Voilà ce que je pense d’un art où je me crois encore bien loin d’exceller. […] Comment se peut-il faire qu’un homme invente un grand art, et le porte d’abord à la perfection ? […] En avons-nous si peu à apprendre, qu’il faille inventer un art pour nous en instruire avec de si grands circuits ? […] Le second, c’est la vûë de l’art même que l’auteur a employé pour exciter le prémier. […] Encore deux exemples de cet art perdu.
Je ne désire rien, je ne demande rien, je n’accuse personne ; je fais le procès-verbal de l’art en l’an de grâce 1844, voilà tout. […] Pour que l’art prospère dans un empire, dans un royaume ou dans une république, il faut que le chef du gouvernement, empereur, roi ou consul, aime l’art ou fasse semblant de l’aimer. […] Le roi n’ayant pour l’art ni sympathie ni curiosité, le ministre a le droit d’être indifférent. […] non ; mais Louis XIV les aimait, et Colbert et Louvois se firent les protecteurs de l’art, car protéger l’art à cette époque c’était flatter le maître. […] M. le baron Taylor aimait l’art pour l’art ; la place qu’il occupait n’était point pour lui un métier banal, mais une mission sainte.
Il y a, à la vérité, un signe où elle reconnaît les grands hommes, et il n’est peut-être pas bien exact de dire que tous les objets soient égaux devant l’indifférence de sa curiosité ; Molière est mille fois plus intéressant à ses yeux que Cyrano de Bergerac, Pradon ou Boursault : « Plus un poète est parfait, dit-elle, plus il est national ; plus il pénètre dans son art, plus il a pénétré dans le génie de son siècle et de sa race ; la hauteur de l’arbre indique la profondeur des racines465. » Quoi qu’il en soit, l’école historique, je dis l’école historique idéale, à la considérer dans l’unité et la pureté de sa doctrine, annule la critique littéraire au sens où le langage a toujours entendu le mot de critique, puisqu’elle ne juge pas, ne blâme ni ne loue. […] Ce qu’il s’agit de savoir, c’est si les Philosophies de l’Art, les Traités complets d’Esthétique, les livres qui s’intitulent Science du Beau, justifient leur titre. […] Sans définir les mots d’art et de science (ce dont il faut se garder, si l’on veut s’entendre soi-même et se faire entendre), on peut dire qu’entre la science et l’art il y a cette différence que, dans l’une les gens médiocres peuvent rendre d’utiles services, au lieu que dans l’autre ils ne font rien qui vaille. […] L’école historique ayant fait de la critique une science, tout le monde peut sans art et sans génie, faire avec du travail un bon livre, intéressant et utile, dans le système de cette école. […] Ce qui sauvera l’art et la critique, c’est le respect des beaux sentiments et des grandes idées qui composent le fond même de l’humanité.
Charles Morice Henri de Régnier reflète en des grâces lyriques, en des gestes de jeunesse puissante et qui, parfois, se veut laisser croire lasse, tous les désirs d’art de ce temps, les reflète sans tous expressément les réaliser. […] Camille Mauclair À Pise, au Campo-Santo, attardé devant les fresques de Benozzo Gozzoli, si Shelley avait pu lire, au retour, les Poèmes anciens et romanesques, Tel qu’en songe ou les Contes à soi-même, il eût cru retrouver sa propre vision écrite là dans une nuit d’inconscience ; car, si le poète dont je parle présentement a, seul et sans effort dans notre époque d’art, recréé les grandes traditions décoratives de la pure beauté florentine, il n’y enclot pas une beauté froide, mais la souffrance passionnée de son âme d’outremer. […] Albert Mockel M. de Régnier est surtout un droit et pur artiste ; son vers a des lignes bien tracées, des couleurs transparentes et rares disposées avec justesse ; il démontre une grande probité d’écriture, un idéal d’art austère, la volonté d’un homme qui garde haut sa conscience. […] Son art possède un charme lent qui s’insinue sans jamais saisir. […] Pierre Quillard D’aucuns attentifs seulement aux apparences extérieures de l’art ont affecté de ne voir en M. de Régnier qu’un très fastueux arrangeur de décors et lui ont reproché, non sans acrimonie, de se plaire aux personnes et aux paysages fabuleux ou héraldiques ; on lui a objecté les chevaliers, les licornes, les satyres et les sirènes, l’or des armures, la pourpre des simarres et les pierreries inquiétantes du lapidaire.
