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1424. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Il les entame quelquefois, et se détourne ensuite sur de petites choses qu’il relève par la beauté de son génie et de son style ». […] Comptez tous ces ridicules : trouvez-vous une place où la beauté puisse se loger ? […] Au fond, rien n’est plus trompeur que ces mots de beauté et de bonté, rien n’est plus dangereux que de les employer à juger le monde. […] Ceci est la théorie de l’extase ; vous jugez quelles beautés et quels rêves elle peut enfanter. […] Et cependant, dans la nature altérée par les exigences aristocratiques, il y a encore une beauté très grande.

1425. (1864) Le roman contemporain

Paul et Virginie, malgré quelques expressions déclamatoires qui sont le millésime de l’époque où le livre fut écrit, résiste par la fraîcheur inaltérable du fond et le sentiment des beautés de la nature et des grâces ineffables de l’enfance et de la jeunesse s’épanouissant dans cette églogue passionnée. […] Il va bientôt disparaître, comme un homme qui a achevé son monument, monument mêlé de beautés et de défauts, mais où les défauts dominent de beaucoup. […] Madame de Staël, votre illustre devancière dans les lettres, entendit lire, dans une après-dînée du château de Chaumont où elle résidait en 1805, cette magnifique prière, par M. de Corbigny, alors préfet de Loir-et-Cher, qui lui avait vanté la beauté du Rituel catholique, et elle ne cacha point son admiration. […] La sublimité du dévouement, qui, sur un signe, reçoit et donne la mort, la force régulière de la discipline, la mâle beauté de ces existences qui appartiennent au devoir et qui ne marchandent pas plus leur soumission que leur sang, formèrent au jeune écrivain un nouvel idéal. […] Il est la beauté, l’intelligence, la science, l’éloquence, il est le génie ; et, quoiqu’il possède le secret de certain coup de pouce qui fait passer en un instant de vie à trépas ceux qui gênent ses desseins et qu’il en use peut-être contre les obstacles qu’il rencontre, M. 

1426. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Les chapitres sur Marseille sont à la fois plein d’amour et de réflexion : on n’a jamais mieux rendu, ni d’un trait plus approprié, la beauté de ligne et de lumière de ce golfe de Marseille, cette végétation rare et pâle, si odorante de près, la silhouette et les échancrures des rivages, la Tour Saint-Jean qui les termine, « au couchant, enfin, la Méditerranée qui pousse dans les terres des lames argentées ; la Méditerranée avec les îles de Pomègue et de Ratoneau, avec le château d’If, avec ses flots tantôt calmes ou agités, éclatants ou sombres, et son horizon immense où l’œil revient et erre sans cesse en décrivant des arcs de cercle éternels. » L’histoire civile de Marseille, avec ses vicissitudes et ses revirements, s’y résume très à fond ; son génie s’y révèle à nu, raconté avec feu par le plus avisé de ses enfants. […] Thiers, qui loue chez le maréchal Saint-Cyr la beauté du récit militaire, définit ainsi cette expression qui s’applique si souvent à lui-même : « Nous considérons, dit-il, comme beauté dans un récit militaire, la clarté, la précision, et le degré de couleur qui s’accorde avec une exposition savante. » M. […] Il était allé en Italie une fois sous la Restauration, il y est retourné quatre fois depuis, et dans ces divers séjours prolongés, surtout à Florence, il a développé, perfectionné et enrichi par toutes sortes d’études sa passion pour les arts, son culte de la beauté visible.

1427. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Leopardi part de là pour célébrer le hardi Colomb, et l’Arioste, et le Tasse, en des couplets qui sont tour à tour de la plus gracieuse ou de la plus fière beauté. […] Leopardi, sous plus d’un aspect, semblait primitivement destiné par la nature à la force, à l’action, à la beauté virile : le feu de son regard, son accent vibrant, le timbre pénétrant de sa parole, une sorte de fascination involontaire qui s’exerçait d’elle-même sur ceux qui l’approchaient, et dont la nature a fait l’une des prérogatives du génie, tout semblait le convier à l’expansion de la vie, au charme des relations partagées141. […] Il faudrait analyser chacune des canzones nouvelles de ce volume, car chacune a son caractère et ses beautés. […] Et toi qu’enfant déjà j’honorais si présente, Belle Mort, ici-bas seule compatissante A nos tristes ennuis, si jamais je tentai Aux vulgaires affronts d’arracher ta beauté Et de venger l’éclat de ta pâleur divine, Ne tarde plus, descends, et que ton front s’incline En faveur de ces vœux trop inaccoutumés !

1428. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Le dix-huitième siècle de cette société anglaise se peint à ravir dans ses lettres, comme il se reflétera ensuite dans ses romans : « Vous seriez étonné de voir de la beauté sans aucune grâce, de belles tailles qui ne font pas une révérence supportable, quelques dames de la première vertu ayant l’air de grisettes, beaucoup de magnificence avec peu de goût. […] Elle décrit sa Cécile, ses beautés, sa santé, sa fraîcheur, ses légers défauts même, le cou un peu gros, mais en tout bien du charme : — « Eh bien ! […] Beautés frappantes et aimables de la nature, tous les jours mes yeux vous admirent, tous les jours vous vous faites sentir à mon cœur !  […] toi (c’est à l’époux qu’il s’adresse, à celui qu’il a peint si flegmatique sous le nom d’Albert), tu n’as pas senti comment l’humanité t’embrasse, te console. » Le véritable Albert goûtait peu cette insigne faveur et il était plutôt de l’avis de celui qui lui écrivait : « Sauf le respect pour votre ami, il est dangereux d’avoir un auteur pour ami. » — Les raisons de Gœthe pourtant, au point de vue poétique, ont leur beauté et leur grandeur.

