De même s’il avait un peu de romanesque dans l’humeur, il le devait sans doute à son père, à qui sa belle mine et ses airs de héros de roman avaient valu dans la société le surnom d’Orondate. […] Prince de Scythie, incomparablement beau et valeureux, fidèle à sa princesse Statira et rival auprès d’elle ou même successeur d’Alexandre, il offre l’image d’un vrai chevalier et l’idéal d’un parfait galant. […] Belle parole et noble désir en effet ! […] Pour le poète tendre, quel songe plus doux que de rencontrer à la lisière d’un bois La Fontaine égaré, au moment où il a trouvé de beaux vers ? […] Les grands hommes, les beaux caractères, tels que Bouflers, Catinat, sont modestes (ce qui n’est pas un mal), mais d’une grande circonspection, et semblent quelquefois fléchir ou du moins s’arrêter sous le poids de la responsabilité.
Ce père de Marolles, le plus beau gendarme qui se pût voir, s’étonnait, bien des années après, de mourir dans son lit ; il en était presque humilié : « Comment, disait-il, ce n’est pas les armes à la main qu’il faut quitter la lumière ! […] C’est ainsi que ses goûts divers se dessinaient déjà : littérature facile et belles images. […] La belle raillerie s’y mêlait avec le doux et le sérieux ; et la médisance et toute autre sorte de licence en étaient bannis. […] Il n’avait pourvu d’abord qu’au plus pressé et à ce qui lui avait paru le plus directement de sa convenance, aux soins des bâtiments, aux réparations, au logement de la belle bibliothèque pour laquelle il fit bâtir un local tout exprès, orné de portraits peints des plus doctes personnages. […] Cet événement, on peut le dire, fait époque dans son existence et la partage en deux moitiés : jusque-là, il avait été du monde, de la Cour, des belles sociétés, s’y accordant bien des distractions permises, et non sans une pointe légère d’ambition : à partir de là (1645), il fit une demi-retraite et s’adonna tout à l’étude, à ses traductions des auteurs, à sa collection d’images, deux passions rivales qu’il mena de front jusqu’au bout ; il vécut beaucoup dans son cabinet, soit à son abbaye de Villeloin, soit à Paris (quand il y était), dans son faubourg Saint-Germain, ayant quitté l’hôtel de Nevers, mais logeant toujours près des Quatre-Nations.
Ce n’est point un improvisateur perpétuel comme Voltaire, ni un coquet sérieux, un limeur et un polisseur de tous les instants, comme Rousseau : il ne prend aucune peine quand il écrit à ses amis, et l’on s’en aperçoit, bien que son style garde du bel air et de l’épigramme. […] Ne lui demandez pas, quand il prend la plume pour écrire une lettre, de songer à vous plaire, à vous égayer, à faire qu’on dise dans le monde autour de soi : « Il m’a écrit une belle ou une jolie lettre. » Buffon ignore le joli ; il a l’ambition et l’art de dire les grandes choses ; il n’a ni l’art ni le souci de dire les petites. […] Il a paru croire que Buffon ne leur avait pas fait toujours cette part assez belle devant le public, et qu’il y avait lieu, à leur égard, à quelque réparation. […] Prenez garde de trop admirer les oiseaux chez Buffon ; n’allez pas vous écrier que le grand peintre n’a rien écrit de plus beau : ô la plaisante méprise ! […] Les mœurs privées, sur l’article des femmes, ne paraissent pas avoir été le beau côté de Buffon.
Bonstetten, en son premier temps, aux belles années du xvie siècle, avait eu, il est vrai, une jeunesse fervente, enthousiaste, engouée, selon la forme d’idées et de sentiments qui régnaient alors, avec des teintes de Jean-Jacques et des reflets de Werther ; mais cela lui avait passé : il s’était rassis ; il était devenu vieux ; vers l’âge de trente-cinq à quarante ans, il était redevenu Bernois ou avait tâché de le redevenir, de se faire un homme sérieux, un homme politique, un bailli, un syndic ou syndicateur (comme ils disent), un aspirant au conseil souverain de son canton ; il s’acclimatait petit à petit à l’ennui ; en un mot, à l’exemple du commun des hommes, il était en train de vieillir, et il y réussissait par le cours naturel des ans et des choses, quand les événements qui, à la suite du grand mouvement de 89, bouleversèrent son pays, vinrent le secouer lui-même et le déranger, le déconcerter et l’affliger d’abord ; mais bientôt il se remit, il voyagea, il trouva des oasis et des asiles, des cercles heureux où l’amitié lui vint rendre la joie, l’espérance et l’harmonie de sentiments à laquelle il aspirait par sa nature : et c’est alors qu’il rajeunit tout de bon. […] Il n’y a de vieilli en moi que les vices et les passions, et leurs organes : mon âme est dans sa vigueur et se réjouit de ce qu’elle a peu à faire avec le corps ; elle a déposé une grande partie de son fardeau ; elle se sent légère, et me fait mainte chicane sur la vieillesse ; à l’en croire, c’est sa belle saison à elle, c’est sa fleur… » Telles sont les spirituelles consolations d’un stoïcien qui essaye de se donner le change ; mais encore une fois, ce n’est point le cas de Bonstetten ; car il était alerte et dispos de corps comme d’esprit. […] J’estimerais peu un jeune homme qui resterait insensible aux grandes idées, aux beaux fantômes qui traversent l’air et planent sur les têtes de vingt ans, aux saisons fécondes. […] Il est optimiste, sans doute, en parlant ainsi ; il juge des autres d’après lui-même ; mais cela reste vrai des belles âmes, des belles natures morales comme des beaux corps, et le divin aveugle l’a dit : Qu’aimable est la vertu que la grâce environne ! […] De beaux couvents à longs et silencieux corridors, des solitaires en robe noire, de jeunes seigneurs travestis en moines à bonnets carrés, partout des souvenirs de moines à côté de la gloire de Newton.
