Elle n’y apprendra pas comment Voltaire a écrit Candide. […] Il a mieux aimé faire un roman… Et ce roman est un conte de Voltaire, avec moins de sécheresse, avec plus de pitié, sous lequel on sent palpiter l’émotion d’une âme tendre, imprégnée des doctrines de Renan et de Tolstoï… I Le récit a pour point de départ une hypothèse.
Ignorant, il est crédule : ne l’ayant pas lu, il suppose que l’admirable Darwin est un farceur dans le genre de Voltaire.
Enfin lire les bons livres d’histoire : « Hérodote, Thucydide, Xénophon, Polybe et Plutarque entre les Grecs ; César, Salluste, Tite-Live et Tacite, chez les Latins ; et parmi les modernes, Machiavel, Guichardin, Giannone, Hume, Robertson, Gibbon, le cardinal de Retz, Vertot, Voltaire, Raynal et Rulhière. […] Montesquieu et Voltaire personnifièrent ces tendances.
Il fait tout ce qu’il peut pour être classique, et sa grande admiration littéraire est pour le poète Pope ; il fait tout ce qu’il peut pour être révolutionnaire à la manière continentale, et sa grande admiration philosophique est pour Voltaire et pour Rousseau. […] On peut le considérer comme le fondateur de cette secte des déistes anglais dont l’époque la plus brillante fut la période de la reine Anne et du premier George, dont les coryphées les plus remarquables furent Toland et Bolingbroke, dont le poète fut Pope, auprès de laquelle Voltaire, déjà fort bien préparé par les leçons de Bayle, alla compléter ses études supérieures de philosophie irréligieuse, et qui, se continuant avec quelques altérations jusqu’à la fin du dernier siècle, aboutit à la logique brutale de Thomas Paine, le bourgeois anglais révolté de la guerre d’Amérique et de la Convention nationale française.
Platon était beaucoup plus poli que Voltaire, et il n’a jamais dit des Athéniens ce que Voltaire disait des Welches, à savoir que c’était une nation de singes et de tigres ; mais tenez pour certain qu’il l’a pensé et du reste qu’il l’a dit, moins brutalement.
Il y a, dans cette tradition, Bossuet, Voltaire et Chateaubriand ; il y a, dans cette tradition, tous les modes de la parole influente, tous les échos de l’histoire, tous les frémissements de la nation. […] C’est ce qu’il appelle la « loi du recoupement » Ainsi, la tradition nationale de notre pays aurait donné, au contact du romantisme allemand, Victor Hugo ; plus anciennement, au contact de l’influence anglaise, Voltaire ; plus anciennement, au contact de l’influence espagnole, Corneille ; plus anciennement, au contact de l’influence antique, Ronsard, etc.
Ce fut leur souveraine habileté de proclamer leur maîtrise intellectuelle avec une si énergique affirmation, et, dans le cas de Voltaire, avec une si incisive ironie, qu’à trois générations de distance, on n’osait pas encore penser contre eux.
VI Quatre écrivains principaux établissent cette comédie ; Wycherley, Congrève, Vanbrugh, Farquhar628, le premier grossier et dans la première irruption du vice, les autres plus rassis, ayant le goût de l’urbanité plutôt que du libertinage, tous du reste hommes du monde et se piquant de savoir vivre, de passer leur temps à la cour ou dans les belles compagnies, d’avoir les goûts et la carrière des gentilshommes. « Je ne suis pas un écrivain, disait Congreve à Voltaire, je suis un gentleman. » En effet, dit Pope, « il vécut plus comme un homme de qualité que comme un homme de lettres, fut célèbre pour ses bonnes fortunes, et passa ses dernières années dans la maison de la duchesse de Marlborough. » J’ai dit que Wycherley, sous Charles II, était un des courtisans les plus à la mode.
Maurice Barrès dans Le Voltaire du 14.