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570. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Les Grecs tant vantés n’étaient qu’une belle race qui offrait à ses artistes en tout genre de plus heureux modèles. […] une organisation souverainement fine et harmonieuse en présence d’une belle réalité qu’il savait mettre dans son plus beau jour. […] Il faut mettre à côté un portrait, également équestre, de Charles X, qui est presque aussi beau. […] En un mot, son improvisation, comme toutes les belles et bonnes improvisations, était très-méditée. […] Tu vas me dire : Voilà de belles paroles J’espère ne pas m’en tenir là ; d’ailleurs quand l’idée vous en vient naturellement, il y a déjà la moitié du chemin de fait. » Horace était alors dans sa trente et unième année.

571. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Un très beau travail biographique et historique de M.  […] Il n’est femme si belle, pense-t-il, qui ne soit indifférente à l’homme au bout d’un an de possession, ni laideur modérée qui ne se rende tolérable aussi avec le temps : l’essentiel, selon lui, est dans les mœurs, dans leur pureté comme dans leur douceur. […] Pasquier estimait que, quelques bonnes ordonnances qu’on y pût faire, ce n’étaient que belles tapisseries qui servaient seulement de parade a une postérité, mais que le fin du jeu était d’induire les roturiers, en les flattant, à une promesse d’impôt qu’on exigeait ensuite d’eux à toute rigueur. […] Pasquier, dans sa mesure, imita ces beaux exemples de vertueuse et féale liberté. […] Théorie incomplète si l’on veut, inconséquente, et qui ne saurait résister à l’exactitude du raisonnement, mais qui se recouvre de grandeur et de religion dans l’histoire, puisqu’elle a pour elle tant de beaux noms, depuis le premier président de La Vacquerie jusqu’à M. de Malesherbes.

572. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Au sommet de l’art et de l’intelligence, Michel-Ange, ce tortionnaire du Beau, ce glorieux damné de l’Idéal, est un précieux immense. […] Xavier Aubryet, je l’ai dit souvent déjà, a pour qualités premières l’aperçu et l’expression, — ces deux gonds d’or sur lesquels tournent les plus belles pages de ceux qui savent écrire. […] Beaux défauts, s’il y en avait de beaux ! […] … Il y eut, au commencement de ce siècle, une jeune fille, peut-être moins phénoménale, qui avait sur l’azur de deux beaux yeux bleus le nom de Napoléon Empereur, écrit en lettres d’or, le jour, et, le soir, en lettres de feu. C’est Henri de Latouche, l’auteur de Fragoletta, qui nous a raconté dans ses œuvres l’histoire de ces yeux étonnants, et cette histoire est belle comme un poème, — un poème au fond duquel il y a des larmes… Latouche dit qu’elle était très triste, cette jeune fille qui répondait : Napoléon Empereur à tous les sentiments de la vie !

573. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

L’un dira : — Quand j’ai quitté Paris, voilà deux jours, il faisait plus beau qu’ici. […] « Pour des vers faits dans la province, ces vers-là sont fort beaux », disait Molière, que Gresset devait copier outrageusement, en composant ce vers facile et célèbre : Elle a d’assez beaux yeux pour des yeux de province. […] Elle fait la belle fermière dans ses lettres, elle jure qu’elle se plaît au milieu de ses gens et de ses moutons ; mais c’est comme le prisonnier qui s’intéresse au travail d’une araignée et qui le décrit faute de mieux. […] Parbleu, il faisait des fautes de grammaire, il avait le verbe haut et la prononciation de son village ; il disait aux beaux seigneurs et aux belles dames de Paris : « Je vous saluons, j’étions dans nout jardrin, je pansions nos bêtes » ; peut-être même lui arrivait-il de leur dire, en langue verte, qu’il était le maître chez lui. […] Toutes les belles images des gares et des murs ne correspondent guère à la vérité, mais elles indiquent un état de l’opinion et surtout de l’opinion parisienne, qui se passionne aujourd’hui pour la garde-robe de nos aïeux.

574. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

Non, mes astres sont deux beaux yeux     Qu’anime un feu sincère, etc. […] Ces Gangarides, qui habitaient un si beau climat et à qui la nature prodiguait tous les biens, devaient, ce me semble, avoir plus de loisir pour contempler les astres que n’en avaient les Tartares-Kalcas et les Tartares-Usbecks… Il ne nous est jamais venu de la Scythie européenne et asiatique que des tigres qui ont mangé nos agneaux. […] Bailly a beau faire, on ne peut se détacher de l’esprit de son tempsk : il rêve et place un xviiie  siècle idéal à l’origine des choses, il en fait sa mesure de jugement, et là où il ne le retrouve plus, il dit qu’il y a eu décadence. […] La maison qu’on a habitée était si belle, les hommes si bons, les amis si sûrs, les femmes si sincères et si touchantes ! […] Bailly a beau faire, il ne peut se détacher de l’idée de son temps :

575. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Le tableau des Moissonneurs en particulier, qui excita l’admiration au Salon de 1831, reste sa page la plus belle au gré des connaisseurs. […] Sur le char même, à côté du père de famille, un jeune homme se dispose à déployer les toiles, et une belle jeune femme, tenant sur son sein un enfant à la mamelle, s’élève dominant la scène comme une apparition majestueuse qui préside aux moissons. […] Ce serait le repos à la fin d’une belle journée d’automne. […] C’est autre chose que mes brigands de Sonnino, et je suis sûr qu’en restant dans le pays, on ferait les choses avec bien plus de caractère, bien plus larges, d’un plus beau style, plus original en tout, plus riche de couleurs. […] Il prétend toutefois n’y pas mettre précisément du sien : il veut arriver au beau, et il le veut non en l’inventant, mais en le retrouvant avec effort, en le déchiffrant pour ainsi direu, sous les altérations et les ombres qui le défigurent et le recouvrent dans la réalité : Pour trouver le beau d’une chose, ne faut-il pas la voir, la retourner sous toutes ses faces ?

576. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Dorat leur avait rendu le même service qu’au drame et avait pris avec elles les mêmes libertés ; il avait corrigé, arrangé le tout au goût de Paris et du beau sexe ; et dès la première pièce ou dédicace en prose, là où on lisait dans l’original : « Sophie, c’est loin de vous, c’est dans un autre climat que tristement assis à l’ombre des mélèzes, je me rappelle tant de vœux rejetés, tant d’espérances déçues » ; Dorât avait substitué les platanes aux mélèzes. […] quand le jeune Ramond chante ainsi, il semble préluder, quarante ans auparavant, à ces beaux vers qui ouvrent les Méditations : Que ne puis-je porté sur le char de l’Aurore , etc. […] On peut dire que pendant l’été il n’y a point de nuit pour ces sommets ; du fond de la plaine, on les voit teints de pourpre longtemps après le coucher du soleil, quand les vallées sont déjà ensevelies dans les ténèbres ; et longtemps avant l’aurore, ils en annoncent le retour, par une belle couleur rose admirablement nuancée sur les glaces d’argent et d’azur qui couronnent leurs cimes. […] Sa figure n’est pas régulière, mais elle semble cacher quelque chose de plus grand et de plus beau ; on voit son âme à travers le voile. Son regard est d’une vivacité et d’une franchise qui inspirent à la fois la crainte et la confiance… On a beau critiquer son système et son ouvrage, les doutes cessent quand on l’entend, et l’on ne peut être son ami sans devenir son disciple.

577. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

Théocrite venu tard, et le dernier des beaux noms de poètes, a cultivé et développé à part, avec Bion et Moschus, cette branche oisive, jusque là un peu éparse et flottante, à laquelle il a eu l’art, en la travaillant, de laisser pourtant toute sa saveur agreste et naturelle. […] Les pauvres gens qui les ont trouvés les élèvent comme s’ils étaient à eux, et quand ils sont en âge, on les envoie aux champs, dans les beaux jours, pour faire paître, le jeune garçon les chèvres, la jeune fille les brebis. […] C’est l’ingénuité toute pure de deux jeunes êtres élevés ensemble au sein d’une belle et riche nature rustique, et sans que rien les avertisse d’un danger. […] L’amour vient à Chloé d’avoir vu Daphnis au bain, un jour qu’étant tombé dans une fosse à loup, il a dû, au sortir de là, se laver et montrer, sans y songer, son beau corps. […] Il y en a quelque trace dans son chef-d’œuvre ; mais aussi, pour être juste envers lui, envers cet aimable bienfaiteur de nos belles années, n’allons pas surfaire l’ancien roman : ni le surfaire, ni le sacrifier, c’est la justice.

578. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

En face des tapageurs de Murger, il y a le Marius peint par Hugo dans les Misérables, avec une vérité autrement humaine, il y a Berlioz portant son pain dans la rue avec la sérénité d’un sage, il y a Wagner logeant dans le quartier des Halles et faisant sa partie dans des orchestres de cafés-concerts en méditant Lohengrin, il y a la belle, la silencieuse, la grave et pure misère des beaux créateurs d’art. […] Nous avons connu maint garçon que des biens au soleil, de bonnes rentes, la chasse et la vendange attendaient en quelque belle province, et qui s’entêtait jusqu’à l’âge des cheveux gris dans les brasseries où l’on clame des vers, qui se ruinait l’estomac, s’acoquinait à des filles stupides et collectionnait les dégoûts de tous les hôtels garnis, uniquement appâté par cette vanité étrange et hors nature. […] Péladan, parce que tous ces hommes ont montré de belles œuvres : mais ils sont bien loin de nous. […] Y a-t-il eu un personnage de plus haute allure officielle que Puvis de Chavannes, ou un homme plus foncièrement simple, de la belle simplicité d’âme, que le pauvre et grand Ernest Chausson ? […] Il aiderait énormément au rôle des compagnes d’artistes et les éclairerait même sur certaines nécessités de leur belle et lourde mission qu’elles n’ont pas encore su toutes comprendre.

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