On n’a pas besoin de songer à Amadis pour se plaire à Don Quichotte. […] Ce besoin de transfiguration qui éclate et se consacre assez visiblement dans la sphère religieuse est le même que celui qui tend, dans l’ordre poétique, je ne dis pas à surfaire, mais à surnaturaliser les génies. […] Quoi qu’il en soit, l’avénement du bon sens est le grand fait de Cervantes…7 » Il est très-vrai qu’il faut une clef pour plusieurs livres hardis du xvie siècle ; Machiavel et Rabelais ont besoin d’une clef ; mais je ne crois pas que le livre de Cervantes en ait besoin dans le même sens. Ce qu’il attaquait de front, c’est-à-dire les mauvais romans de chevalerie, il n’avait besoin d’aucun masque pour le combattre ; il n’y avait pour lui nul danger à le faire. […] C’est une folie aussi que ce besoin de justesse.
L’un des premiers chagrins de la vanité est de trouver en elle-même et la cause de ses malheurs et le besoin de les cacher. […] Sa conversation est composée de parenthèses, principal objet de toutes ses phrases ; il voudrait laisser échapper ce qu’il a le plus grand besoin de dire ; il essaye de se montrer fatigué de tout ce qu’il envie ; pour se faire croire à son aise, il tombe dans les manières familières ; il s’y confirme, parce que personne ne compte assez avec lui pour les repousser, et tout ce dont il est flatté dans le monde est un composé du peu d’importance qu’on met à lui, et du soin qu’on a de ménager ses ridicules pour ne pas perdre le plaisir de s’en moquer. […] On a besoin de ce qu’on méprise, on ne peut s’y soumettre, on ne peut s’en affranchir, c’est à ses propres yeux que l’on rougit, c’est à ses propres yeux que l’on produit l’effet que le spectacle de la vanité fait éprouver à un esprit éclairé et à une âme élevée. […] Les critiques, qui suivent nécessairement les éloges, détruisent la sorte d’illusion à travers laquelle toutes les femmes ont besoin d’être vues. […] Mais c’est dans la marche intérieure de la révolution, qu’on peut observer l’empire de la vanité, du désir des applaudissements éphémères, du besoin de faire effet, de cette passion native de France, et dont les étrangers, comparativement à nous, n’ont qu’une idée très imparfaite. — Un grand nombre d’opinions ont été dictées par l’envie de surpasser l’orateur précédent, et de se faire applaudir après lui ; l’introduction des spectateurs dans la salle des délibérations a suffi seule pour changer la direction des affaires en France.
D’un côté, le besoin de trouver un point fixe dans la fluctuation universelle des croyances et des consciences rattache les esprits droits à une doctrine déterminée et fixe : d’un autre côté, le besoin de voir de plus en plus clair dans ses pensées, la passion du progrès, à laquelle personne de notre temps ne peut échapper absolument, entraîne plus ou moins les hommes sincères hors des voies réglementaires et consacrées. […] Outre que c’est déjà un problème de savoir quelle est cette autorité infaillible33, je fais remarquer que cette autorité suprême, quelle qu’elle soit, ne nous assure la sécurité que dans un domaine qui nous touche de très-loin, et nous laisse dans le trouble là où nous aurions le plus besoin de lumières. […] Au fond, n’en doutons pas, on ne les laisse libres que provisoirement et dans la mesure où l’on a besoin d’eux. […] Dans le protestantisme traditionnel en effet, il y a bien un dogme, il n’y a pas d’autorité, ou du moins la seule autorité est l’Écriture sainte ; mais comme l’Écriture a besoin d’être expliquée, et que le dogme n’y a jamais été systématiquement exposé, et canoniquement défini, il y a là un champ vaste abandonné à la latitude des interprétations. […] Les autres ne sont pas disposés à se contenter aussi facilement ; l’immobilité d’une doctrine une fois faite ne leur paraît guère conforme à la nature de l’esprit humain, surtout dans l’ordre purement philosophique ; avec le besoin de croire, ils éprouvent en même temps le besoin de penser ; la fermeté de leurs convictions ne tarit pas chez eux l’activité de l’investigation scientifique.
Besoin d’institutions nouvelles Nous sommes arrivés à un âge critique de l’esprit humain, à une époque de fin et de renouvellement. La société ne repose plus sur les mêmes bases, et les peuples ont besoin d’institutions qui soient en rapport avec leurs destinées futures. […] Nos châteaux représentaient les temps de la chevalerie et de la féodalité ; il faut qu’ils disparaissent ; et les anciens propriétaires eux-mêmes, au défaut de la bande noire, s’empresseraient de détruire des demeures fastueuses qui ne sont plus en rapport avec nos besoins et nos existences. […] L’expression du besoin, chez le peuple, a toujours une énergie sauvage et funeste. […] Oui, j’en suis persuadé, la résistance à la révolution n’a commencé que lorsqu’on a voulu aller au-delà de ce qui était dans les mœurs, dans l’état des lumières, dans nos besoins réels.
