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29. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

Ceci posé, et après avoir prié de nouveau le lecteur de ne pas attacher un sens trop absolu aux quelques mots qui nous restent à dire, nous reprenons. […] Alors don Salluste serait l’égoïsme absolu, le souci sans repos ; don César, son contraire, serait le désintéressement et l’insouciance ; on verrait dans Ruy Blas le génie et la passion comprimés par la société, et s’élançant d’autant plus haut que la compression est plus violente ; la reine enfin, ce serait la vertu minée par l’ennui. […] La vérité absolue n’est que dans l’ensemble de l’œuvre. […] Seulement, dans Hernani, comme la royauté absolue n’est pas faite, la noblesse lutte encore contre le roi, ici avec l’orgueil, là avec l’épée ; à demi féodale, à demi rebelle. […] Il ne se fait pas bandit, il se fait bohémien. — On sent que la royauté absolue a passé pendant de longues années sur ces nobles têtes, courbant l’une, brisant l’autre.

30. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

Et la manière dont il s’y est pris, ç’a été de substituer, dans l’idée qu’il nous faut nous former de la « Science », 1° le point de vue dynamique au point de vue statique ; et 2° la notion précise du relatif à l’hypothèse indéterminée de l’absolu. […] Nous ne savons donc rien de l’absolu, pas même, — pour le moment, — s’il existe ; et la science est hors d’état de nous garantir, sinon peut-être la « réalité » de son objet, mais, en tout cas, la « conformité » d’aucune vérité avec son objet. […] » L’absolu n’est pas le relatif ! […] Si nous ne postulons pas un non relatif réel, un absolu, le relatif lui-même devient absolu, ce qui est une contradiction. […] Aussi bien, s’il les eût approfondis davantage, les eût-il trouvés tous entachés d’un vice primordial et irrémédiable à ses yeux, qui est, comme l’on dit, de « poser l’absolu » pour en déduire le relatif, ce qui s’appelle répondre à la question par la question ; et, en effet, ce que Comte a poursuivi sous le nom de « Métaphysique » en général, c’est précisément toute philosophie qui débute par l’affirmation de l’« absolu. » Mais au contraire la vraie « métaphysique », la bonne, la sienne !

31. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

. — Histoire de l’Absolu. — Théorie de la tragédie. — III. […] Ferme dans sa foi religieuse complote, il maintient la neutralité la plus absolue, et rendant à tous les Dieux un honneur égal, il éprouve pour l’action qui se passe sous ses yeux une sorte d’horreur. […] Mais, dans la comédie, où l’accidentel et l’arbitraire jouent naturellement un rôle essentiel217, on ne saurait en faire une règle absolue. […] La comédie est 2º : l’indifférence absolue des Dieux, témoins impassibles et souriants de l’escarmouche de la personne humaine contre leur majesté. […] Le moment où l’Esprit universel, dans son développement qui constitue l’histoire absolue, entre en harmonie avec, lui-même, est marqué par l’apparition de Dieu sur la terre.

32. (1888) La critique scientifique « Appendice — Plan d’une étude complète d’esthopsychologie »

d) Personnages : a′) extérieur : * Simples ; beauté, laideur absolues ** Doubles ; beauté sinistre, laideur bonne *** Beaux costumes, belles loques, coloris b′) intérieur : * Âmes simples à répétition d’actes ** Âmes doubles à actes antithétiques *** Âmes doubles par volte-faces subites c) Sujets abstraits : a′) Vers à propos de rien, sujets nuls b′) Sujets indifférents, vers à propos de tout, versatilité c′) Développement de lieux communs d′) Humanitarisme, socialisme, optimisme, idéalisme et panthéisme vagues e′) Aspects grandioses, mystérieux ou bizarres, de la légende, de l’histoire ou de la vie. […] 2° Par le caractère absolu des mots, c’est-à-dire par le fait que le mot comprend un abstrait d’images absolument tranché : L’antithétisme général (des mots seulement pouvant être opposés). […] Hugo à ces moyens et ces effets, soit : verbalisme par surabondance de mots, caractère absolu des mots, leur caractère borné, exagérant, etc. […] Pour leurs admirateurs : Verbalisme, les caractères absolus et bornés du mot ; irréalisme général du public des théâtres et des auteurs-poètes dramatiques ; préférence des décors aux âmes.

33. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Mais le déterministe, trompé, par une conception de la durée et de la causalité que nous critiquerons en détail un peu plus loin, tient pour absolue la détermination des faits de conscience les uns par les autres. […] Notre vie intérieure dépendra bien encore de nous jusqu’à un certain point ; mais, pour un observateur placé au dehors, rien ne distinguera notre activité, d’un automatisme absolu. […] Et le même symbolisme grossier sur lequel on prétendait fonder la contingence de l’action accomplie aboutit, par un prolongement naturel, à en établir l’absolue nécessité. […] Le principe d’identité est la loi absolue de notre conscience ; il affirme que ce qui est pensé est pensé au moment où on le pense ; et ce qui fait l’absolue nécessité de ce principe, c’est qu’il ne lie pas l’avenir au présent, mais seulement le présent au présent : il exprime la confiance inébranlable que la conscience se sent en elle-même, tant que, fidèle à son rôle, elle se borne à constater l’état actuel apparent de l’âme. […] Et Spinoza voulait que la série des phénomènes, qui prend pour nous la forme d’une succession dans le temps, fût équivalente, dans l’absolu, à l’unité divine : il supposait ainsi, d’une part, que le rapport de causalité apparente entre les phénomènes se ramenait à un rapport d’identité dans l’absolu, et, d’autre part, que la durée indéfinie des choses tenait tout entière dans un moment unique, qui est l’éternité.

34. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Ceux qui aiment l’absolu et les solutions claires en appellent volontiers au nombre ; car rien de plus clair que le nombre : il n’y a qu’à compter. […] Le gouvernement est alors absolu et se fait au nom de la doctrine acceptée de tous. […] Et ce règne absolu n’est pas la tyrannie. […] Louis XIV n’a pas eu, que je me rappelle, un seul acte de sévérité à faire pour maintenir sa souveraineté absolue, et cela devait être ; cette souveraineté était légitime, acceptée ; nul homme ne fut plus absolu et moins tyran. […] De fait on a pensé plus librement il y a un demi-siècle à la cour de Weimar, sous un gouvernement absolu, que dans notre pays qui a livré tant de combats pour la liberté.

35. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Ainsi, par exemple, le protestant serait plus libre penseur que le catholique, le rationaliste plus que le protestant, l’athée plus que le déiste, et le sceptique absolu plus encore que l’athée. […] Il n’y a donc ni vrai ni faux d’une manière absolue ; il n’y a que ce qui paraît vrai ou ce qui paraît faux à chacun de nous. […] On va même jusqu’à soutenir que l’hypothèse d’une vérité absolue est radicalement opposée à la liberté de penser, car s’il y a une telle vérité, comment pourrait-il être légitime de penser autre chose que ce qu’elle proclame ? […] Lui nommerez-vous un autre tuteur, et à celui-ci un autre, jusqu’à ce que vous arriviez à un tuteur absolu de la société tout entière ? […] Dans ce va-et-vient des puissances de ce monde, dans ces oscillations de principes qui se renversent l’un l’autre et viennent successivement se déclarer principes absolus, il n’y a qu’une garantie pour tous, c’est la liberté réciproque.

36. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre IX. L’avenir de la Physique mathématique. »

Les observations de l’aberration nous montrent donc non le mouvement de la Terre, mais les variations de ce mouvement, elles ne peuvent par conséquent nous renseigner sur le mouvement absolu de la Terre. […] On verrait alors que l’amplitude de l’oscillation dépend non seulement de la variation du mouvement, variation qui est bien connue, puisque c’est le mouvement de notre globe sur son orbite elliptique, mais de la valeur moyenne de ce mouvement de sorte que la constante de l’aberration ne serait pas tout à fait la même pour toutes les Étoiles, et que les différences nous feraient connaître le mouvement absolu de la Terre dans l’espace. […] Nous sommes loin, il est vrai, d’apprécier le millième de seconde, mais après tout, disent quelques personnes, la vitesse absolue totale de la Terre est peut-être beaucoup plus grande que sa vitesse relative par rapport au Soleil ; si elle était par exemple de 300 kilomètres par seconde au lieu de 30, cela suffirait pour que le phénomène devînt observable. Je crois qu’en raisonnant ainsi on admet une théorie trop simpliste de l’aberration ; Michelson nous a montré, je vous l’ai dit, que les procédés physiques sont impuissants à mettre en évidence le mouvement absolu ; je suis persuadé qu’il en sera de même des procédés astronomiques quelque loin que l’on pousse la précision.

37. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Tout ou rien ; supernaturalisme absolu ou rationalisme sans réserve. […] Le philosophe, au contraire, ne conçoit en aucune circonstance ni la rétractation absolue ni l’immobilité prédécidée. […] En logique, en morale, en politique, l’homme aspire à tenir quelque chose d’absolu. […] Les partisans absolus de la nationalité ne peuvent être que des esprits étroits. […] Descartes était un esprit absolu, tout à fait dépourvu de critique ; il a bien pu croire à plein au christianisme.

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