1429. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Pendant ce temps-là, l’écrivain de marque s’en était retourné aux jeux préférés de son imagination, célébrant, comme à l’habitude, d’une plume gracile et chatouilleuse, les êtres et les choses de l’amour ; chantant des hymnes à la beauté de la femme ; et oubliant… de payer l’autre. […] Pro domo sua [Pierre Sales] Monsieur et cher confrère, Pourquoi traiter avec dédain un genre de littérature qui permet de s’adresser à l’immense masse du public, laquelle ne comprend jamais tout de suite les novateurs absolus et serait à jamais fermée à toute beauté morale ou artistique, si certains écrivains ne les faisaient arriver jusqu’à elle ? […] Et c’est parce que sa pièce renferme des beautés de premier ordre, qui sont de simples beautés dramatiques, par exemple les fiançailles de l’ingénieur devant le puits de la catastrophe, que son éloquent plaidoyer, par moment beau comme du Bossuet, arrive au public.

1430. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Je ne rendrai jamais qu’imparfaitement l’impression que firent sur moi les amères beautés de cet ouvrage ; elle n’a pas vieilli, mais elle s’est depuis confondue avec tant d’impressions diverses, qu’il me faut un effort pour la ressaisir avec ses premiers charmes et sa vigueur première. […] Il s’attacha bientôt à la charmante élève dont il voyait croître l’intelligence et la beauté, et qui témoignait de jour en jour plus d’affection à son maître. […] Dans ce poème de Cadenus et Vanessa, plein de tristes beautés, où il exhorte Vanessa à une sorte d’amour platonique, lui offrant, dit-il, « un perpétuel délice d’esprit, appuyé sur la vertu, plus durable que les séductions de l’amour, et qui échauffe sans brûler » ; dans ce poème où l’on a pu voir un aveu d’intimité à travers ce passage équivoque : « Mais quel succès Vanessa a-t-elle remporté ? […] Mais l’île des Houyhnhnms est l’abîme où l’humanité s’engloutit tout entière ; les arts, les lois, les mœurs, la religion, la raison même, tout succombe ; la beauté s’avilit, l’amour fait horreur, et après cette universelle dégradation de tout ce qui peut occuper, charmer, élever l’homme sur la terre, on n’est plus surpris de voir le voyageur qui est rejeté parmi le genre humain, au sortir d’une telle épreuve, se voiler la face et refuser de voir des hommes.

1431. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

Ce n’est plus, en effet, l’immarcescible Beauté seulement préposée aux joies terrestres, aux excitations artistiques et sensuelles telle que la salacité plastique de la Grèce la comprit ; c’est l’incarnation de l’Esprit du Mal, l’effigie de l’omnipotente Luxure, l’image de l’irrésistible et magnifique Satanesse qui braque, sans cesse aux aguets des âmes chrétiennes, ses délicieuses et maléfiques armes. […] Il y a, dans les Maîtres Chanteurs, une douzaine de mélodies caractéristiques qui sont comme l’effigie musicale des personnages de la comédie, il en résulte que chaque fois qu’il est question, dans la pièce, du ténor, ou de la jeune fille, ou du baryton, etc., qu’ils soient en scène, qu’ils parlent ou que seulement on parle d’eux, l’orchestre joue la mélodie qui lui est propre… L’action est simple, presque enfantine ; ce n’est en quelque sorte qu’un prétexte à mélodies… Le quatrième tableau est d’une beauté exceptionnelle, tout à fait à l’emporte pièce… Le Figaro (même signature) constate dans les numéros suivants, avec des félicitations, le succès des Maîtres Chanteurs. […] Appréciation d’un journaliste parisien vivement touché des grandes beautés du drame wagnérien ; intéressant compte-rendu de la soirée. […] Appréciation, souvent judicieuse, d’un amateur, qui a compris quelques-unes des beautés du drame.

1432. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Une femme âgée d’environ quatre-vingts ans, dont la figure conservait des traces de noblesse et de beauté pâlies par la souffrance, vous indiquait du geste la porte de la chambre adjacente, d’où l’on communiquait par l’intérieur avec sa chambre à elle. […] La beauté même des vers qui les contiennent ne les préserve pas toujours de l’évaporation. […] Si Béranger avait eu à parler à l’imagination enthousiaste et poétique des Grecs du Péloponèse ou de l’Archipel, il aurait composé quelques-uns de ces chants de klephtes, de matelots ou de pasteurs, qui célèbrent des brigandages héroïques, des pirateries féroces, des martyres fanatiques, des amours naïfs et tragiques, tels que les Chants populaires de la Grèce moderne, renaissance d’Homère et de Théocrite, en contiennent par milliers aujourd’hui ; poèmes épiques et naïfs en miniature, qui attestent, même sous la grotte du brigand, sous la tente du berger, sous la voile du corsaire, la fécondité et la beauté de l’imagination indélébile du peuple homérique. […] Cette jeune fille, d’une taille élevée, d’une souplesse énergique d’avant-bras, d’une physionomie noble et douce, d’un regard de reine tempéré par une délicate réserve, montrait encore à quatre-vingts ans les traces d’une beauté qui avait dû éblouir les élèves du maître d’armes.

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