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1047. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Pour Troïlus, il est tout tremblant ; il pâlit quand il voit revenir le messager ; il doute de son bonheur et n’ose croire les assurances qu’on lui en donne. « Tout comme les fleurs par le froid de la nuit — fermées, s’inclinent bas sur leur tige. —  Mais le soleil brillant les redresse,  — et elles s’ouvrent par rangées sous son doux passage. » Ainsi tout d’un coup son cœur s’épanouit de joie. […] Et Cressida ravie se répète tout le jour avec un transport d’allégresse cette chanson qui est comme le gazouillement d’un rossignol : Qui remercierai-je, si ce n’est vous, Dieu de l’amour, Pour tout le bonheur dans lequel je commence à être plongée ? […] Mais le récit ne suffit point à exprimer le bonheur et le rêve ; il faut que le poëte aille192-A « dans les plaines qui s’habillent de verdure nouvelle, où les petites fleurs commencent à pousser, où les pluies bonnes et saines renouvellent tout ce qui est vieux et mort  » ; où « l’alouette affairée, messagère du jour, salue dans ses chansons le matin gris, où le soleil dans les buissons sèche les gouttes d’argent suspendues aux feuilles. » Il faut qu’il s’oublie dans les vagues félicités de la campagne, et que, comme Dante, il se perde dans la lumière idéale de l’allégorie. […] Le bonheur couvre tout, même la volupté, sous la profusion et les parfums de ses divines roses ; tout au plus une légère malice198 vient y insérer sa pointe : Troïlus a sa dame dans ses bras : « Dieu ne nous donne jamais pire mésaventure. » Le poëte est presque aussi content qu’eux ; pour lui comme pour les hommes de son temps, le souverain bien est l’amour non pas transi, mais satisfait ; même on a fini par considérer cette sorte d’amour comme un mérite.

1048. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

Lorsque Tibulle, le plus affectueux après Virgile, et le plus doux des Romains, dit à sa Délie, en des vers pleins de tendresse, qu’il ne demande avec elle qu’une chaumière et la pauvreté, il mêle encore à l’idéal de son bonheur ces images du labour : Ipse boves, mea, sim tecum modo, Delia, possim Jungere, et in solo pascere monte pecus ; Et te dum liceat teneris retinere lacertis, Mollis et inculta sit mihi somnus humo.

1049. (1874) Premiers lundis. Tome II « Des jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger. »

Qu’on en jouisse, qu’on y trouve avec vertu le bonheur, mais toute inspiration n’est pas là.

1050. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

Par bonheur, je le répète, il a l’insouciance tant qu’il a sa plume, comme le militaire tant qu’il tient l’épée.

1051. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Quand Goethe déclare que « Klopstock n’avait aucun goût, aucune disposition pour voir, saisir le monde sensible, et dessiner les caractères », quand il trouve ridicule cette ode où le poète suppose une course entre la Muse allemande et la Muse britannique, quand il ne peut supporter « l’image qu’offrent ces deux jeunes filles courant à l’envie à toutes jambes et les pieds dans la poussière » : à ce moment-là Goethe est moins content, moins heureux, il jouit moins du plaisir de vivre, du bonheur de sentir que madame de Staël, qui traduit avec enthousiasme cette même ode, et déclare fort heureux tout ce que Goethe trouve ridicule.

1052. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

On entend par ce mot tout ce qui est non pas extraordinaire, mais merveilleux, tout ce qui est hors de la possibilité naturelle, tout ce qui n’arrive pas, les combinaisons trop ajustées d’événements, les rencontres trop heureuses du hasard, les coups de vertu ou de passion inexpliqués dans leur grandeur, les perfections et les bonheurs incroyables dans leur continuité.

1053. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dumas, Alexandre (1802-1870) »

Dumas eut ce bonheur.

1054. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’Âge héroïque du Symbolisme » pp. 5-17

C’est l’année où, tandis que Th. de Banville jette en suprême adieu Les Occidentales et Rimes dorées, Verlaine donne Bonheur ; Stéphane Mallarmé, Pages ; Henri de Régnier, Épisodes, Sites et Sonnets ; Jean Moréas, le Pèlerin passionné ; Maurice du Plessys ; la Dédicace à Apollodore ; Laurent Tailhade, Vitraux et le Pays du Muffle ; Rodenbach, le Règne du Silence ; Stuart Merrill, Les Fastes ; Gustave Kahn, Chansons d’amant ; Emmanuel Signoret, le Livre de l’Amitié ; René Ghil, le Vœu de Vivre ; Louis Dumur, Lassitudes ; Gabriel Vicaire, À la Bonne Franquette ; Ajalbert, Femmes et Paysages ; Ernest Raynaud, Les Cornes du Faune 3, et si je ne devais m’en tenir aux poètes, je mentionnerais que c’est l’année où Maurice Barrès donne Sous l’œil des barbares et Trois stations de psychothérapie ; Léon Bloy, la Chevalière de la mort ; Huysmans, Là-Bas ; Péladan, l’Androgyne ; Rachilde, La Sanglante ironie ; Albert Autier, Vieux… 1891 !

1055. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

Mais la France n’eut pas ce bonheur ; ses poëtes nationaux étaient presque tous des poëtes païens ; et notre littérature était plutôt l’expression d’une société idolâtre et démocratique que d’une société monarchique et chrétienne.

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