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313. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre VI. Des Livres qui traitent de la Rhétorique. » pp. 294-329

Il fait un si grand cas de la force de l’action, qu’il décide qu’un Missionnaire de Village, qui sçait effrayer & faire couler des larmes, frappe bien plus au but de l’éloquence, qu’un Prédicateur dont le style est châtié, & le raisonnement solide, mais dont l’action est languissante. […] Des écrits sur l’action de l’Orateur. […] Trois ans après, Mr. l’Abbé Dinouart fit présent aux littérateurs d’un traité plus approfondi intitulé : l’Eloquence du corps ou l’action du Prédicateur : ouvrage utile à tous ceux qui parlent ou qui se disposent à parler en public. […] in-12., renferme tout ce que les plus grands hommes de l’antiquité & du dernier siécle, ont écrit de plus judicieux sur l’action de l’Orateur. […] Toute la matiere de ce bon Livre est distribuée en vingt-trois chapitres qui roulent uniquement sur l’action de l’Orateur sacré.

314. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

Jésus, on le voit, ne sortit jamais par son action du cercle juif. […] D’une part, on est porté à supposer ces créations trop impersonnelles ; on attribue à une action collective ce qui souvent a été l’œuvre d’une volonté puissante et d’un esprit supérieur. […] Dégagées de nos conventions polies, exemptes de l’éducation uniforme qui nous raffine, mais qui diminue si fort notre individualité, ces âmes entières portaient dans l’action une énergie surprenante. […] Marc-Aurèle et ses nobles maîtres ont été sans action durable sur le monde.

315. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le colonel Ardant du Picq »

ce n’est pas seulement le champ limité et physique d’une action où l’on manœuvre pour vaincre ! […] L’auteur des Études sur le Combat excepte, il est vrai, un très petit nombre d’âmes, nées impassibles comme le bronze, et rares comme des aérolithes, car elles semblent venir directement du ciel ; mais cet homme de batailles, qui a pratiqué les batailles et qui n’est dupe d’aucune poésie faite après coup, ne croit guère aux héros que sous bénéfice d’inventaire, et sous l’action déterminée et décisive d’une discipline qui crée l’énergie et fait d’un homme cette force qu’on appelle un soldat… Observateur aiguisé par toutes les expériences de sa vie, le colonel Ardant du Picq sait que la puissance des armées est toujours en raison, non seulement directe, mais unique, de la puissance de leur discipline, et il le prouve, par tous les témoignages de l’histoire, chez les peuples que la guerre a le plus illustrés. […] Le livre qu’il a laissé derrière lui est d’une généralité de portée qui passe bien au-dessus de toutes les spécialités du noble métier qu’il enseigne, et répond, par le démenti le moins cruellement, mais le plus positivement donné, à toutes les idées badaudes et lâches qui règnent actuellement sur le monde dégradé… III Jamais, il faut le reconnaître, homme d’action, et d’action brutale aux yeux de l’universel préjugé, n’a plus magnifiquement glorifié la spiritualité de la guerre que l’intelligent et profond soldat auquel nous avons affaire.

316. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De la philosophie. »

Par une sorte d’abstraction, dont la jouissance est cependant réelle, on s’élève à quelque distance de soi-même pour se regarder penser et vivre ; et comme on ne veut dominer aucun événement, on les considère tous comme des modifications de notre être qui exercent ses facultés et hâtent de diverses manières l’action de sa perfectibilité. Ce n’est plus vis-à-vis du sort, mais de sa conscience qu’on se place, et, renonçant à toute influence sur le destin et sur les hommes, on se complait d’autant plus dans l’action du pouvoir qu’on s’est réservé, dans l’empire de soi-même, et l’on fait chaque jour avec bonheur quelque changement ou quelque découverte, dans la seule propriété sur laquelle on se croit des droits et de l’influence. […] Le bruit du vent, l’éclat des orages, le soir de l’été, les frimas de l’hiver ; ces mouvements, ces tableaux opposés produisent des impressions pareilles, et font naître dans l’âme cette douce mélancolie, vrai sentiment de l’homme, résultat de sa destinée, seule situation du cœur qui laisse à la méditation toute son action et toute sa force.

317. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

On trouverait sans peine dans cette chanson tous les éléments d’une action comique. […] Si l’action principale n’est pas racontée avec toute la sobriété que le goût commande, les épisodes qui viennent se grouper autour de cette action sont à leur tour racontés avec une prolixité désolante. […] Il y avait dans cette action unique de quoi défrayer les quatre cents pages de son récit. […] Les femmes veulent des passions, les penseurs des caractères, la foule de l’action. De là trois formes de poésie dramatique : la passion sans caractères et sans action, ou la tragédie, les caractères sans passion et sans action, ou la comédie, et l’action sans caractères et sans passion, ou le mélodrame.

318. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Ils ont prétendu, de plus, montrer en eux l’action des forces sociales et nous faire surprendre les transformations que le travail des idées et que les vicissitudes des mœurs ont opérées dans la vie d’un peuple ou dans l’histoire d’une race. […] Mais si les détails du décor et de l’action sont réduits au strict nécessaire, si les scènes sont étrangement sobres de mouvement, les caractères des personnages y apparaissent fouillés par le scalpel d’un maître. […] Peut-être l’action, que nous trouverons plus rapide dans Au service de l’Allemagne, est-elle ici trop étouffée par les biographies ou par les spéculations métaphysiques. […] Il a dès aujourd’hui une action sociale nettement définie dans le roman provincial qui, sous sa plume, conclut toujours à l’honneur de la tradition et des intérêts familiaux. […] Atmosphère de libertinage et d’épicurisme, de satire et de tendresse, de tristesse désabusée et d’enjouement, action originale, mise en valeur par une langue alerte, claire et naturelle, voilà, en résumé, le roman de M. de Régnier.

319. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Cette définition, qui enlève à l’action tout caractère esthétique, nous semble inacceptable. […] Toute action qui a un but en dehors d’elle-même, toute action utile ne peut-elle nous apparaître comme belle sous le même rapport ? […] Le plaisir du beau est-il en opposition avec l’action et avec le sentiment du réel ? […] Aussi l’art tend-il à produire des actions de même nature que celles qu’il exprime. […] Précisément parce que le langage poétique doit être plus voisin de l’action, il doit être plus imagé que la prose.

320. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Non (a dit quelqu’un) notre Tragédie n’est plus une action humaine ; c’est un tissu de miracles. […] La bienséance est violée, parce qu’il a voulu que la durée de l’action commencât & finît entre deux soleils. […] Et Fielding & Marivaux me semblent mériter la gloire la plus étendue, par leur Philosophie toute en image, en action, en sentiment. […] Telle action ne veut qu’un seul acte, telle autre peut exiger sept, huit & neuf repos. […] C’est la vérité de l’action qui doit lui commander avant toute Poètique.

321. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

La première action est possible pour moi, parce que sa condition, l’intelligence des mots latins, est donnée ; la seconde est possible pour le portefaix, parce que ses conditions, le développement des muscles et l’habitude de l’exercice corporel, sont données. […] Que l’action vienne de nous ou d’eux, il est toujours entre eux et nous. […] Nous ne faisons pas une action sans compter au préalable sur un effet, et cet effet ne manque presque jamais de se produire. […] Boire, manger, dormir, marcher, lire, écrire, parler, chanter, manier les corps, exercer un art, une profession, un métier, aucune de nos actions usuelles ne s’accomplit sans l’intervention d’une multitude innombrable d’attentes forcément justes. […] Il en est de même pour la plupart de nos prévisions ordinaires ; l’homme adulte et réfléchi est enfant et animal dans toutes ses actions habituelles et machinales, et cela lui suffît pour la conduite et la pratique. — Mais il peut dépasser cet état ; et en effet, petit à petit, il le dépasse.

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