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336. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Cependant qu’on se rassure : l’étude du passé n’a rien d’exclusif ni d’absolu ; savoir n’est pas reculer ; donner la vie idéale à qui n’a plus la vie réelle n’est pas se complaire stérilement dans la mort. […] Toute multitude, inculte ou lettrée, professe, on le sait, une passion sans frein pour la chimère inepte et envieuse de l’égalité absolue. […] Dans le manque absolu d’originalité non moins que dans l’absence de poésie qui caractérisent l’homme et l’œuvre. […] Du reste, qu’il use en pleine et absolue liberté de toutes ses ressources ; qu’il soit, à son gré, grave, éloquent, bouffon, brutal, spirituel, passionné : l’espace sans frontières de la poésie est à lui. […] Si le poète est avant tout une nature riche de dons extraordinaires, il est aussi une volonté intelligente qui doit exercer une domination absolue et constante sur l’expression des idées et des sentiments, ne rien laisser au hasard et se posséder soi-même dans la mesure de ses forces.

337. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre I. De la sélection des images, pour la représentation. Le rôle du corps »

Si vous vous donnez le système d’images qui n’a pas de centre, et où chaque élément possède sa grandeur et sa valeur absolues, je ne vois pas pourquoi ce système s’en adjoint un second, où chaque image prend une valeur indéterminée, soumise à toutes les vicissitudes d’une image centrale. […] Les autres posent la perception d’abord, l’érigent en absolu, et tiennent la science pour une expression symbolique du réel. […] Elle devra se donner les états affectifs comme autant d’absolus, dont on ne voit pas pourquoi ils apparaissent ou disparaissent à tels ou tels moments dans la conscience. […] Et enfin la représentation elle-même devra être posée comme un absolu : on ne voit ni son origine, ni sa destination. […] Il faut les poser comme autant d’absolus, dont on ne voit ni l’origine ni la fin.

338. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dujardin, Édouard (1861-1949) »

Dujardin écrivit cette extraordinaire trilogie d’Antonia, où plus rien de réel ne subsiste, qui finit par une ode triomphale à l’Absolu et qui semblait donc faite à peine pour les austères et sublimes joies de la lecture solitaire.

339. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VI. L’antinomie religieuse » pp. 131-133

Hérésie n’implique pas isolement absolu.

340. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

L’égoïste est né pour lui seul, l’homme collectif est né pour ses semblables : se dévouer au perfectionnement relatif ou absolu, limité ou illimité, fini ou indéfini, local ou universel, viager ou éternel de ses semblables, c’est donc le devoir, c’est donc la vertu ! […] Cette conviction intime, qui devient illusion s’il s’agit d’un progrès indéfini et absolu de l’espèce, n’est nullement une déception s’il s’agit d’une amélioration relative, locale, temporaire d’une partie de l’humanité. […] Mais ceux-là mêmes qui, comme nous, ne se font point l’illusion des progrès indéfinis en intelligence et en bonheur sur la terre, sont convaincus que le moindre travail et le plus obscur dévouement à l’humanité, quoique limités par la nature des choses mortelles ici-bas, ne seront pas perdus pour l’être humain, et que, interrompu ici-bas par la condition périssable des choses humaines et par la mort, ce progrès profitera ailleurs, dans les régions de l’éternité, de l’absolu, de l’infini. […] … Je n’ai jamais compris qu’il y eût des hommes assez doués de l’obstination des chimères pour croire au progrès indéfini et au bonheur absolu sur une pareille claie qui les traîne à la voirie de leur néant. […] XXXII « Cette lecture me fit comprendre et sentir, mieux que la lecture même des dogmes religieux de l’Inde, la beauté, la vérité, la sainteté de cette doctrine, qui interdit aux hommes, non seulement le meurtre sans nécessité absolue, mais même le mépris des animaux, ces compagnons et ces hôtes de notre habitation terrestre, hôtes dont nous devons compte à notre Père commun, comme des êtres supérieurs d’intelligence et de force doivent compte des êtres inférieurs qui leur sont soumis.

341. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

L’histoire renverse les théories trop absolues qui attribuent la liberté ou l’esclavage à telle ou telle zône. […] Les peuples avaient eux-mêmes des droits défendus par les princes contre les usurpations du pouvoir impérial, et garantis contre les princes eux-mêmes par des institutions qui n’ont jamais été entièrement détruites : civilisation rude encore, il est vrai, mais pleine de force ; la liberté germanique, appuyée sur une unité religieuse qui trouvait dans tous les cœurs et dans tous les esprits une croyance absolue, fait alors de l’Allemagne une nation vraiment grande, respectée et redoutée de l’Europe entière. […] Quand l’unité du saint-empire eut péri, et que le titre d’empereur fut devenu un titre vain qui n’était plus en réalité que celui d’empereur d’Autriche, les électeurs et les princes, rendus à l’indépendance, devinrent peu à peu des monarques absolus, et au despotisme régulier d’un seul succéda une foule de despotismes particuliers. […] Mille et mille généralisations successives n’engendrent pas la nécessité, elle en diffère d’une absolue différence. […] Toute connaissance fondée logiquement sur l’expérience est contingente ; elle peut avoir une généralité de comparaison et d’induction, mais jamais une universalité absolue.

342. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

On n’y discute pas la valeur de ces opérations, la véracité de notre intelligence, la certitude absolue de nos connaissances élémentaires ; ceci est une affaire de métaphysique. […] Nous ne sommes plus simplement capables de connaissances relatives et bornées : nous sommes capables aussi de connaissances absolues et infinies ; nous possédons dans les axiomes des données qui non-seulement s’accompagnent l’une l’autre, mais encore dont l’une enferme l’autre. […] Leur liaison est donc absolue et universelle, et nous possédons des vérités qui ne souffrent ni doute, ni limites, ni conditions, ni restrictions. […] Nous passons de l’accidentel au nécessaire, du relatif à l’absolu, de l’apparence à la vérité ; et ces premiers couples trouvés, nous pratiquons sur eux la même opération que sur les faits. […] Et il faut bien qu’il en soit ainsi ; car à mesure qu’une donnée est plus générale, il faut parcourir moins de faits pour la rencontrer : si elle est universelle, on la rencontre partout ; si elle est absolue, on ne peut pas ne pas la rencontrer.

343. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

On n’y discute pas la valeur de ces opérations, la véracité de notre intelligence, la certitude absolue de nos connaissances élémentaires ; ceci est une affaire de métaphysique. […] Nous ne sommes plus simplement capables de connaissances relatives et bornées : nous sommes capables aussi de connaissances absolues et infinies ; nous possédons dans les axiomes des données qui non-seulement s’accompagnent l’une l’autre, mais encore dont l’une enferme l’autre. […] Leur liaison est donc absolue et universelle, et nous possédons des vérités qui ne souffrent ni doute, ni limites, ni conditions, ni restrictions. […] Nous passons de l’accidentel au nécessaire, du relatif à l’absolu, de l’apparence à la vérité ; et, ces premiers couples trouvés, nous pratiquons sur eux la même opération que sur les faits, car, à un moindre degré, ils ont la même nature. […] Et il faut bien qu’il en soit ainsi ; car à mesure qu’une donnée est plus générale, il faut parcourir moins de faits pour la rencontrer : si elle est universelle, on la rencontre partout ; si elle est absolue, on ne peut pas ne pas la rencontrer.

344. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre II. Trois espèces de langues et de caractères » pp. 296-298

Le pouvoir absolu du peuple sur les langues s’étend sous un rapport à la législation : le peuple donne aux lois le sens qui lui plaît, et il faut, bon gré malgré, que les puissants en viennent à observer les lois dans le sens qu’y attache le peuple.

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