Ne devoit-il pas craindre de soulever contre lui, non seulement ses Compatriotes, mais encore tous les Peuples éclairés de l’Europe, qui ne s’applaudissent de leurs progrès dans notre Langue, qu’à proportion qu’ils sentent mieux les beautés originales de ces mêmes Fables qu’il cherche à dépriser ? […] Marmontel, qui juge quelquefois sainement des grands Maîtres, dit, en parlant de Lafontaine, que nous n’avons pas de Poëte plus riant, plus fécond, plus varié, plus gracieux, & plus SUBLIME ; il recommande la lecture de ses Fables aux jeunes Poëtes, pour en étudier la versification & le style ; où les Pédans, ajoute-t-il, n’ont su relever que des négligences, & dont les beautés ravissent les hommes de l’Art les plus exercés & les hommes de goût les plus délicats * .
S’il n’a point eu, comme Corneille, la gloire de tirer la Tragédie du chaos, de lui imprimer le premier ce caractere de noblesse & de dignité qui lui est essentiel, d’en fixer les regles & les beautés parmi nous ; qui osera lui disputer celle de s’être fait un genre qui lui est propre, d’avoir égalé, surpassé même, à quelques égards, les chef-d’œuvres de son prédécesseur ? […] Evremont, en relevant les fautes qui lui étoient échappées dans la Thébaïde & dans Alexandre, contribua encore aux vraies beautés qu’il produisit dans la suite.
Cependant croyons-nous encore avoir le tact juste sur les beautés d’expression qu’il renferme ? […] Mais les beautés supérieures d’un écrivain font oublier les critiques les plus justes ; et voilà par quelle raison, pour le dire en passant, les Aristarques et les Zoïles de l’antiquité ont également disparu ; perspective assez peu consolante pour leurs successeurs.
Ce qu’il a écrit, il ne l’a pas tracé en vue des beautés essentielles à cette histoire trop ignorée et qui devraient tenter un peintre. […] Mais la Critique ne pouvait-elle espérer sans outrecuidance que ces faits, contre lesquels l’historien se révolte, le frapperaient puissamment par ce qu’ils ont d’extraordinaire et même pour lui d’incompréhensible, et que de cette indignation aveugle, mais vraie et largement vibrante, contre le Moyen Âge, ses passions colossales, ses déchirements nécessaires, ses institutions, tout cet ensemble de servitudes chevaleresques dont Labutte n’a pas même la notion première et que Schiller, qui était un grand poète et un noble cœur, appuyait sur un fond céleste, il serait au moins sorti un cri énergique, une réprobation digne de ce temps immense, quelque chose, enfin, qui aurait eu son éloquence, son injuste, mais réelle beauté ?
Ce qu’il y a de plus étonnant dans ce poëme inaccoutumé, c’est qu’il est peint avec une rapidité extrême, et quand on songe à la beauté du dessin, il y a là de quoi confondre l’esprit. […] Ingres n’est jamais si heureux ni si puissant que lorsque son génie se trouve aux prises avec les appas d’une jeune beauté.
Les hymnes de Callimaque offrent les mêmes beautés et les mêmes défauts ; on y voit le génie esclave de la superstition, et des erreurs populaires chantées avec autant d’harmonie que de grâce. […] Notre seul mérite aujourd’hui est d’avoir mis quelque pureté de style dans un genre d’ouvrage le plus susceptible de beautés fortes, et qui semblerait devoir être grand et sublime, comme le tableau de la nature.
De tout cela ensemble, dut naître un mélange de beautés et de défauts, de négligence dans le style et de grandeur dans les idées, quelquefois toute la force et toute l’impétuosité du zèle religieux, quelquefois toute la faiblesse d’une morale froide et monotone, ce qui peut souvent frapper l’imagination, ce qui doit souvent révolter le goût. […] Cependant on rencontre quelques beautés de détail et des lueurs d’éloquence ; car dans les siècles qui penchent vers la barbarie, ou qui en sortent, il est encore plus aisé, sans doute, de trouver de l’éloquence que du goût.
Beauté, bonté, générosité chevaleresque, honneur, élévation morale ; faiblesses enfin, qui font ombre sans faire tache. […] La divinité même enseigne par son exemple le mépris de la beauté : ni la Vierge n’est belle ni le Christ n’est beau. […] Ainsi la Renaissance eut pour premier effet d’attacher les yeux des modernes sur la beauté antique, qui est à tant d’égards la beauté idéale : elle leur donna une nouvelle forme artistique, sans changer d’abord les inclinations de leur âme. […] La beauté idéale les fit songer à la beauté sensible, les splendeurs du marbre à celles de la chair, et peu à peu, sans renoncer à l’amour de la beauté et de la noblesse, ils s’imburent d’un sensualisme élégant qui changea l’inspiration des œuvres artistiques, sans en altérer encore la forme idéaliste, mais qui déjà préparait le réalisme et qu’à ce titre nous devons examiner. […] La beauté morale est ignorée.
L’ode pure, celle qui se voue exclusivement à la peinture de l’enthousiasme en présence de la gloire ou de la beauté. […] Jamais, je crois, l’avilissement de la beauté n’avait été raconté en termes aussi poignants. […] Il n’a jamais la netteté philosophique ou la ferveur chrétienne, mais il a toujours et partout l’abondance et la beauté poétique. […] Les poètes ont en vue l’expression de la beauté, tandis que les historiens se proposent la réalité, et les philosophes la vérité. […] Si la beauté tragique devant laquelle s’agenouillait le peuple d’Athènes se compose des mêmes éléments que la beauté dramatique applaudie par la cour d’Élisabeth, la raison veut que la réforme ne se montre pas moins impartiale que l’histoire.