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1090. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Ch. Bataille et M. E. Rasetti » pp. 281-294

L’auteur, qui a sa fierté après tout, a beau se mettre de la famille de Noé vis-à-vis des animaux de l’arche, purs ou impurs, il est englobé, à tout instant, par eux. […] Cette Clémentine, qu’il dit si belle, il la peint fort mal. […] Il ne l’a point été et il l’a sacrifiée à sa jeune sœur Rosette, belle nature de femme entretenue, la mademoiselle Bovary du livre, pour laquelle le docteur Quérard se prend d’un amour qu’il faut bien appeler incestueux. […] Bataille et Rasetti auraient beau rire, comme tous les diables, de ce danger, moi, j’y croirais ! […] Certes, le premier venu peut planter dans sa maison un beau jeune homme qui lui vole sa femme sous ses yeux.

1091. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

Ces belles contrées entre le Danube et la côte d’Asie seront laissées aux races chrétiennes ; Sainte-Sophie sera redevenue chrétienne ; cette ville de Constantinople, cette entrée orientale de l’Europe lâchement livrée aux Turcs il y a quatre siècles, conquise de leurs mains par droit de massacre, restée désormais sous leur joug par droit de stupidité, d’après ce titre d’être la nation la plus propre à posséder inutilement un grand empire, sera rendue à la fédération chrétienne d’Europe. […] Candie, cette terre admirable par le commerce et les arts, cette compensation dans un partage inévitable, ne peut rester barbare ; et ces changements qui s’apprêtent, ces révolutions suspendues sur l’orient de l’Europe, conduiront à la plus grande œuvre que puisse se proposer l’esprit moderne, à la renaissance de ces belles contrées, de ces riches cultures, qui, du golfe de Clazomène au mont Olympe d’Asie, et des sept villes de l’Apôtre aux murs d’Antioche et de Nicomédie, formaient, sous le nom de province d’Asie, un si fertile empire. […] Il y aurait là pour nous, à volonté, avec les produits de nos plus belles contrées méridionales, toutes les richesses des tropiques. […] Mais, dans le génie comme dans la foi, il y a toujours des élus de Dieu : et tant que l’enthousiasme du beau moral ne sera pas banni de tous les cœurs, tant qu’il aura pour soutiens toutes les passions honnêtes de l’âme, il suscitera par moments l’éclair de la pensée poétique ; il éveillera ce qu’avaient senti les prophètes hébreux aux jours de l’oppression ou de la délivrance, ce que sentait ce roi de Sparte, lorsqu’à la veille d’une mort cherchée pour la patrie, il offrait, la tête couronnée de fleurs, un sacrifice aux Muses. […] Voir cette considération dans le bel ouvrage de M. de Tocqueville : De la Démocratie en Amérique.

1092. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Mon compagnon, qui déjà plusieurs fois avait passé dessus, s’offrit à parier qu’il me conduirait jusqu’au beau milieu, sans même que je me fusse douté de son existence. […] » Là, au beau milieu du champ de cannes, je trouvai un camp régulier. […] C’est ainsi que les prétendants témoignent à leur belle le désir de lui plaire et de l’amuser. Point de jalousie entre ces beaux, qui se disputent paisiblement et sans haine le prix des jeux, la compagne qui doit appartenir au vainqueur. […] Aussitôt tous les prétendants de s’envoler et de courir après une autre belle.

1093. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

et contre l’évidence, un ami littéraire dans ses belles Lettres à un homme tombé (il aurait mieux fait peut-être de dire à un homme sorti). […] L’échelle de Jacob était un beau rêve aussi, mais on n’y montait qu’endormi ; et de plus, à l’échelle de Jacob, il manquait malheureusement un échelon : c’est celui qui montait du fini à l’infini. […] Ne porte point envie à des destins plus beaux ! […] aurais-je pu lui rouvrir inoffensivement pour les autres puissances, et plus légitimement pour elle-même, une plus belle perspective de renaissance nationale, politique et littéraire ? […] Ce prince, exilé à Rome par les révolutions de son pays, avait épousé tard la jeune et belle comtesse de Stolberg, fille d’une illustre maison princière de la Belgique allemande.