Mais vraiment, poussé à ce point pour un vœu assurément bien innocent qui m’est échappé, je serais tenté de répondre : En vérité, Tocqueville a d’étranges amis politiques ; ils ont l’air de l’aimer mieux mort que vivant, parce que c’est un beau thème pour eux et un saint de plus. […] il y excelle, à la belle littérature, et il y semble presque indifférent. […] J’ai à traverser une introduction et toutes sortes de préambules et de dissertations de publiciste libéral-constitutionnel, avant d’arriver à ce que j’y cherche de préférence, à cette belle étude de Lamennais, à ce morceau sur M. […] d’exhaler de temps en temps ses idées, et ses vues dans de belles harangues de tribune ; car je le suppose aussi distingué comme orateur qu’il l’était comme professeur. […] Il a dans ce dernier genre de très jolis morceaux que je me reprocherais de ne pas indiquer, sur l’Enfer, sur l’autre vie ; un charmant et bel article sur Spinosa.
Dans ce pays de l’Est et aux abords du Jura, ce n’est nullement la même question et le même état de choses que dans le Midi ; il n’y a pas eu le même passé, des antécédents semblables, une belle langue romane autrefois régnante, entendue et applaudie depuis le Rhône jusqu’aux Pyrénées. […] Il déteste peut-être un peu trop l’Anglais (le Saxon) comme au temps du combat des Trente ; il paraît trop persuadé que son pays est, à tous égards, le premier du monde, sa langue, la plus belle de toutes : en prose, cela s’appellerait des préjugés et des entêtements ; c’est bon à chanter, non à dire. […] Sur la branche un petit oiseau dit alors, par son chant : « Ne troublez pas l’eau, ô jeune fille, de cette façon, avec vos deux petits pieds ; Car je ne pourrai plus y voir mon image, ni davantage les étoiles du ciel : écoutez la prière d’un petit oiseau, ne troublez pas l’eau, la belle enfant ! […] Non pas pour être alors vainqueur De l’amour que j’ai, car mon cœur La verra toujours jeune et belle ; Mais pour que son doux entretien Me gardât vieux longtemps près d’elle, Et sans que le monde en dît rien. […] Qu’on en juge par ces quatre vers d’un sonnet ; je prends l’échantillon presque au hasard : Quand nous nous adorions, oubliant maux et tombes ; Au temps où nous disions : Comme nos jours sont beaux !
Racine est très-beau… La réponse du directeur de l’Académie au compliment de M. de Valincour est belle aussi. […] Je ne fus pas si lent touchant le beau fruit de sa force, son admirable Epître sur l’Amour de Dieu. […] Ce qui l’a ému était beau à pardonner, et est laid à relever. » Nous ferons comme M. […] Autrefois, durant la période littéraire régulière, dite classique, on estimait le meilleur poëte celui qui avait composé l’œuvre la plus parfaite, le plus beau poëme, le plus clair, le plus agréable à lire, le plus accompli de tout point, l’Énéide, la Jérusalem, une belle tragédie. […] Leur tous-les-jours était assez ordinaire. — Non, il ne l’était pas autant qu’on le croirait, et cette simplicité, cette vertu, cette prud’homie touchante de Racine, couronnée d’une belle et douce mort, est-ce donc chose si ordinaire ?
Dumas, a pu exciter l’enthousiasme de Victorin Fabre, généreux émule, qui y voyait l’un des beaux morceaux de la langue. […] Ce petit trait rappelle de loin la belle carpe que Racine, en réponse à une invitation de M. le Duc, montrait à l’écuyer du prince, et qu’il tenait absolument à manger en famille avec ses pauvres enfants, le grand Racine qu’il était. […] Comme il a manqué, par exemple, ce beau sujet d’Eschyle désertant Athènes qui lui préfère un rival ! […] C’était le temps de la mode d’Ossian et d’un Charlemagne enjolivé, le temps de la fausse Gaule poétique bien avant Thierry, des Scandinaves bien avant les cours d’Ampère, de la ballade avant Victor Hugo ; c’était le style de 1813 ou de la reine Hortense, le beau Dunois de M. […] quel plus beau mouvement, quel plus désolé délire que dans l’étincelante élégie : J’ai cherché dans l’absence un remède à mes maux !
On a regretté parfois les erreurs de Ronsard dans la conception et l’exécution de sa Franciade : on a pensé que s’il les avait évitées, il eût pu faire une belle œuvre, et l’on allègue des fragments épiques, tels que le Discours de l’équité des vieux Gaulois. […] On ne peut dire que l’immense effort des odes pindariques ait été du tout perdu pour Ronsard : cette rude gymnastique le fit maître de ses rythmes ; il n’eut qu’à mettre de côté l’antistrophe et l’épode, pour avoir à sa disposition une belle forme lyrique. […] Il a essayé d’attraper cette forme-là, belle et parfaite. […] Le pétrarquisme fleurit de plus belle ; l’Arioste fut le Virgile et l’Homère des poètes et des courtisans du dernier Valois. […] Belleau et celui de la pièce fameuse de Victor Hugo : Sarah, belle d’indolence.