Sans affirmer l’existence ni l’époque précise d’un seul Orphée, croyons qu’il dut s’en élever plusieurs, à la naissance de cette société grecque sortant de la barbarie par la guerre et la gloire, et de bonne heure humanisée par les arts. […] Alcman, le maître de la lyre à Sparte, celui qui fit entendre dans cette rude et guerrière cité la seule harmonie que, permettaient ses magistrats, était Lydien de naissance et semblait apporter à Lacédémone, vers le milieu du septième siècle avant notre ère, un art dont la ville de Lycurgue aurait dû se défier. […] Sans doute Alcman, esclave étranger venu de Lydie, ou né d’une Lydienne dans la maison du Spartiate Agésilas, en gardant de son origine le goût et le charme de l’art, sut y mêler l’accent qui plaisait aux âmes belliqueuses de Sparte. […] Apparemment, le poëte eut deux époques dans sa vie et dans son art ; ou bien il faut supposer que, son nom étant devenu célèbre, on le chargea dans les siècles suivants de vers qui ne lui appartenaient pas. […] Des hommes perfides du haut de la nef m’avaient jeté dans les flots soulevés du courant61. » À part les désinences doriques affectées par l’original, ne sent-on pas ici, jusque dans la simplicité des tons, le calcul d’un art plus moderne, comme nous le sentons, pour le moyen âge, dans quelques ballades récentes en vieux langage de France, d’Espagne ou d’Angleterre ?
L’œuvre et l’artiste, la nature et l’art, la conception et l’exécution s’expliquent pour ainsi dire simultanément. […] Un art nouveau sortira-t-il jamais de ces tâtonnements ? […] Erckmann-Chatrian a nombre d’idées, et de jolies ; mais il semble ignorer l’art de les développer. […] C’est là le signe auquel on reconnaît ceux qui sont destinés à vaincre aussi bien dans l’art de peindre les hommes que dans l’art de les gouverner. […] la comédie franche est une invention de l’art, rien que de l’art, et c’est précisément pour cela qu’elle est de si difficile exécution et qu’elle a tant de prise sur le spectateur.
Pour lui, il était déjà sollicité par un idéal d’art très différent. […] Prise au sens littéral, la théorie de l’art utile n’est pas moins fausse, et elle procède d’une conception plus grossière que la théorie de l’art pour l’art. […] L’art ne s’arrête pas sur le chemin de la vérité où l’a engagé M. […] L’art consiste à savoir tout dire en faisant tout accepter. […] Les Goncourt sont, en art comme ailleurs, des aristocrates.
. — Rapport de l’art à la philosophie. […] Analyse de ces méthodes dans les arts plastiques et musiques et dans les lettres. […] Mais l’Art par la représentation symbolique en montre l’union vivante. […] L’Art rachète Maya de son inconscient mensonge. […] L’art ne marche point pas à pas avec l’homme, il le devance ; il ne s’adresse pas au raisonnement mais à l’intuition.
Tourguénef (j’excepte les Nouvelles traduites par Mérimée, où le style précis de ce lettré altère l’original), l’on est tenté de nier qu’il y ait là de l’art, mot qui, chez nous, touche aux idées d’artifice et de raffinement. […] Tout l’art de M. […] Par un art fantasque, par des réticences, des demi-indications, des dialogues notés dans leurs temps, leurs arrêts, leurs inflexions, il esquisse peu à peu, comme un peintre dont on suivrait le travail, quelque physionomie plus complexe, qui ressort par brusques lumières sur un fond vague et brouillé. […] Par cet art souple et sûr M. […] L’art du romancier russe dépeint des créatures plus contrastées et plus troublantes qu’une femme simplement hypocrite, et quant aux pauvres hères entraînés hors de la voie droite par les perspectives infinies de félicité qu’ouvre quelque amour naissant, il sait combien ils sont infortunés et dignes de pitié.