De l’examen des caractères nous venons à celui des passions. […] Pour que deux hommes soient parfaits amis, ils doivent s’attirer et se repousser sans cesse, par quelque endroit ; il faut qu’ils aient des génies d’une même force, mais d’une différente espèce ; des opinions opposées, des principes semblables ; des haines et des amours diverses, mais au fond la même sensibilité ; des humeurs tranchantes, et pourtant des goûts pareils ; en un mot, de grands contrastes de caractère et de grandes harmonies du cœur. Cette chaleur, que la charité répand dans les passions vertueuses, leur donne un caractère divin.
Pour composer ses tableaux, il les plaçait dans un cadre assorti à leur caractère inférieur. […] A-t-elle mieux buriné les passions, les caractères, les vices, les mœurs ? […] Ce qui eût été, du reste, très fâcheux ; cette suppression diminuant le caractère d’intensité de l’œuvre. […] Vingt ans de corruption impériale n’ont pu changer ni même affaiblir les caractères élevés de notre race. […] Ce qui ressort le plus ostensiblement de la nouvelle école, c’est la prépondérance des caractères bas sur les caractères élevés et la trivialité de la forme.
Voilà les caractères dominants des nations qui ont une diplomatie : leur diplomatie est à leur image. […] Tel fut le caractère du cabinet directorial ; la fureur révolutionnaire en sortit, la conciliation y rentra. […] Son juste dédain pour le caractère civique des peuples était une preuve de sa sagacité. […] Où était la férocité de caractère d’un homme doux, et à qui on a pu reprocher des vices, des intrigues, mais du sang, jamais ? […] C’était l’œuvre des orateurs et des tribuns, des hommes de caractère et de paroles.
., et que ces divers caractères sont unis. […] En général, la sensation a pour caractère ce qu’on nomme l’actualité, et c’est à cette actualité que se ramène l’évidence. […] En d’autres termes, j’ai conscience d’un effet dont je ne suis pas cause, et c’est ce caractère d’effet subi qui définit le premier moment de la croyance, qui lui donne un caractère de nécessité interne et de fatalité victorieuse. […] Dès lors, le caractère de connaissance objective va croissant. […] L’analogie n’a que le caractère d’une hypothèse plus ou moins vraisemblable ; elle est plus incertaine et plus conditionnelle que l’induction exacte.
Tout le caractère de maître Guérin est dans cette observation exacte et serrée. […] Le colonel, caractère cravaté de noir et boutonné dans sa loyauté, impose plutôt qu’il n’attire. […] Tous rédigent en un trait brillant une pensée ou une réflexion ; tous enlèvent le morceau du ridicule qu’ils visent ou du caractère qu’ils dissèquent. […] Toutes ses manœuvres s’éventent, toutes ses tentations font long feu ; il n’a ni l’aplomb de sa position, ni la tenue de son caractère. […] Leur identité est fixée, leur caractère est indélébile.
De là ce mot qui définit seul la littérature française : la France n’a pas un caractère, elle en a plusieurs ; la France n’a pas un style, elle en a mille ; de là aussi sa puissance sur l’esprit humain, l’universalité. […] Il ne manque qu’un caractère à cette grandeur, le sérieux. […] Aussi la littérature française prend-elle tout à coup sous sa plume un caractère d’étrangeté, d’indépendance sauvage, de rêverie germanique, de mélancolie septentrionale, d’amertume plaintive et de nature alpestre. […] S’il a du caractère, il brise à l’instant le cadre trop étroit dans lequel sa trop grande individualité ne peut se renfermer ; il fait éclater le cadre, il devient ennemi-né de ce qui le rétrécit, et il a bientôt pour ennemis lui-même tous les membres du corps, offusqués par sa supériorité. […] Il nous est difficile de comprendre comment un esprit d’un si grand sang-froid, et comment un coup d’œil d’une si habituelle justesse ont semblé méconnaître à cet égard le caractère, les causes, la portée du plus vaste événement de l’histoire moderne.
