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156. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — III »

les amis, les ennemis, ce sont les chères bêtes du foyer, auprès de cet animal redoutable qui est un imbécile.‌ […] A une époque où les renommées littéraires se font et s’entretiennent par d’habiles réclames, où nous voyons avec tristesse des hommes que leur talent seul suffirait à rendre glorieux, pris de la rage de s’exhiber en public, eux, leur famille et leurs animaux domestiques, — c’était un spectacle salutaire que celui de ce philosophe sans cesse occupé à dérober aux regards des marchands de publicité sa vie de labeur et d’étude. »‌ Voilà qui est parfaitement dit ; je me hâte d’y souscrire, pour reprendre bien vite le droit de présenter quelques objections.‌

157. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Vers le sommet nous apperçûmes un paysan avec une voiture couverte ; cette voiture était attelée de bœufs ; il descendait, et ses animaux se piétaient de crainte que la voiture ne s’accélérât sur eux. […] … un animal… sans doute ; mais le chien est un animal aussi ; le loup est un animal aussi ; mais l’homme n’est ni un loup ni un chien. […] Je m’en revenais donc, et je pensais que s’il y avait une morale propre à une espèce d’animaux et une morale propre à une autre espèce ; peut-être dans la même espèce y avait-il une morale propre à différens individus ou du moins à différentes conditions ou collections d’individus semblables, et, pour ne pas vous scandaliser par un exemple trop sérieux, une morale propre aux artistes, ou à l’art, et que cette morale pourrait bien être le rebours de la morale usuelle. […] Il n’est plus cet animal fougueux qui hennit, gratte la terre du pied, se cabre et déploie ses grandes ailes, c’est une bête de somme, la monture de l’abbé Morellet, prototype de la méthode. […] Je vous montrerais tantôt les pattes de l’araignée agissant sur le corps de l’animal, tantôt le corps de l’animal mettant les pattes en mouvement.

158. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

— Morale de l’instinct animal et de l’intérêt bien entendu. […] Regardons en bas sur la terre ; considérons l’homme lui-même, tel qu’il est aux yeux du naturaliste, c’est-à-dire le corps organisé, l’animal sensible, avec ses besoins, ses appétits et ses instincts. […] Il ne leur faut qu’un seul mobile, le plus simple et le plus palpable, tout grossier, presque mécanique, tout physiologique, l’inclination naturelle qui porte l’animal à fuir la douleur et à chercher le plaisir. « La douleur et le plaisir, dit Helvétius, sont les seuls ressorts de l’univers moral, et le sentiment de l’amour de soi est la seule base sur laquelle on puisse jeter les fondements d’une morale utile… Quel autre motif que l’intérêt personnel pourrait déterminer un homme à des actions généreuses ? […] Les pièces inférieures y servent comme les supérieures ; toutes sont nécessaires, proportionnées, en place, non seulement le cœur, la conscience, la raison et les facultés par lesquelles nous surpassons les brutes, mais encore les inclinations qui nous sont communes avec l’animal, l’instinct de conservation et de défense, le besoin de mouvement physique, l’appétit du sexe, et le reste des impulsions primitives, telles qu’on les constate dans l’enfant, dans le sauvage, dans l’homme inculte414. […] « Et ses mains, ourdissant les entrailles du prêtre, En feraient un cordon pour le dernier des rois. » Brissot : « Le besoin étant notre seul titre de propriété, il en résulte que, lorsqu’il est satisfait, l’homme n’est plus propriétaire… Deux besoins essentiels résultent de la constitution de l’animal, la nutrition et l’évacuation… Les hommes peuvent-ils se nourrir de leurs semblables ?

159. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

L’illustration d’Hokousaï débute par la représentation d’animaux fantastiques et d’animaux réels, mais d’une grandeur, d’une puissance, d’une force qui les fait un rien surnaturels. […] En dehors de quelques dessins divers, il ne contient pour ainsi dire que des animaux, des animaux réels et des animaux fantastiques ; c’est un chat mangeant une souris, un chien aboyant à la lune, un renard dans la pluie, des lions de mer, des chèvres, un écureuil mâtiné de chauve-souris, un sanglier traversant une rivière, un ours dans la neige, des ânes, des chevaux, un lion de Corée, un conciliabule de rats. […] Une étude amusante de ces animaux affectionnés par les Japonais qui, par des croisements, cherchent à en faire des animaux phénomènes, comme longueur des oreilles, comme couleur des yeux, si bien que le gouvernement a frappé ces animaux, il y a une dizaine d’années, de l’imposition d’un dollar. […] Kintoki jouant avec des animaux. […] Une aquarelle où, sur la massivité sombre de l’animal, se détache l’éclatant bariolage de la robe de la conductrice.

160. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

Il connaît les généalogies aussi bien qu’Hésiode, et jusqu’à celles des animaux divins. […] Les animaux qui courent dans les bois et s’ébattent dans les prairies sont les amis des nymphes qui vivaient dans les hêtres et dormaient au bruit des fontaines. […] N’est-ce pas une puissance étrange que ce talent qui nous les rend sensibles, qui les relie entre eux, qui, en dépit du siècle, amenant les dieux et les animaux dans la cité poétique, rassemble tous les êtres de la nature et la nature elle-même en une comédie universelle, les transforme et les proportionne suivant une idée maîtresse et pour un seul dessein ?

161. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre III. L’antinomie dans la vie affective » pp. 71-87

. — Ce qui se passe dans la série animale éclaire l’essence du phénomène amoureux chez l’homme. […] Notre cœur est troublé par nos mille naissances, par nos mille hérédités animales et humaines ; par notre obscure descendance animale qui nous a fait sortir sans doute d’une espèce très médiocrement socialisée.

162. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

Le lieu de la scène est imposant ; c’est l’assemblée générale des animaux. L’époque en est terrible, celle d’une peste universelle ; l’intérêt aussi grand qu’il peut être dans un Apologue, celui de sauver presque tous les êtres ; hôtes de l’univers sous le nom d’animaux, comme a dit La Fontaine dans un autre endroit. […] Puis vient ce trait de satire contre l’homme et contre ses prétentions à l’empire sur les animaux, reproche qui est assez grave à leurs yeux pour justifier leur roi d’avoir mangé le berger même.

163. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Arsène Houssaye » pp. 271-286

C’est la femme aux passions hystériques, au tempérament insatiable, à la fureur animale, — la femelle enfin dont le Satyre est le mâle, et rien de plus. […] Par un de ces étranges hasards qui ont l’air de se moquer de la majesté de l’Histoire, il s’est trouvé que ce type de femme bestialement ardent, que cet animal de volupté, —  animal voluptatis , — comme disait Tertullien, dans sa brutalité africaine, même des femmes qui n’étaient pas des Messalines ; il s’est trouvé que cet être vulgaire, mais assez rare pourtant dans sa hideuse vulgarité, a été un jour impératrice, et que, femme du maître du monde, elle a souvent quitté son lit de pourpre et ses plafonds étoilés pour aller… là où Juvénal, certainement plus hardi qu’Arsène Houssaye, nous conduit avec elle et ose nous la montrer.

164. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Richepin est, en poésie, un superbe animal, un étalon de prix, de croupe un peu massive. […] Un mot du divin Platon, cité en grec, revient dans le refrain d’une chanson philosophique qui explique que « nous sommes des animaux » et que la suprême sagesse est de vivre comme un porc. […] Richepin sans parti pris, vous sentirez certainement, à l’origine de toutes ses inspirations, un très sincère et violent instinct de libre vie animale et de révolte contre tout, qui a sa grandeur ; mais le malheur est que la rhétorique s’en mêle ensuite, et, très visiblement, le goût de la virtuosité pour elle-même, et aussi le désir puéril d’épouvanter les philistins. […] La basse crapule même a une saveur de révolte ; c’est le retour à la vie animale, chez des êtres qui l’avaient dépassée : cette vie n’est donc plus innocente et sans signification comme chez les bêtes ; il s’y mêle la joie d’une perversité et d’une protestation contre l’ordre prétendu de l’univers.

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