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103. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

est-il vrai que Racine nous apprenne à gouverner nos passions ? […] Racine n’avait pas besoin de Boileau. […] Non sans doute : je crois aux beautés stables, durables, éternelles, Je crois à Homère, à Virgile et à Racine. […] N’indiquerait-il pas précisément par où Homère et Pindare, Démosthène et Platon sont supérieurs même à Racine, même à Bossuet ? […] N’oublions pas que Schlegel, qui avait tant d’esprit, ne comprenait absolument rien à Racine ou à Molière.

104. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 154

Il a composé aussi un Parallele de Corneille & de Racine : ce qui en résulte de plus clair, c’est qu’avec un jugement peu sain, un goût médiocre, un style lourd, incorrect & diffus, il n’auroit pas dû prendre sur lui de juger du mérite de ces deux Poëtes. […] Lemiére & Marmontel ressemble peu à celle de Corneille & de Racine.

105. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Racine est plus fin, plus touchant, plus pur, mais moins grand. […] Qui aurait osé parler aux Racine, aux Despréaux, d’un poème épique sur Adam et Ève ? […] Si le discours de Théramène est invraisemblable, les autres discours de Racine ne le sont-ils pas tous presque autant ? […] mais Racine en est plein. […] Racine excepté.

106. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Qu’est-ce que Racine nous apprend sur Phèdre ? […] Andromaque est l’une des pièces les plus parfaites qui existent chez aucun peuple ; et Racine, ayant adopté le système français, a dû écarter, autant qu’il le pouvait, de l’esprit du spectateur, le souvenir du meurtre de Clytemnestre. […] Un fils couvert du sang de sa mère, et ne songeant qu’à sa maîtresse, aurait produit un effet révoltant ; Racine l’a senti, et, pour éviter plus sûrement cet écueil, il a supposé qu’Oreste n’était allé en Tauride qu’afin de se délivrer par la mort de sa passion malheureuse. […] Sans doute l’admirable génie de Racine, qui triomphe de toutes les entraves, met de la diversité dans cette uniformité même. […] Les héroïnes de Voltaire luttent contre les obstacles ; celles de Racine leur cèdent, parce que les unes et les autres sont de la même nature que tout ce qui les entoure.

107. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Racine, par contre-coup, y est un peu légèrement traité avec sa comédie de couvent : « Mme de Maintenon, pour divertir ses petites-filles et le roi, fit faire une comédie par Racine, le meilleur poëte du temps, que l’on a tiré de sa poésie où il est inimitable, pour en faire, à son malheur et celui de ceux qui ont le goût du théâtre, un historien très-imitable. » Mme de La Fayette avait été d’un monde qui préféra longtemps Corneille à Racine ; elle avait aimé et pratiqué dans Zayde ce genre espagnol, si cher à l’auteur du Cid, et que Racine et Boileau avaient tué. […] Au moment où elle révère le moins Racine, elle l’appelle encore le meilleur poëte et inimitable. […] Madame, on le sait, avait été à la cour la première protectrice des nouveaux poëtes ; Racine lui avait dédié Andromaque. […] Racine étoit auprès de Despréaux, et un peu plus loin La Fontaine, auquel il faisoit signe d’avancer. […] Je lis dans une lettre de Racine à M. de Bonrepaux (28 juillet 1693) cette partie qui n’est pas dans l’imprimé et que je transcris d’après l’original (Collection de M.

108. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Racine, pour être né à la Ferté-Milon, n’est pas moins Parisien d’esprit pour cela. […] Ce que Boileau disait en confidence ce jour-là à Racine, M. de Valincour, l’ami particulier de tous deux, va nous le répéter ; c’est là l’endroit piquant, neuf, et la trouvaille de M.  […] il faisait comme La Bruyère, comme Racine, comme chacun devrait faire ou avoir fait. […] Bossuet l’a tout d’abord pris par la main et patronné ; Despréaux l’a accepté, sauf une légère réserve ; Racine l’a tout à fait accueilli : et en même temps, il précède Montesquieu ; il l’annonce et le présage pour ses Lettres persanes, il reste son maître en ce genre. […] Et M. de Valincour n’était pas du tout un savant en us borné aux Anciens : il goûtait les littératures modernes, Milton comme Racine : une lettre de lui nous apprend qu’il estimait les adieux d’Eve à ses fleurs (Paradis perdu, liv. 

109. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Théophile Gautier nous dira en un endroit (tome II, p. 315) que madame de Sévigné et sa coterie étaient pour Pradon contre Racine ; c’est sans doute madame Des Houlières qu’il a voulu dire. […] les grands hommes ne devraient jamais avoir de postérité : les Césars engendrent communément des Laridons, et les Racine père des Racine le fils… » Je ne m’amuserai pas à réfuter ce que le spirituel auteur a lancé là en passant comme une de ces espiègleries bien irrévérentes qui font sa joie ; je le renverrai seulement à la très-belle page des Soirées de Saint-Pétersbourg (3e Entretien), dans laquelle Joseph De Maistre, qui ne passe pas pour être esclave du lieu commun, rend à Racine fils un hommage aussi touchant que celui que Montesquieu payait à Rollin. […] Gautier : Vous trouvez que Racine et Boileau ont été un peu trop sobres, et sur quelques points je serai prêt à le trouver avec vous ; mais prenez-vous-en, pour une bonne part, à ces devanciers exagérés et viveurs, comme vous les qualifiez. […] Boileau et Racine remirent en honneur le régime des honnêtes gens en poésie.

110. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIX. De la littérature pendant le siècle de Louis XIV » pp. 379-388

L’auteur qui a porté au plus haut degré de perfection, et le style, et la poésie, et l’art de peindre le beau idéal, Racine, est l’écrivain qui donne le plus l’idée de l’influence qu’exerçaient les lois et les mœurs du règne de Louis XIV sur les ouvrages dramatiques. […] Le plus beau génie du monde, Racine, ne se permettait pas des conceptions aussi hardies que sa pensée peut-être les lui aurait suggérées, parce qu’il avait sans cesse présents à l’esprit ceux qui devaient le juger. […] Il manquait quelque chose, même à Racine, dans la connaissance du cœur humain, sous les rapports que la philosophie seule peut faire découvrir.

111. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre II. Des tragédies grecques » pp. 95-112

Racine, en imitant les Grecs dans quelques-unes de ses pièces, explique, par des raisons tirées des passions humaines, les forfaits commandés par les dieux ; il place un développement moral à côté de la puissance du fatalisme : dans un pays où l’on ne croit point à la religion des païens, un tel développement est nécessaire ; mais chez les Grecs, l’effet tragique était d’autant plus terrible, qu’il avait pour fondement une cause surnaturelle. […] Racine a risqué sur le théâtre français un amour dans le genre grec, un amour qu’il faut attribuer à la vengeance des dieux. […] Les héros que peignaient les auteurs dramatiques, n’avaient point cette grandeur soutenue que leur a donnée Racine ; mais ce n’est point à une condescendance populaire qu’il faut attribuer cette différence ; tous les poètes ont peint ainsi les caractères, avant que de certaines habitudes monarchiques et chevaleresques nous eussent donné l’idée d’une nature de convention. […] Racine n’a point imité les Grecs à cet égard.

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