La « Science » se distinguait de la connaissance ou du savoir par le caractère de nouveauté de ses découvertes et, en effet, on ne connaissait point avant Pascal les lois de l’équilibre des liquides, ni la théorie du pendule avant Huyghens. […] Quelques années encore et l’universalité, la nécessité des rapports qu’elle exprime, leur interdépendance, apparaissaient comme les caractères de la vérité scientifique et la différenciaient de la vérité historique. […] Dans la conception positiviste, la science, par tous ses caractères, s’oppose à la religion, ou du moins s’en distingue, est autre chose, n’a d’efficace ni pour la combattre, ni pour la justifier. […] Constance et nécessité, ce sont même deux des caractères qui distinguent la science d’avec l’art. […] De la comparaison que nous ferons entre eux de leurs caractères, laquelle sans doute ne sera qu’une manière encore de penser « en relation », et de l’expérience que nous aurons des qualités des objets.
» Mais les expressions mêmes dont il use, leur caractère d’abstraction et de généralité, n’indiquent-ils pas aussi la nature de la transformation accomplie ? […] Godeau, dans son Discours sur les travers de M. de Malherbe, en a bien marqué le caractère logique. […] Et, tôt ou tard, conseils, préceptes, injonctions, finissent par perdre ce caractère de fixité sans lequel une morale est indigne de son nom. […] Et de qui La Bruyère, par exemple, a-t-il parlé dans ses Caractères ? […] L’auteur des Caractères s’est moqué cruellement de Cydias, mais Cydias tient maintenant sa revanche.
Il n’y a pas de danger qu’on se méprenne sur ce mot Éloge : il ne saurait s’appliquer qu’au grand écrivain toujours debout et subsistant ; l’homme et le caractère sont dorénavant trop connus, trop percés et mis à jour pour que l’éloge puisse y prendre pied décidément, et quoique les appréciations de ce genre soient sujettes à de perpétuelles vicissitudes, quoiqu’il semble qu’en littérature et en morale les choses ne se passent point comme dans la science proprement dite et que ce soit toujours à recommencer, je pense toutefois qu’il y a, dans cet ordre d’observations aussi, de certaines conclusions acquises et démontrées sur lesquelles il n’y a pas lieu pour les bons esprits à revenir. […] Dans un ouvrage composé il y a quelques années, j’avais rassemblé les diverses remarques que j’avais été à même de faire sur le grand écrivain, sur son talent prodigieux et son caractère singulier : lorsque ce livre parut, il choqua quelques admirateurs de M. de Chateaubriand, comme si j’avais voulu nuire à cette admiration dans la partie où elle mérite de persister et de survivre. […] Ajoutez à cela quelques manies de grand seigneur, l’amour de ce qui est cher, le dédain de l’épargne, l’inattention à ses dépenses, l’indifférence aux maux qu’elles peuvent causer, même aux malheureux ; l’impuissance de résister à ses fantaisies, fortifiée par l’insouciance des suites qu’elles peuvent avoir ; en un mot, l’inconduite des jeunes gens très généreux, dans un âge où elle n’est plus pardonnable, et avec un caractère qui ne l’excuse pas assez ; car, né prodigue, il n’est point du tout né généreux. […] Le voilà peint et estimé en mal, à la rigueur ; je ne crois pas que sa conduite et son caractère puissent mériter un reproche qui ne soit là. » Nous ne sommes qu’à moitié chemin. […] Je les attends à l’autre monde ; c’est là seulement que je renouerai mes amitiés2. » Est-ce donc trop s’avancer que de croire qu’après tant de preuves publiques et privées, et après ce dernier témoignage, longtemps resté secret, qui vient de sortir, — cette grande lettre datée de Villeneuve-le-Roi, — le moral et le caractère de Chateaubriand sont connus, et que, quelle que soit la mesure de sévérité ou d’indulgence qu’on y veuille apporter, les points principaux sur lesquels roule le jugement sont suffisamment fixés et établis ?