ce petit galimatias d’une donnée qui se dégage d’un livre et qui en fait changer le titre et le caractère, malgré le genre de talent, la fonction, l’idée et le but de l’auteur, exprimés clairement dans un autre titre approprié et lucide, a dû coûter à la sincérité de M.  […] Charrière à travestir le chasseur invisible en seigneur russe écrivant visiblement ses Mémoires, et à faire prendre à son livre, sans craindre la réfutation par le livre lui-même, « ce caractère de témoignage de l’aristocratie russe sur la situation du pays qu’elle domine », qui semble être toute la question du livre à Paris, pour le traducteur !

453. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Ranc » pp. 243-254

Ranc est un de ces hommes d’action qui le sont de plume et de tout… Son talent est de même trempe que son caractère. […] Quoique dans l’introduction qui précède son livre il nous dise, vers la fin : « La conspiration que j’ai rapportée est une conspiration vraie, aussi vraie que la conspiration du général Malet », ce qui est peut-être trop vite dit et pas assez prouvé, et, quoique l’imagination, beaucoup plus intéressée à ce roman d’une conspiration qu’elle ne le serait à une histoire, veuille bien accepter, sans le chicaner, ce qu’affirme si brièvement l’auteur, cependant il reste toujours, non pas uniquement l’embarras de savoir où le personnage historique finit et où le personnage inventé commence, mais il reste encore — et c’est autrement important — que tous les personnages de l’action sont tous vus de par dehors, comme les personnages d’une histoire, au lieu d’être vus de par dehors et de par dedans tout ensemble, comme doivent être vus tous les personnages d’un roman, dont l’auteur peut approfondir à son gré ou idéaliser les caractères, puisqu’il les a lui-même inventés ! […] Comme je l’ai dit, les faits eux-mêmes importent peu ; ce qui importe, c’est de créer des situations et des caractères. […] Cependant la prêtrise, qui théologiquement implique caractère, l’implique humainement.

454. (1903) Le problème de l’avenir latin

D’où le caractère incomplet, fragmentaire, et peut-être un peu décousu, de ce livre. […] Vaincus et convertis, les Saxons conservent quand même leur indépendance de caractère et leur génie. […] D’où le caractère malsain, antinaturel, dont le cerveau latin est empreint. […] Au lieu de caractère, nous y trouvons l’indifférence, la routine, l’indécision, la veulerie. […] Le caractère général en serait d’être un programme radical.

455. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre premier. Préliminaires » pp. 1-8

La tournure, pour ainsi dire, de son observation, le caractère de sa raillerie sont absolument propres à notre race et à notre pays. […] Ainsi, à l’antiquité, il doit non seulement des sujets de pièce et des caractères qu’il a heureusement appropriés à notre scène, mais encore l’idée générale qu’il s’est faite de son art. […] Molière n’eut garde de dédaigner les leçons de ces excellents praticiens : il apprit à leur école à traduire pour la perspective de la scène telle disposition de caractère, tel retour de sentiment, telle préoccupation d’esprit dans un personnage.

456. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IX » pp. 77-82

. — Montausier : son caractère. […] Montausier est sans contredit le plus beau caractère qui ait jamais étonné une cour corrompue. […] Boileau regardait son suffrage comme le plus honorable qu’il pût obtenir ; Molière a emprunté son caractère plusieurs des beaux traits de son Misanthrope.

457. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Adolf Ebert, un caractère en même temps national et transitoire. […] Qu’eût fait Corneille d’un pareil caractère ? […] Les historiens en effet ne s’accordent pas sur le caractère de Philippe II. […] Mais il ne sut reproduire ni l’énergie des caractères de la pièce allemande, ni la délicatesse des situations. […] Maintenant comment les acteurs allemands procèdent-ils en présence de ce caractère métaphysique ?

458. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Remarquez bien que ces mots, prononcés par de Ryons, sortent des entrailles mêmes de son caractère. […] Ce caractère est celui d’une objectivité absolue. […] Ces derniers arrivent, à force de réflexion personnelle, à une entente savante de leur propre caractère, et, par suite, quand ils se sont comparés, des autres caractères. […] En un mot, nous appartenons à une société et nous possédons un caractère. […] Toutes ses créations offrent ce double caractère d’être des organismes, et des organismes en lutte.

459. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Lui aussi a vu les causes profondes qui font le soubassement des caractères. […] De là dérive un autre caractère de ce style, qui est la recherche et la trouvaille de la comparaison purement physique. […] Le caractère de ses personnages préférés dans l’histoire, comme le caractère de ses héros inventés dans le roman, atteste ce fanatisme que son aspect volontiers martial ne dément point. […] En revanche, il semble que, dans l’ordre du caractère, l’individu typique est celui qui porte ce caractère à son plus haut degré d’intensité. […] Peut-être l’effort suprême consisterait-il à reproduire à la fois les mœurs et les caractères.

460. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

J’invoque donc une réforme d’un plus grand caractère que celles qui ont été introduites jusqu’ici dans l’enseignement de la lecture. […] comment, dénuées de cette chaleur animatrice, pourraient-elles, au sein d’un grand peuple, se transformer en des sentiments, en des habitudes, en des mœurs, en un caractère ? […] On a conçu une idée plus juste du caractère et du but de l’histoire ; on a voulu qu’elle devînt un tableau des mœurs et de la destinée des nations. […] Un grand fonds de constance morale jointe à un tempérament timide, voilà le trait singulier de ce caractère. […] E. de Sacy (Journal des Débats, du 29 novembre 1843) ; les caractères de ce cours y sont parfaitement définis et rendus avec une vivacité qui atteste non-seulement un lecteur d’aujourd’hui, mais un ancien auditeur.

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