1094. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Il pose sur sa hanche sa belle main aux doigts intelligents. […] D’un vieux Beau. […] Que nous voilà loin de la chouannerie, de lord Byron et du beau Brummel ! […] Tous ceux qui approchèrent Gautier s’accordent à le reconnaître, il n’eut ici-bas aucune ambition, sinon d’écrire de beaux vers et de la belle prose, selon sa doctrine. […] Quel frisson à faire courir sur toutes les pages d’un beau livre !

1095. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Cependant, jeune, à la cour de Charles IX, et ensuite auprès de Henri III, pendant la captivité du roi de Navarre, d’Aubigné était compté au premier rang des beaux esprits galants et à la mode ; il composait pour les divertissements de cour des ballets, mascarades ou opéras ; il avait mille ingénieuses inventions ; il était de cette Académie royale de Charles IX et de son successeur, qui, dans ses beaux jours, s’assemblait au Louvre, dont plusieurs dames faisaient partie, et où l’on traitait des questions platoniques et subtiles. […] Sayous) nous fait voir Henri III juge délicat des choses de l’esprit : Henri III savait bien dire quand on blâmait les écrits qui venaient de la cour de Navarre de n’être pas assez coulants : « Et moi, disait-il, je suis las de tant de vers qui ne disent rien en belles et beaucoup de paroles ; ils sont si coulants que le goût en est tout aussitôt écoulé : les autres me laissent la tête pleine de pensées excellentes, d’images et d’emblèmes, desquels ont prévalu les anciens. […] Il semble même accorder volontiers à ceux de ses lecteurs qui ne se plaisent point à un endroit du livre de courir à un autre, et de jouer du pouce comme il dit ; tout cela est vrai, et cependant si l’on chemine avec lui et si l’on s’attache à sa suite, on est dédommagé, on a mieux que des faits originaux et singuliers, on rencontre de belles, d’admirables scènes. […] Un de ses plus beaux discours est celui qu’il adresse au roi de Navarre captif à Paris, en 1575, pour l’exhorter à la fuite, à se dérober aux mollesses et aux dangers dont il est environné, et à reprendre son rang dans le parti, à la tête de ses affectionnés serviteurs. […] … Tout ceci est plein de réminiscences latines, et d’une langue de renaissance encore plus que gauloise : elle n’en est pas moins belle et originale de combinaison et de mélange.

1096. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

. — Despréaux prit sa place à l’Académie, et lit une fort belle harangue. » Dans un voyage de la Cour, de Chambord à Fontainebleau (octobre 1684), le roi fait en plus d’une étape le trajet de l’une à l’autre résidence : le 12 il couche à Notre-Dame-de-Cléry, le 13 à Pluviers : « Le samedi 14, il arriva à Fontainebleau à sept heures du soir. — On apprit à Chambord la mort du bonhomme Corneille, fameux par ses comédies ; il laisse une place vacante dans l’Académie. » Le bonhomme Corneille ou le grand Corneille, cela revient au même ; Dangeau avait été du jeune monde, et, comme nous dirions, de la jeune école. […] Racine directeur fit un fort beau discours pour cette séance solennelle où furent reçus Thomas Corneille et M.  […] Cette harangue fut prononcée le 2 janvier 1685 ; et le vendredi 5, à Versailles, on lit dans le journal de Dangeau : Le roi ne fit point les Rois, il soupa en famille à l’ordinaire ; mais, après souper, il fit porter un gâteau chez Mme de Montespan. — Le matin il se fit réciter par Racine la harangue qu’il avait faite à l’Académie le jour de la réception de Bergeret et du jeune Corneille, et les courtisans trouvèrent la harangue aussi belle qu’elle avait été trouvée belle à l’Académie. […] Elle y trouva d’abord des étoiles magnifiques, et puis un coffre nouveau dans lequel il y avait force rubans, et puis un autre coffre avec de fort belles cornettes, et enfin, après avoir trouvé sept ou huit coffres ou paniers différents, et tous plus jolis les uns que les autres, elle ouvrit le dernier qui était un coffre de pierreries fort joli, et dedans il y avait un bracelet de perles, et, dans un secret, au milieu du coffre, un coulant de diamants et une croix de diamants magnifique. […] Le roi fait fondre résolument son argenterie : Samedi, 3 décembre 1689. — Le roi veut que dans tout son royaume on fasse fondre et porter à la Monnaie toute l’argenterie qui servait dans les chambres, comme miroirs, chenets, girandoles, et toutes sortes de vases ; et pour en donner l’exemple, il fait fondre toute sa belle argenterie, malgré la richesse du travail, fait fondre même les filigranes ; les toilettes de toutes les dames seront fondues aussi, sans en excepter celle de Mme la Dauphine.

