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269. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

» Mais mon bonheur eût été d’être aimé aussi bien que d’aimer ; car on veut trouver la vie dans ce qu’on aime… Je tombai enfin dans les filets où je désirais d’être pris : Je fus aimé, et je possédai ce que j’aimais. […] Nous ne connaissons point de mot de sentiment plus délicat que celui-ci : « Mon bonheur eût été d’être aimé aussi bien que d’aimer, car on veut trouver la vie dans ce qu’on aime. » C’est encore saint Augustin qui a dit cette parole : « Une âme contemplative se fait à elle-même une solitude. » La Cité de Dieu, les épîtres et quelques traités du même Père, sont pleins de ces sortes de pensées.

270. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 24, objection contre la solidité des jugemens du public, et réponse à cette objection » pp. 354-365

Il est rare que le bonheur seul amene trois succez heureux, mais lorsque ces succez sont parvenus à un certain nombre, il seroit insensé de prétendre qu’ils fussent le pur effet du hazard, et que l’habileté du géneral ou du ministre, n’y eussent point de part. […] Je ne pense pas que ce fut un si grand bonheur pour les peintres et pour les poëtes de n’être jugez que par leurs pairs.

271. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Une certaine passion, comme chez Helvétius, du bonheur universel, une croyance animée au vrai et un zèle de le produire (qui n’était pas encore venu à Mlle de Meulan), émeuvent cette lente analyse, circulent en ces pages abstraites, y mêlent en maint endroit la sensibilité et une sorte d’éloquence qui touche d’autant mieux qu’elle est plus contenue. […] La chaleur des affections se fortifie en elle de l’ardeur des convictions, et ce double feu, moins brillant qu’échauffant, va jusqu’au bout animer et nourrir ses années de sérieux bonheur. […] Le bonheur s’enfuit assez vite, Le mal assez tôt est venu ; S’il est vrai que nul ne l’évite, Assez tôt vous l’aurez connu. […] Son bonheur fut grand : sa sensibilité, qui s’accroissait avec les années, délicat privilége des mœurs sévères ! […] En fait de bonheur et de malheur, ma vie a été si pleine, si vive, que je ne puis, sans que la main me tremble, toucher à quelqu’une de ses profondeurs.

272. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Cette idée, qu’enfant il avait conçue en lisant Robinson, Télémaque et les récits des voyageurs, c’était d’avoir quelque part, dans un coin du monde, son île, son Ithaque, sa Salente, où il assoirait par de sages lois le bonheur des hommes. […] temps d’ivresse et de bonheur qui s’est écoulé comme un songe ! […] Refoulé de nouveau et contristé dans le présent, le séjour déjà lointain de l’Ile-de-France s’embellit pour lui alors, et sa pensée y revola, comme la colombe au désert, pour y replacer le bonheur. […] Un ouvrage comme Paul et Virginie est un tel bonheur dans la vie d’un écrivain, que tous, si grands qu’ils soient, doivent le lui envier, et que, lui, peut se dispenser de rien envier à personne. […] S’il n’a plus rencontré de sujet aussi admirablement venu que Paul et Virginie, Bernardin de Saint-Pierre a trouvé moyen encore, dans le Café de Surate, dans la Chaumière indienne, de déployer avec bonheur quelques-unes des qualités distinctives de son talent.

273. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

J’aurais voulu que tu fusses près de moi ; mais c’était un bonheur doux et pur. […] L’amélioration de notre propre cour nous révèle l’intention bienfaisante qui nous a soumis à la peine ; car les prospérités de la terre auraient même quelque chose de redoutable, si elles tombaient sur nous après que nous serions coupables de grandes fautes : on se croirait alors abandonné par la main de celui qui nous livrait au bonheur ici-bas comme à notre seul avenir. […] Un intérêt intime se mêlait alors en elle à l’anxiété publique ; quelques jours auparavant son âme était tout entière à des soins de famille, à l’union la plus digne préparée pour sa fille, à la pensée du jeune homme de si noble nom et de si grandes espérances que sa fille et elle avaient choisi, et maintenant c’était des apprêts d’une fuite nouvelle, l’attente d’un nouvel ébranlement de l’Europe, d’une ruine publique où pouvait s’abîmer tout bonheur privé, qui de toutes parts obsédaient cette âme active, que les incertitudes ordinaires de la vie suffisaient à troubler parfois jusqu’à la souffrance. […] J’avais emporté avec moi un volume de Corinne, comme pour me porter bonheur ; le livre ou le jour me portèrent en effet bonheur. […] Une faute, selon le monde, fut le tardif, mais suprême bonheur de sa vie.

274. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Par bonheur, je reste libre. […] La Tour Eiffel, s’il avait eu le bonheur de l’apercevoir, l’aurait exalté davantage encore qu’elle n’exalte M.  […] En même temps une charité nouvelle se découvrait à lui : le récit des martyrs lui révélait le bonheur du sacrifice. […] ce bonheur ne devait pas lui être donné. […] Ce ne sont point des mesures générales, ni des congrès, ni des lois, qui peuvent assurer le bonheur de l’humanité.

275. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

Chacun a son idéal de fortune et de bonheur. […] , pour les populations ouvrières, une plus grande somme de moralité et de bonheur. […] Par bonheur, je le répète, il a l’insouciance tant qu’il a sa plume, comme le militaire tant qu’il tient l’épée.

276. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

Il me semble que j’entends l’Auteur de la Nature qui lui crie : Je t’ai doué de ce qui t’étoit nécessaire pour la mesure de ton bonheur. […] Titus, Marc-Aurele & Julien furent des Empereurs Philosophes, l’antique vœu de Planton fût rempli, & sous leur régne paisible les hommes sentirent le bonheur d’être gouvernés par des Chefs éclairés, & par conséquent échauffés de l’amour de l’humanité. […] Je ne veux point que vous renonciez à l’empire des Graces, vous sexe aimable, qui pouvez partager le bonheur qu’enfante la culture des Lettres.

277. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

L’un de ces poètes (ce fut Thespis) eut la hardiesse d’y changer quelque chose, et eut le bonheur de réussir. […] C’est ce qui fait dire à Virgile, en parlant du bonheur inestimable d’un heureux loisir que goûte un philosophe solitaire : « Il n’est point dans la nécessité de compatir à la misère d’un vertueux indigent, ou de porter envie au riche coupable. » La crainte et la pitié sont les passions les plus dangereuses, comme elles sont les plus communes : car, si l’une, et par conséquent l’autre, à cause de leur liaison, glace éternellement les hommes, il n’y a plus lieu à la fermeté d’âme nécessaire pour supporter les malheurs inévitables de la vie, et pour survivre à leur impression trop souvent réitérée. […] Mais la beauté des intrigues dépend du choix des actions ; et ce choix est souvent l’effet du bonheur plutôt que du discernement.

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