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1166. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

À Liverpool, il y a cinq mille navires rangés le long de la Mersey et qui s’étouffent ; d’autres attendent pour entrer ; les docks ont six milles d’étendue, et les entrepôts de coton qui les bordent allongent à perte de vue leur énorme rempart rougeâtre. […] Il y en a dans le mariage, où l’homme règne incontesté, suivi par sa femme jusqu’au bout du monde, fidèlement attendu le soir, libre dans ses affaires qu’il ne communique pas. […] Ils n’ont pas l’air de s’ennuyer ; ils savent heurter argument contre argument, patienter, réclamer gravement, recommencer leur réclamation ; ce sont les mêmes gens qui attendent le train au bord de la voie ferrée, sans se faire écraser, et qui jouent au cricket deux heures durant sans élever la voix ni se disputer une minute.

1167. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

Tardo non furon mai grazie divine  ; « Les grâces du ciel ne se font jamais attendre. » « Je parle ainsi parce qu’il me semblait avoir non pas perdu, mais égaré vos bonnes grâces, car vous avez tant tardé à m’écrire que je ne pouvais interpréter la cause de ce silence… J’ai craint qu’on ne vous eût prévenu contre moi en vous disant que j’étais un mauvais économe… J’ai été tout réconforté par votre dernière lettre du 23 du mois passé ; j’y ai vu avec bien du plaisir que vous ne vous occupiez plus qu’à votre aise des affaires d’État. Continuez à prendre ce parti, car quiconque s’incommode trop pour les autres se sacrifie soi-même sans qu’on lui en sache le moindre gré ; et puisque absolument la fortune veut diriger toutes nos actions, il faut la laisser faire à sa guise, ne la déranger en rien, et attendre qu’elle permette aux hommes d’agir à leur tour. […] C’est le meilleur parti qu’elle puisse prendre, car elle vivra plus aisément sans moi, qui lui suis à charge, attendu que j’ai été accoutumé toute ma vie à l’aisance, et que je ne puis m’astreindre aussi rigoureusement qu’il le faudrait à la parcimonie nécessaire. » XI N’est-ce pas un jeu bien ironique du destin que de voir le premier homme d’État et le premier écrivain de l’univers aspirer, pour gagner son pain, à apprendre à lire aux enfants des paysans dans un village privé de maître d’école !

1168. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

« Donc ces deux êtres vivaient ainsi, très haut, avec toute l’invraisemblance qui est dans la nature ; ni au nadir, ni au zénith, entre l’homme et le séraphin, au-dessus de la fange, au-dessous de l’éther, dans le nuage ; à peine os et chair, âme et extase de la tête aux pieds ; déjà trop sublimés pour marcher à terre, encore trop chargés d’humanité pour disparaître dans le bleu, en suspension comme des atomes qui attendent le précipité ; en apparence hors du destin ; ignorant cette ornière, hier, aujourd’hui, demain ; émerveillés, pâmés, flottants ; par moments, assez allégés pour la fuite dans l’infini ; presque prêts à l’envolement éternel. […] Une voix l’appelle dans la nuit, c’est celle d’Éponine ; elle lui dit que ses amis l’attendent à la barricade. […] Il lui faut attendre une autre occasion pendant des années ou des siècles ; c’est à recommencer !

1169. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

Il la conjure de consentir à l’épouser sans attendre l’aveu de l’ermite, son père adoptif. […] Pouvait-on moins attendre d’un noble descendant de Pourou, d’un monarque aussi accompli ? […] Les compagnes de la jeune mère s’écrient : « Nous apercevons, flottant aux branches d’un grand arbre, un voile céleste, du lin le plus fin, imitant dans sa blancheur la lumière argentée de la lune, sûr présage du bonheur qui attend Sacountala. » Un autre arbuste distillait une laque admirable, destinée à teindre du plus beau rouge ses pieds délicats ; tandis que, de tous côtés, de petites mains charmantes, qui rivalisaient d’éclat avec les plus belles fleurs, se faisant jour à travers le feuillage, répandaient autour de nous ces joyaux de toute espèce, dignes de briller sur le front d’une reine.

