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520. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

« Ma mère était un ange, disait-il à qui Dieu avait prêté un corps ; mon bonheur était de deviner ce qu’elle désirait de moi, et j’étais dans ses mains autant que la plus jeune de mes sœurs. » Envoyé à Saint-Pétersbourg comme ministre plénipotentiaire par le roi de Sardaigne son souverain, il écrivait de là à l’un de ses frères, et il avait alors cinquante et un ans (février 1804) : « À six cents lieux de distance, les idées de famille, les souvenirs de l’enfance me ravissent de tristesse. […] Si quelque homme romanesque voulait se contenter du bonheur !  […] Sontag, surintendant de l’Église de Livonie, il n’est point de bons procédés dont il ne fasse preuve à son égard : « Si j’avais le bonheur d’être connu de lui, écrit-il, il verrait que, parmi les hommes convaincus, il serait difficile d’en trouver un plus libre de préjugés que moi. » S’il passe jamais à Riga, M. de Maistre se promet bien d’embrasser de très bon cœur cet homme estimable, et de rire avec lui de toute cette affaire de gazette.

521. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Mais le xviiie  siècle, dans son ambition, ne se contente point de si peu ; Sieyès, dans un de ses rares moments d’épanchement, disait : « La politique est une science que je crois avoir achevée. » Et quant à la morale, plus d’un philosophe du temps eût été plus loin et eût dit : « Je crois l’avoir à la fois achevée et inventée. » Piqué par les reproches du Génie et enhardi par sa présence, le voyageur s’ouvre donc à lui ; il veut savoir « par quels mobiles s’élèvent et s’abaissent les empires ; de quelles causes naissent la prospérité et les malheurs des nations ; sur quels principes enfin doivent s’établir la paix des sociétés et le bonheur des hommes. » Ici les ruines de Palmyre s’oublient : le Génie enlève le voyageur dans les airs, lui montre la terre sous ses pieds, lui déroule l’immensité des lieux et des temps, et commence à sa manière toute une histoire de l’humanité et du principe des choses, de l’origine des sociétés, le tout sous forme abstraite et en style analytique, avec un mélange de versets dans le genre du Coran. […] Dans ces études que je poursuis sur les écrivains du règne de Louis XVI (Barthélemy, Necker, Volney), j’aboutis souvent au nom de Chateaubriand, et je le fais avec intention : c’est, en effet, pour avoir repris plus tard avec bonheur ce que d’autres avaient pressenti et en partie manqué, c’est pour avoir trouvé et fondu sous ses pinceaux ce que des devanciers qui semblent quelquefois ses adversaires avaient cherché avec peine, que Chateaubriand a eu ce prompt succès. […] tels que les héros dramatiques, ils payent leur célébrité du prix de leur bonheur.

522. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Le sauvage perd cette férocité des forêts qui ne reconnaît point de maître, et prend à sa place une docilité réfléchie qui le soumet et l’attache à des lois faites pour son bonheur. […] Le chemin qui aboutit à la vertu et au bonheur est étroit et pénible. […] Lui-même ne tarde pas à pressentir d’instinct qu’il n’a rien de mieux à faire pour son bonheur que d’exceller dans la carrière qu’il suit, et qu’il a tout à espérer de ses progrès, rien de la protection ; leçon qui ne lui est que trop fréquemment et trop fortement inculquée par la vile et funeste prédilection des maîtres pour les enfants des riches et par leur utile sévérité pour les enfants des pauvres.

523. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Auguste des Préaux et son père, la marquise de Vilars et son mari, sont dessinés avec bonheur, et remplissent, à mon avis, les meilleurs chapitres du livre. […] Marié à Louise, peut-être le chevalier des Préaux eut il renoncé à conspirer ; car le bonheur éteint facilement le goût des aventures. […] Delavigne, on aperçoit clairement une morale constante : le bonheur dans le repos et la médiocrité. […] Il n’est pas coulé dans le même moule, mais il est d’un métal aussi pur, et traduit avec un égal bonheur l’énergie militaire et la majesté royale. […] Ce jour-là le poète et le critique seront réconciliés ; mais ce bonheur est bien rare dans les amitiés littéraires.

524. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

On se souvient du mot de Stendhal : la beauté, c’est une promesse de bonheur. […] Son but est le bonheur. […] Ce bonheur, qu’il poursuit et qu’il atteint, est le bonheur passif ; n’avoir plus de volonté. […] La jeune fille rêve ce qui sera le bonheur de la femme. […] On lui demande : « La fortune fait-elle le bonheur ? 

525. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Le bonheur est pour elle un but, non un accident dans la vie. […] L’homme a droit au bonheur. […] Il est très vrai que la certitude du progrès, c’est le bonheur déjà réalisé. […] Ils auraient le bonheur moral absolu, et il n’y a pas d’autre bonheur que le bonheur moral. […] Elle répondrait sans doute : c’est que j’ai besoin de bonheur.

526. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Cladel, Léon (1834-1892) »

Anatole France Ce romancier habile et vigoureux, qui s’applique sans cesse à donner à sa prose un relief extraordinaire, était tout conduit par ses recherches quotidiennes de rythme et de facture à tenter d’écrire en vers ; il l’a fait rarement, mais toujours avec un bonheur presque complet et qui lui était bien dû, car M. 

527. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Maurice de (1810-1839) »

L’auteur suppose qu’un être de cette race intermédiaire à l’homme et aux puissantes espèces animales, un centaure vieilli, raconte à un mortel curieux, à Mélampe, qui cherche la sagesse, et qui est venu l’interroger sur la vie des Centaures, les secrets de sa jeunesse et les impressions de vague bonheur et d’enivrement dans ses courses effrénées et vagabondes.

528. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Stendhal dit quelque part que la beauté d’une œuvre d’art se mesure au bonheur qu’elle nous donne. Eh bien, quel genre de bonheur le Jack de Daudet peut-il nous donner ? […] Je ne prends point si strictement le bonheur que donne une œuvre d’art pour la mesure de sa beauté ; car le bonheur est relatif, et la valeur d’une œuvre d’art est absolue.

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