1097. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Je plains la plus belle et glorieuse entreprise dont on ait jamais ouï parler… occasion que je ne verrai jamais, pour le moins sous un si grand capitaine, ni avec tant de désir d’y servir et d’y apprendre mon métier… N’est-ce pas à moi un assez grand sujet de plaindre la seule occasion qui m’était jamais arrivée de témoigner à mon roi (mais, ô Dieu, à quel roi !) […] Enfin, avec des qualités d’un ordre supérieur qu’il aura eu sans cesse à exercer et à combiner, à tenir en échec les unes par les autres, il ne trouvera jamais cette occasion pleine et entière qu’il avait une fois espérée, l’une de ces journées de gloire éclatante et incontestable qui consacrent un nom ; et même après ses plus belles campagnes, par quelque accident final qui en rompt l’effet, il aura toujours besoin d’éclaircissement et d’apologie. […] » Car, de même, continue Plutarque, que la poésie d’Antimaque et les peintures de Denys, ces deux enfants de Colophon, avec tout le nerf et la vigueur qu’elles possèdent, donnent l’idée de quelque chose de forcé et de peiné, tandis qu’aux tableaux de Nicomaque et aux vers d’Homère, sans parler des autres mérites de puissance et de grâce, il y a, en outre, je ne sais quel air d’avoir été faits aisément et coulamment : c’est ainsi qu’auprès de la carrière militaire d’Épaminondas et celle d’Agésilas, qui furent pleines de labeur et de luttes ardues, celle de Timoléon, si on la met en regard, ayant, indépendamment du beau, bien du facile, paraît à ceux qui en jugent sainement l’œuvre non pas de la fortune, mais de la vertu heureuse. […] : Je vous ai écrit d’un voyage que doit faire M. de Rohan ; certes c’est une belle occasion, et eusse fort désiré en avoir votre avis, estimant qu’il serait fort à propos que notre aîné l’eût fait, mais je n’ai garde de le lui faire entreprendre que je ne sache votre volonté. […] [NdA] Il y a cependant la fameuse bévue : voulant faire honneur à une villa qu’on lui dit avoir appartenu à Cicéron, il ajoute que l’illustre Romain y composa ses belles œuvres, « entre lesquelles sont renommées les Pandectes. » Rohan avait prie cette note sur la foi d’un cicerone peu cicéronien.

1098. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

Il y a un bien beau jour pour Yonville-l’Abbaye, c’est celui où s’y tiennent les comices agricoles de la Seine-Inférieure. […] Un beau monsieur du voisinage, une manière de gentillâtre, M.  […] Rodolphe, un homme de trente-quatre ans, grossier mais frotté d’élégance, grand chasseur du sexe, et dont l’esprit est tourné de ce côté, s’est dit que Mme Bovary avait de bien beaux yeux et lui conviendrait fort. […] Ce double rêve côte à côte et à perte de vue, du père abusé qui ne songe qu’à de pures douceurs et joies domestiques, et de la belle et forcenée adultère qui veut tout briser, est d’un artiste qui, quand il tient un motif, lui fait rendre tout son effet. […] Vous avez beau faire, dans vos personnages même si vrais vous rassemblez un peu comme avec la main et vous rapprochez avec art les ridicules, les travers ; pourquoi aussi ne pas rassembler le bien sur une tête au moins, sur un front charmant ou vénéré ?

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