C’est grâce à cette faculté de généralisation que l’Art a une action morale. […] Il n’est pas l’expression réflexe de l’action ; il est, au contraire, l’élément actif et propulsif de la tragédie. […] Leurs actions sont à peine volontaires. […] La parole, le geste, les personnages, l’action, ne sont que le complément, le commentaire réalisé, la représentation figurative. […] L’action seule nous en débarrasse déjà.
L’inspiration est donc, aussi bien que le raisonnement, du domaine de la philosophie, et celle-ci a aussi sa forme particulière ; mais la philosophie représente le moment du développement de l’homme où l’inspiration, la raison et l’action se manifestent surtout par la destruction. […] Voici le texte de ce qui a été dit à ce sujet, par l’école de Saint-Simon, dans le volume d’exposition qu’elle a publié cette année : « La loi du développement de l’humanité, révélée au génie de Saint-Simon et vérifiée par lui sur une longue série historique, nous montre deux états distincts et alternatifs : l’un, que nous appelons état organique, où tous les faits de l’activité humaine sont classés, prévus, ordonnés par une théorie générale, où le but de l’action sociale est nettement défini ; l’autre, que nous nommons état critique, où toute communion de pensée, toute action d’ensemble, toute coordination a cessé, et où la société ne présente plus qu’une agglomération d’individus isolés et luttant les uns contre les autres. » (Vol.
Mais les caractères une fois imaginés, il faudra les placer dans une action historique ou possible. […] Le plus délicat, c’est de bien ajuster le caractère avec l’action choisie, de l’y faire vivre et mouvoir, d’en suivre le développement et les manifestations. […] S’il vous est arrivé jamais de concevoir l’idée d’un enfantillage, d’une équipée, d’une folie, pure fantaisie de l’esprit inquiet et désœuvré, et de passer à l’exécution sans autre raison que l’idée conçue, sans entraînement, sans plaisir, mais fatalement, sans pouvoir résister ; — si vous avez repoussé parfois de toutes les forces de votre volonté une tentation vive, si vous en avez triomphé, et si vous avez succombé à l’instant précis où la tentation semblait s’évanouir de l’âme, où l’apaisement des désirs tumultueux se faisait, où la volonté, sans ennemi, désarmait ; — si vous avez cru, après une émotion vive, ou un acte important, être transformé, régénéré, naître à une vie nouvelle, et si vous vous êtes attristé bientôt de vous sentir le même et de continuer l’ancienne vie ; — si par un mouvement de générosité spontanée ou d’affection vous avez pardonné une offense, et si vous avez par orgueil persisté dans le pardon en vous efforçant de l’exercer comme une vengeance ; — si vous avez pu remarquer que les bonnes actions dont on vous louait n’avaient pas toujours de très louables motifs, que la médiocrité continue dans le bien est moins aisée que la perfection d’un moment, et qu’un grand sacrifice s’accomplit mieux par orgueil qu’un petit devoir par conscience, qu’il coûte moins de donner que de rendre, qu’on aime mieux ses obligés que ses bienfaiteurs, et ses protégés que ses protecteurs ; — si vous avez trouvé que dans toute amitié il y a celle qui aime et celle qui est aimée, et que la réciprocité parfaite est rare, que beaucoup d’amitiés ont de tout autres causes que l’amitié, et sont des ligues d’intérêts, de vanité, d’antipathie, de coquetterie ; que les ressemblances d’humeur facilitent la camaraderie, et les différences l’intimité ; — si vous avez senti qu’un grand désir n’est guère satisfait sans désenchantement, et que le plaisir possédé n’atteint jamais le plaisir rêvé ; — si vous avez parfois, dans les plus vives émotions, au milieu des plus sincères douleurs, senti le plaisir d’être un personnage et de soutenir tous les regards du public ; — si vous avez parfois brouillé votre existence pour la conformer à un rêve, si vous avez souffert d’avoir voulu jouer dans la réalité le personnage que vous désiriez être, si vous avez voulu dramatiser vos affections, et mettre dans la paisible égalité de votre cœur les agitations des livres, si vous avez agrandi votre geste, mouillé votre voix, concerté vos attitudes, débité des phrases livresques, faussé votre sentiment, votre volonté, vos actes par l’imitation d’un idéal étranger et déraisonnable ; — si enfin vous avez pu noter que vous étiez parfois content de vous, indulgent aux autres, affectueux, gai, ou rude, sévère, jaloux, colère, mélancolique, sans savoir pourquoi, sans autre cause que l’état du temps et la hauteur du baromètre ; — si tout cela, et que d’autres choses encore !