Quelle idée magique, qui, tout-à-la-fois contienne, resserre les actions dans le cercle le plus circonscrit, et satisfasse la passion dans son besoin indéfini d’espoir, d’avenir et de but ? […] Cet homme cependant, qui manqua de la force nécessaire pour préserver son pouvoir, et fit douter de son courage, tant qu’il en eut besoin pour repousser ses ennemis ; cet homme, dont l’esprit naturellement incertain et timide, ne sut ni croire à ses propres idées, ni même adopter en entier celle d’un autre ; cet homme s’est montré tout à coup capable de la plus étonnante des résolutions, celle de souffrir et de mourir. […] Les qualités naturelles, développées par les principes, par les sentiments de la moralité, sont de beaucoup supérieures aux vertus de la dévotion ; celui qui n’a jamais besoin de consulter ses devoirs, parce qu’il peut se fier à tous ses mouvements, celui qu’on pourrait trouver, pour ainsi dire, une créature moins rationnelle, tant il paraît agir involontairement et comme forcé par sa nature ; celui qui exerce toutes les vertus véritables, sans se les être nommées à l’avance, et se prise d’autant moins, que ne faisant jamais d’effort, il n’a pas l’idée d’un triomphe, celui-là est l’homme vraiment vertueux. […] J’ai besoin de répéter que je ne comprends pas dans cette discussion, ces idées religieuses d’un ordre plus relevé qui, sans influer sur chaque détail de la vie, anoblissent son but, donnent au sentiment et à la pensée quelques points de repos dans l’abîme de l’infini. […] Les esprits ardents sont nécessairement lassés de ce qui est, et lorsqu’une fois ils admettent quelque chose de surnaturel, il n’y a plus de bornes à cette création que les besoins de l’imagination, et, s’exaltant elle-même, elle n’a de repos que dans l’extrême, et ne supporte plus de modifications.
Le besoin, l’appétit est un effort et un mouvement commencé pour traverser un intervalle. […] Il n’y a pas besoin pour cela d’être préalablement en possession de la forme pure du temps ; au contraire, c’est par la succession du besoin satisfait, du besoin contrarié, puis satisfait, etc., que la perspective du temps se produit dans la conscience. […] Tout besoin implique la possibilité de le satisfaire ; l’ensemble de ces possibilités, c’est ce que nous désignons sous le nom du futur. […] On n’a besoin ni du temps ni du mouvement comme éléments de cette comparaison. […] L’animal qui sent les dents d’un autre s’enfoncer dans sa chair n’a aucun besoin de se représenter le temps pour sentir.
L’aperçu fin et juste du petit côté d’un grand caractère, des faiblesses d’un beau talent, trouble jusqu’à cette confiance en ses propres forces, dont le génie a souvent besoin ; et la plus légère piqûre d’une raillerie froide et indifférente peut faire mourir dans un cœur généreux la vive espérance qui l’encourageait à l’enthousiasme de la gloire et de la vertu. […] Les courtisans de tous les régimes imitent ceux qu’ils louent ; ils se pénètrent d’estime pour ceux dont ils ont besoin ; ils oublient que le soin même de leur intérêt n’exige que les démonstrations extérieures, et qu’il n’est pas nécessaire de fausser jusqu’à son jugement pour se montrer ce qu’on veut paraître. […] Il est difficile qu’un magistrat dont le ton révolte les âmes n’ait pas besoin de recourir à la persécution pour obtenir l’obéissance. […] Ils ne réuniraient presque jamais dans les compositions littéraires le naturel des observations avec la noblesse des sentiments ; loin de s’aider de leurs souvenirs, ils auraient besoin de les écarter : à peine le recueillement de l’âme pourrait-il encore donner quelquefois l’idée du vrai tableau. […] Tout homme de goût et d’une certaine élévation d’âme doit avoir le besoin de demander presque pardon du pouvoir qu’il possède.
Il répandit sur toute sa personne, et mit dans ses regards même, une affectation de grandeur qui avait un peu besoin de sa réputation et de son rang pour ne pas étonner, et semblait vouloir commander le respect plutôt que l’attendre. Il forma au-dedans le caractère de sa politique, et fit croire que la nation était lui, et que ses propres besoins étaient ceux de l’État. […] Il eut des connaissances sur le gouvernement ; mais ayant passé presque tout son règne en grandes entreprises, c’est-à-dire, à conquérir ou à résister, au lieu de pouvoir diriger à son gré ses plans et ses systèmes, il était forcé de plier ses plans à ses besoins. […] Si on cherche à travers tant d’éclat quel fut le bonheur des citoyens, on conviendra que les peuples, comme les hommes, ne peuvent être heureux que dans un état de calme, et loin des grands efforts que supposent de grands besoins. […] Jusqu’alors les Français, moins grands que factieux, ayant besoin d’agiter et d’être agités, plus capables d’un mouvement prompt et rapide que d’une application et de vues suivies, n’avaient encore appris à gouverner ni leur caractère, ni leurs idées.
De quelque manière qu’il l’ait fait sentira l’offenseur alors en son pouvoir, les besoins de vengeance devinrent réciproques. […] La fête des moissons était celle de l’égalité, et comme l’aveu des besoins mutuels qui unissent les hommes. […] Le besoin de la vie de famille s’est-il fait sentir à lui ? […] Nous avons besoin d’y croire pour nous y livrer, et nous n’y croirions pas sans leur attribuer une cause digne de les exciter. […] Hors du cercle magique qu’il a tracé, il ne laisse rien qui soit assez puissant pour altérer la seule unité dont il ait besoin.