1170. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Attendez-moi ici près de la porte de la ville, et faites la plus grande attention à votre prisonnier, jusqu’à ce qu’ayant pris à la cour les informations nécessaires, je revienne vous trouver. […] Chère Sacountala, je te ferai le récit de cette aventure ; mais attends que la blessure de mon cœur soit un peu fermée : cependant laisse-moi essuyer cette larme, reste de celles que t’a fait répandre ma fausse erreur ; cette larme qui dépare ta figure ravissante. […] Je n’ose pas non plus éteindre en moi cette étincelle de vie ; car l’enfer le plus profond, où ne brille jamais le soleil, attend le misérable qui porte sur lui une main homicide.

1171. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Et par là ils nous amèneront à ébranler aussi, tout au fond de nous, quelque chose qui attendait le moment de vibrer. — Ainsi, qu’il soit peinture, sculpture, poésie ou musique, l’art n’a d’autre objet que d’écarter les symboles pratiquement utiles, les généralités conventionnellement et socialement acceptées, enfin tout ce qui nous masque la réalité, pour nous mettre face à face avec la réalité même. […] Plus grande est l’œuvre et plus profonde la vérité entrevue, plus l’effet pourra s’en faire attendre, mais plus aussi cet effet tendra à devenir universel. […] Mais si l’illusion comique est une illusion de rêve, si la logique du comique est la logique des songes, on peut s’attendre à retrouver dans la logique du risible les diverses particularités de la logique du rêve.

1172. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Avec lui, on pouvait toujours s’attendre à de l’imprévu et, à cet égard, il n’était jamais décevant. […] Je m’attendais quand je l’ai salué à son aurore, qu’il disparût beaucoup plus tôt. […] Ils furent séparés par la politique, d’abord, et vous vous y attendiez. […] Je ne m’attendais pas à le trouver si jeune. » Autant de mensonges que l’on se fait. On s’attendait à tout autre chose.

1173. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

La comédie va les voir encore affecter des formes nouvelles et se constituer de nouveaux mélanges : comme ils ne savent quelles figures ils vont prendre, nous ne saurions laquelle leur donner : attendons pour les tracer que leurs transmutations soient plus lentes et moins confuses. […] Aussi l’affluence grossit-elle si fort autour de Gargantua qu’il se débarrasse de la foule en grimpant sur les tours de Notre-Dame, d’où raillant les citadins qui attendaient sa bienvenue, il les salit avec insulte, et veut leur voler leurs cloches pour les fondre à sa monnaie. […] On les reconnaîtra d’abord en ces hommes prenant des oiseaux pour guides ; et Pisthétérus, errant à l’aventure, une corneille sur le poing, représentera notre Alcibiade : son arrivée chez Térée, jadis homme, et métamorphosé en huppe, ses galanteries avec Philomèle, sa compagne, ne laisseront pas douter que ce soit lui qui vient chez le roi de Sparte offrir ses secours, et séduire la reine, sa femme, représentée en rossignol. — Sauf l’allusion, quel effet attendez-vous de cette mystérieuse mascarade ? […] Ses saillies imprévues atteignaient et contristaient parfois les assistants qui s’attendaient à rire, et l’emploi qu’elle faisait de l’allégorie est d’autant plus remarquable, qu’elle n’en usait pas pour voiler des vérités hardies et déguiser les personnes désignées, ou ne les montrer qu’à demi et de côté, mais au contraire pour en exagérer les expressions et les affubler de travestissements qui rendissent le ridicule extrême. […] Tout doux, attendez : ne vous rappelez-vous pas que le calcul des conditions de la tragédie s’élevait à vingt-six ?

1174. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Pour avoir une idée du succès qui l’attendait, il faut donc, comme disent les mathématiciens, multiplier son mérite intrinsèque par son opportunité. […] La révolution française ne le surprit donc pas ; il l’avait vue venir, il l’attendait. […] La perte de la nationalité, qui est la mort des peuples, vient la dernière, comme la peine capitale attend le crime au dernier degré de l’échelle pénale. […] — Dans une bonne voiture de place, qui m’attend à votre porte, et me ramènera ce soir à la mienne. — Quoi ! […] La misère, à la suite de cette vie épicurienne, était venue frapper à la porte de sa mansarde, et à la place de la gloire qu’il attendait, il avait vu venir la faim.

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