Dumas est un remarquable conteur ; il sait intéresser le lecteur par les qualités d’une imagination brillante qui, au don heureux de l’invention dramatique, joint la verve, l’action, la rapidité du récit, l’agilité d’un style qui court à son but et s’arrête peu pour décrire, encore moins pour prouver, car l’auteur n’a pas de systèmes ; mais cependant avec tous ces avantages, ses succès n’auraient pas été aussi grands s’il ne s’était pas servi de ces trois mobiles : la glorification de la personnalité humaine, les peintures hardies qui troublent les sens, les lieux communs du scepticisme voltairien. […] Jules Janin La scène du IVe acte, entre Monaldeschi et Sentinelli (dans Christine), représente l’action la plus puissante du drame moderne, et les plus vieux dramaturges en seraient fiers. […] Le dramaturge ne fait que réaliser une métaphore que vous trouverez, j’en suis sûr, dans plus d’un manuel de l’histoire de France : « Le roi s’endormait dans les bras de la mollesse ; le canon de l’étranger le réveilla enfin. » C’est l’histoire de France à l’usage des masses, tout en action, tout en vignettes, tout en reliefs, les traits grossis et forcés, avec de la générosité, du romantisme, du bric-à-brac, de la galanterie, du troubadourisme et même du sublime.
Il fallut se compléter par les couples amoureux, autour desquels s’agite nécessairement toute action comique : les Horace et les Isabelle se joignirent aux masques bouffons. […] Parfois aussi, lorsque les pièces devinrent très compliquées, très chargées de personnages et d’incidents, les canevas entraient dans tous les détails de l’action ; la trame était tissue avec soin ; à l’acteur d’y broder les arabesques d’une libre fantaisie, suivant la disposition du moment et celle que montrait le public. […] Ces lazzi, quoique inutiles à la scène, parce que si Arlequin ne les faisait pas, l’action marcherait toujours ; quoique absolument inutiles, dis-je, ne s’éloignent point de l’intention de la scène, car, s’ils la coupent plusieurs fois, ils la renouent par la même badinerie qui est tirée du fond de l’intention de la scène. » Les lazzi auraient dû, en effet, être toujours suggérés par la situation ou tout au moins d’accord avec elle.
Quelle tendresse, quelle honnêteté, quelle délicatesse, quelle variété d’actions et d’expressions dans les frères, les sœurs, les parens, les amis, les amies ; quel pathétique n’y aurait-il pas mis ! […] La petite mine chiffonnée de la mariée, l’action ardente et peu touchante du jeune époux vu par le dos, ces indignes créatures qui entourent la couche, tout me représente un mauvais lieu. […] Cependant tant d’inscriptions infâmes dont la statue de la Vénus aux belles fesses est sans cesse barbouillée dans les bosquets de Versailles ; tant d’actions dissolues avouées dans ces inscriptions, tant d’insultes faites par la débauche même à ses propres idoles ; insultes qui marquent des imaginations perdues, un mélange inexplicable de corruption et de barbarie, instruisent assez de l’impression pernicieuse de ces sortes d’ouvrages.
Pénélope sans Ulysse, qui, dans l’oisiveté du cœur et de l’action, fait et défait éternellement sa tapisserie, la Philosophie n’a rien mis dans le monde qui n’y fût sans elle ; et si elle n’en a rien ôté des vérités qu’elle n’a pas faites, elle en a du moins beaucoup faussé, et son mérite, quand elle en eut, fut de redresser ses voies fausses et d’admettre enfin ce qu’elle avait d’abord repoussé. […] Le livre actuel de M. de Beauverger est comme le pressentiment d’un autre ouvrage qu’il fera ou ne fera pas plus tard, mais qui serait, à coup sûr, s’il le faisait dans l’esprit des notes qu’il publie, un de ces livres grossissants comme on en a tant publié, et qui, sous le nom d’histoire d’une philosophie quelconque, tendent à surfaire l’action de toute philosophie. […] L’économique des rêveurs la met, elle, dans l’action illimitée de l’homme et dans la disposition des trois règnes de la nature.
Les actions personnelles (condictiones) durent être les représailles privées, qui au moyen âge durèrent jusqu’au temps de Barthole. […] En même temps on porta la même fiction de l’emploi de la force dans les revendications, et les représailles héroïques se transformèrent en actions personnelles ; on conserva l’usage de les dénoncer solennellement aux débiteurs. […] Aujourd’hui c’est la volonté qui rend le pacte obligatoire, et par cela seul qu’on a voulu contracter, la convention produit une action.
Un examen plus attentif des principes et des tendances de l’École nous rendra compte de cette action. […] Lucrèce Borgia, Marion Delorme et presque tous les drames ne sont que la mise en action de passions artificiellement géminées. […] Elle la défie partout, combattant dans les murs des monastères et sur les sommets de ses volcans toujours en action. […] Il sentait que sa destinée était inséparable de celle de sa patrie, et que, dans un pays étranger, son action serait limitée et inféconde. […] nulle parole humaine ne pouvait l’exprimer — nulle action, si dévouée qu’elle te parût, n’était l’ombre de ce que ce cœur désirait produire pour toi.