Gabriel Mourey décèle avant tout une originalité de premier aloi en ce livre que nous aurions aimé cependant un peu moins morbide, mais qui n’en reste pas moins comme la manifestation d’une âme inquiète d’artiste, cherchant même au-delà des concepts et des idées de notre si alambiquée civilisation.
C’est un électrique ce jeune maître, et je l’en loue ; son goût d’artiste est capable de s’émouvoir aux plus diverses beautés et va de l’antique au moderne, de Falguière à Verlaine, de Saint-Cloud à Chislehurst, et de la gloire à l’amour… [L’Hermine (1900).]
Les artistes sont tellement aux beautés techniques, qu’ils négligent toutes ces impertinences-là dans le jugement qu’ils portent d’une production.
» Je ne voudrais jamais que telle chose se pût dire de l’auteur, de l’artiste que l’on explique, même après des siècles, et que l’on commente. […] Aussi aimerais-je que, lorsqu’on écrit sur un auteur (et j’entends surtout parler d’un poète ou d’un artiste, d’un auteur de sentiment ou d’imagination), on se le figurât présent et écoutant ce que nous en disons. […] Depuis, la nature s’est adoucie ; elle arrondit et amollit les formes qu’elle façonne ; elle brode dans les vallées sa robe végétale, et découpe, en artiste industrieux, les feuillages délicats de ses plantes.
L’artiste en effet, le peintre qui préparait à tout hasard ses cartons, s’essayait en lui. […] Et en même temps, ce talent dont il s’obstinait à douter toujours se développait, s’enhardissait ; il l’appliquait enfin à des sujets composés, à des créations extérieures ; l’artiste proprement dit se manifestait en lui. […] Mais l’artiste, en présence de son temple idéal, ne fit que la statue du seuil ; il devait tomber dès les premiers pas.
Maurice de Guérin, dans les années où il a écrit les pages qui le recommandent à la mémoire comme artiste, les belles pages dont on se souviendra dans une histoire de l’art, — ou des tentatives de l’art au xixe siècle, — avait cessé de croire et de prier. […] Guérin, quand il conçut le Centaure, ne songeait pas, c’est-à-dire qu’en tant qu’artiste il ne croyait pas à cette distinction des deux natures. […] Il ne l’effleure pas d’un œil d’artiste ; il la caresse à pleins bras, comme l’amoureux du Cantique des cantiques : Veni, et inebriemur uberibus… « Quel plaisir autrefois de me rouler dans les hautes herbes, que j’aurais voulu brouter, comme mes vaches ; de courir pieds nus sur les sentiers unis, le long des haies ; d’enfoncer mes jambes, en rehaussant (rebinant) les verts turquies, dans la terre profonde et fraîche !
» Cela est d’avance une réponse a ces artistes orgueilleux et vains, impatients de toute observation, comme nous en avons connu, et qui, confondant tout, ne savaient donner qu’une seule définition du critique : « Qu’est-ce qu’un critique ? C’est un impuissant qui n’a pu être artiste. » Tout artiste présomptueux avait trop intérêt à cette définition du critique : il s’en est suivi, pendant des années, la pleine licence et comme l’orgie des talents.
Si pourtant je n’avais affaire chez M. de Montalembert qu’à l’artiste, j’eusse désiré dans son tableau quelque omission sur ces points, ou du moins quelque ombre. […] L’auteur, s’il n’était qu’artiste, s’il n’avait traité que poétiquement son sujet, et même, dans tous les cas, sans fausser le vrai, aurait pu indiquer plus brièvement ce rôle de maître Conrad, et l’effet céleste du visage et de l’attitude de la sainte, devant nos yeux mortels, y aurait gagné. […] En un mot, c’est à la fois, pour les chrétiens, un admirable exemple de la persistance d’une faculté sainte et d’un don qui semblait retiré au monde ; pour les philosophes, un objet d’étonnement sérieux et d’étude sur l’abîme sans cesse rouvert de l’esprit humain ; pour les érudits, la matière la plus riche et la plus complète d’un mystère, comme on les jouait au moyen âge ; pour les poëtes et artistes enfin, une suite de cartons retrouvés d’une Passion, selon quelque bon frère antérieur à Raphaël.
Tout artiste ne retient de la réalité que ce qui est conforme à son dessein ; et, en outre, toute satire est forcément injuste. […] Du bateau où il croque des paysages, pendant que ses beaux enfants « pétris d’amour et de lumière » s’ébattent sur la rive, il tend ses mains de christ aux jeunes générations… Avec tout cela, je crois bien qu’il lui arrive de dire des sottises des sottises de rapin échauffé, d’artiste à grande barbe et à grands gestes. […] Alphonse Daudet est un artiste hypnotisé par le présent.