Je maltraitai Racine et j’eus tort, à vrai dire.
Il est bon d'observer que, dans le temps où il écrivoit, notre Langue n'avoit pas encore été fixée par les Pascal, les Racine & les Despréaux.
Voyez avec quel art Racine et Voltaire les ont introduits !
21 (Racine, Britannicus.) […] 22 (Racine, Andromaque. […] Racine, Mithridate, début de l’acte I, scène 3 où Pharnace, l’un des deux fils du vieux roi Mithridate qu’on croit mort, presse la princesse Monime qui était destinée à son père, de l’épouser et de le suivre : « Venez, fuyez l’aspect de ce climat sauvage, / Qui ne parle à nos (et non vos) yeux que d’un triste esclavage. » 20. […] Racine, Britannicus, acte III, scène 1, v. 777 (Néron à Burrhus) : « Je vous entends, Burrhus. […] Racine, Andromaque, acte IV, scène 5, v. 1307-1308 (Pyrrhus annonce à Hermione la trahison de ses serments et son amour pour Andromaque) : « Je crains votre silence, et non pas vos injures ; / Et mon cœur, soulevant mille secrets témoins, / M’en dira d’autant plus que vous m’en direz moins. » 23.
C’est que, au XVIIe siècle, dans les œuvres de Racine surtout, est née une forme littéraire nouvelle, la forme du roman : et l’histoire de l’art littéraire, depuis ce temps, se réduit à l’histoire des modifications imprimées au roman par les divers artistes. […] Dès le début un merveilleux artiste, Racine, a créé la vie artistique sur les éléments de cette vie nouvelle. Les tragédies de Racine furent des romans psychologiques, restituant dans l’art la vie rationnelle des passions ; aussi peu semblables à des drames que les dialogues de Platon : moins encore, car Platon créait des entretiens véritables, tandis que souvent les personnages de Racine ne parlent point, expriment seulement, sous prétexte de discours, l’enchaînement de leurs intimes motifs. […] Dois-je dire que ni Racine, ni Molière, ni la plupart des écrivains en vers ce notre siècle ne furent des poètes ?
Un Racine a le ton et tout le reste. […] Je me suis dit quelquefois qu’il y a bien dans du Bellay du caractère renfermé de Racine. […] et c’est Ronsard et Racine qui furent des imitateurs. […] tu es le trait d’union entre Corneille et Racine, et le temps ne cessera point de mettre sur ton front, chaque jour, de plus fraîches couleurs. […] Mais que dire, puisque Racine lui-même a donné dans ce travers ?
Pendant sa convalescence, en même temps qu’il se faisait lire quelque beau morceau de son histoire par Racine et Despréauxg, ou qu’il s’amusait à voir des médailles avec le père de La Chaise, le roi revoyait et corrigeait les constitutions de Saint-Cyr : Vos constitutions ont été examinées, écrivait Mme de Maintenon à Mme de Brinon qui les avait dressées ; on a retranché, ajouté et admiré. […] [1re éd.] en même temps qu’il se faisait lire quelque portion de son histoire par Racine et Despréaux
Il n’a point les ardeurs naïves, les admirations intolérantes de tel romanisant qui, parce qu’il a consacré sa vie à cette littérature, ne voit rien au monde de plus beau et, pour peu qu’on le pousse, vous met la Chanson de Roland au-dessus de l’Iliade et le Mystère de la Passion au-dessus des tragédies de Racine. […] Ce qui échappait complètement à Ronsard, à Racine, à Fénelon, à Voltaire, nous avons la joie et l’orgueil de le voir et de le sentir.
Ainsi il est évident, presque au premier coup d’œil, que Racine se plaît à suivre, dans les méandres du cœur humain et surtout du cœur féminin, l’amour-passion, comme dit Stendhal, l’amour tragique avec son cortège de fureurs, de jalousies, d’emportements allant jusqu’au meurtre et au suicide. […] Racine, à côté de ces grandes amoureuses qui s’appellent Hermione et Phèdre, a peint cette mère admirable qui s’appelle Andromaque, ce croyant fanatique qui se nomme Joad, cette ambitieuse qui est Agrippine.