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535. (1898) Essai sur Goethe

Ses yeux étaient creux et pleins d’amour ! […] Est-ce qu’ils sentent que, dans nos moments de bonheur, nous nous souvenons d’eux avec un ardent amour ? […] Elle voit le monde tel qu’il est, et cependant à travers le médium de l’amour. […] L’amour de Pétrarque, infini, sublime, resta sans récompense, hélas ! […] L’amour de Goethe ne portait pas bonheur.

536. (1876) Romanciers contemporains

Chateaubriand ne devait pleinement réussir que dans la peinture du contraire même de l’amour ingénu, c’est-à-dire dans la peinture de l’amour tel que l’éprouve René. […] C’était une audace singulière que de concevoir un roman sans amour. […] Là tout doit être ciselé avec soin, léché, caressé avec amour. […] Si l’amour est la passion qui le plus souvent a inspiré les artistes et a porté bonheur à leurs œuvres, c’est parce que l’amour est la passion la plus générale. […] Sont-ce les amours adultères de Thérèse et de Laurent ?

537. (1890) L’avenir de la science « VII »

Il y a, je le sais, dans la curiosité des degrés divers ; il y a loin de cet instinct mesquin de collection, qui diffère à peine de l’attachement de l’enfant pour ses jouets, à cette forme plus élevée, où elle devient amour de savoir, c’est-à-dire instinct légitime de la nature humaine et peut constituer une très noble existence. […] Combien de compilations, précieuses pour les recherches ultérieures, n’eussent point été faites sans cet innocent amour du travail par lequel tant d’âmes doucement actives réussissent à tromper leur faim ? […] Le livre chrétien par excellence, l’Imitation, après avoir débuté comme le Maître de ceux qui savent par ces mots : « Tout homme désire naturellement savoir », avait toute raison d’ajouter : « Mais qu’importe la science sans l’amour ? […] Tout est vanité, excepté aimer Dieu et le servir. » Cela est indubitable, si la science est conçue comme une simple série de formules, si le parfait amour est possible sans savoir.

538. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre V. Que l’incrédulité est la principale cause de la décadence du goût et du génie. »

Ne nous parlez plus de mystères de l’âme, du charme secret de la vertu : grâces de l’enfance, amours de la jeunesse, noble amitié, élévation de pensées, charme des tombeaux et de la patrie, vos enchantements sont détruits ! […] La religion est le plus puissant motif de l’amour de la patrie ; les écrivains pieux ont toujours répandu ce noble sentiment dans leurs écrits. […] Le christianisme a mis au dedans du style du premier, le charme, l’abandon et l’amour ; et au dehors du style du second, l’ordre, la clarté et la magnificence. […] Le style de ces hommes est sec, l’expression sans franchise, l’imagination sans amour et sans flamme ; ils n’ont nulle onction, nulle abondance, nulle simplicité.

539. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Wallon »

Il en fait tour à tour le plus grand poète et le plus pathétique vulgarisateur de choses abstraites qui ait jamais existé Cette faculté d’assimilation, ou d’imprégnation, qui est à un degré si déplorable dans Cousin, — et qui le transforme tour à tour en éponge qui boit tout ou en cuvette dans laquelle on mêle tout, idées et systèmes, — cette faculté d’être un Grec, deux Écossais, trois Allemands à la fois, et de ne pouvoir parvenir à être un homme, exalte l’admiration effrayante de Wallon et lui inspire ces incroyables arabesques de louanges et ces perfides lacs d’amour de l’éloge qu’il trace autour de son nom… C’est là ce qui lui fait verser sur cette grande tête, dévouée aux… flatteries, assez de couronnes pour l’accabler. […] La philosophie est l’amour sincère et la recherche acharnée de la vérité, et Cousin, le professeur, l’homme à effet, le théâtral, qui a trouvé sa véritable voie en devenant, après 1830, un homme politique, n’a pas et n’a jamais eu l’indépendance vis-à-vis des autres et de lui-même, la force d’impersonnalité et l’amour désintéressé du vrai qui constituent le philosophe. […] Aujourd’hui qu’elles sont connues, elles font horreur, et la postérité n’aura pas assez d’invectives contre elles… Assumant en elles toutes les contradictions, elles éveillent en nous tous les sentiments contradictoires, la confiance et le doute, l’amour et la haine, l’estime et le mépris.

540. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

On sent assez quel doit être le caractère des ouvrages d’un pareil peuple ; mais ce qui étonne, c’est que déjà on y trouve l’art d’opposer les idées douces aux idées terribles, et de placer presque partout l’image de l’amour à côté de celle de la guerre ; peut-être ce qui nous paraît un art, n’était que l’expression naturelle des mœurs de ces peuples. […] Chez les peuples pasteurs et à demi sauvages, l’amour devait se mêler à toutes les idées, et même à celles de la guerre, parce que les femmes y étaient des objets de conquêtes. Il ne faut donc pas s’étonner si, parmi tous ces éloges guerriers, il n’y en a aucun où l’on ne trouve des femmes à côté des héros, et presque partout le contraste ou l’union de l’amour et des combats. […] J’honore l’homme qui ne recule pas devant un homme ; c’est la gloire de celui qui a du courage ; et qui veut inspirer de l’amour à une femme, doit être prompt et hardi dans les batailles… Non, dans le palais du puissant Odin, l’homme brave ne gémit point sur sa mort.

541. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

La plupart, dans ces réunions, s’épuisent en plaintes et en regrets amers au souvenir des plaisirs de la jeunesse, de l’amour, des festins et de tous les autres agréments de ce genre : à les entendre, ils ont perdu les plus grands biens ; ils jouissaient alors de la vie, maintenant ils ne vivent plus. […] « Je me souviens qu’étant un jour avec le poète Sophocle, quelqu’un lui dit en ma présence : — Sophocle, l’âge te permet-il encore de te livrer aux plaisirs de l’amour ? — Tais-toi, mon cher, répondit-il, j’ai quitté l’amour avec joie comme on quitte un maître furieux et intraitable. — Je jugeai dès lors qu’il avait raison de parler de la sorte, et le temps ne m’a pas fait changer de sentiment. […] La division du peuple en professions arbitraires et infranchissables ; La suppression de la propriété, seule responsabilité de l’homme rétribué héréditairement par son travail ; La communauté des biens, c’est-à-dire de la misère ; La communauté des femmes et des enfants, qui supprime du même coup les trois amours dont se perpétue l’espèce humaine : l’amour conjugal, l’amour maternel, l’amour filial, et toutes les vertus aussi humaines que divines qui émanent de ces trois sources d’amour ; L’impudeur, aussi flagrante que l’impudicité, dans cette gymnastique des femmes de tout âge s’exerçant nues devant le peuple à des luttes dégoûtantes d’obscénité ; Le meurtre des enfants mal conformés, punissant le tort de la nature par la mort de ses victimes ; La population maintenue, au moyen d’une loi révoltante, au même nombre par l’immolation des hommes nés en dépit de la loi ; Les arts, proscrits de cette démocratie des métiers, de peur que l’esprit ne se corrompe par ses plus belles manifestations intellectuelles ; Enfin, on ne sait quel gouvernement de vieillards, écoliers jusqu’à cinquante ans dans des gymnases de sophistes, et n’arrivant au gouvernement qu’à l’âge où les passions généreuses meurent généralement dans l’homme en même temps que les passions fougueuses, c’est-à-dire un gouvernement d’eunuques sur un troupeau de brutes esclaves : Voilà, encore une fois, ce délire d’un philosophe que l’on continue à appeler le divin Platon ! […] Cet instinct d’amour, qui se satisfait d’abord providentiellement pour l’enfant par le soulagement que la mère éprouve à donner son lait, devient ensuite une habitude de tendresse maternelle qui transforme l’attrait physique en sollicitude morale, et qui attache la mère à l’enfant et l’enfant à la mère, comme la branche au bourgeon, comme le fruit à la tige.

542. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Qu’as-tu fait de ton amour ? […] Que de larmes pleines de douceur n’a-t-il pas répandues dans sa solitude sur les merveilles de la vie, l’amour, la gloire, la religion ? […] comme tout le monde, je n’ai saisi ma vision qu’au vol, et je n’ai vu l’amour et la gloire qu’à travers la poudre d’un grand chemin. […] L’amour avait triomphé des convenances. […] Sa mort atteste la force et le désintéressement de son amour.

543. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Vous ignorez l’amour que je vous porte, Vous soupçonnez qu’aultre amour me transporte, Vous estimez mes paroles du vent, Vous dépeignez de cire, hélas ! […] Mon amour croist, et plus en plus croistra, Tant que vivray .... […] » L’expiation commençait, mais l’amour consumait plus que l’ennui. […] Mais cette attestation était du moins un gage de son amour survivant à vingt ans de séparation et de supplice. […] Leur amour pour moi leur prêtera des forces, et je leur donnerai l’exemple du courage.

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