/ 2310
876. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Nous avons voulu nous expliquer cette puissance d’un esprit si particulier, souillé par une détestable philosophie au plus profond de sa source, qui n’a ni la naïveté dans le sentiment, ni l’élévation souveraine, car pour être élevé il faut croire à Dieu et au Ciel, ni aucune de ces qualités qui rendent les grands esprits irrésistibles. […] On le voit, nous ne transigeons pas sur les nombreux défauts de fond et de forme qu’une étude sévère nous a fait apercevoir dans les œuvres d’un homme qui, littérairement, pour se faire remarquer, aurait mangé des araignées comme l’athée Lalande et, religieusement, qui niait Dieu comme lui. […] Il n’y a pas plus de trois lettres de la Correspondance où il convienne nettement de son incrédulité et où il nie Dieu avec une insolence tranquille.

877. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Nous avons voulu nous expliquer cette puissance d’un esprit si particulier, souillé par une détestable philosophie au plus profond de sa source, qui n’a ni la naïveté dans le sentiment, ni l’élévation souveraine (car, pour être élevé, il faut croire à Dieu et au ciel), ni aucune de ces qualités qui rendent les grands esprits irrésistibles. […] On le voit, nous ne transigeons pas sur les nombreux défauts de fond et de forme qu’une étude sévère nous a fait apercevoir dans les œuvres d’un homme qui, littérairement, pour se faire remarquer, aurait mangé des araignées, comme l’athée Lalande, et religieusement, qui niait Dieu comme lui. […] Il n’y a pas plus de trois lettres de la Correspondance où il convienne nettement de son incrédulité, et où il nie Dieu avec une insolence tranquille.

878. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

Aux idées pures et spirituelles d’un dieu unique, on proposa les idées platoniciennes sur la divinité ; à un dieu en trois personnes, cette fameuse trinité de Platon ; aux anges et aux démons, la doctrine des génies créés pour remplir l’intervalle entre Dieu et l’homme ; à l’idée d’un dieu médiateur, la médiation des génies célestes ; aux prophéties et aux miracles, la théurgie, qui, à force de sacrifices et de cérémonies secrètes, prétendait dévoiler l’avenir, et opérer aussi des prodiges ; enfin, à la vie austère des chrétiens, des pratiques à peu près semblables, et des préceptes d’abstinence et de jeûnes pour se détacher de la terre, en s’élevant à Dieu. […] Je remercie le Dieu éternel.

879. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Mais l’existence de Dieu et des choses corporelles exigera une véritable déduction, laquelle sera de plus en plus compliquée. […] Dieu est tout-puissant, dit Locke ; il peut donc, sans contradiction, conférer à l’atome à la fois l’étendue et la pensée. […] Newton relie étroitement l’idée de Dieu à la nature de l’espace et des lois mécaniques de l’univers. […] Il faut un Dieu pour donner la chiquenaude. […] Le système, heureusement, appelait des retouches, dont la réalisation attestait la présence de Dieu.

880. (1884) Articles. Revue des deux mondes

. — Dans la première période, Dieu manifeste sa toute-puissance et gouverne par la loi et par la crainte ; dans la seconde, le Christ s’est révélé lui-même par les mystères et les sacremens ; dans la troisième enfin, dont les deux autres n’ont été qu’une préparation, l’esprit verra la vérité face à face, sans voile ni symbole. […] Telle est la dignité suprême de l’être libre, individuel ou collectif, qu’il petit indéfiniment retarder l’avènement du règne de Dieu sur terre, et tandis qu’une invincible nécessité maintient l’ordre au sein du monde matériel, il peut, lui, faire l’ordre ou le de faire au sein du monde moral. […] Et qu’est-ce au fond que cette idée de parfait, principe et mesure de nos jugemens moraux, sinon l’idée de Dieu ? […] Si la notion de Dieu, la religiosité, est vraiment, comme l’a montré M. de Quatrefages, le caractère distinctif de l’espèce humaine, on s’explique aisément pourquoi, de tous les animaux, l’homme seul est progressif. […] La nature ou Dieu ne fait rien en vain, dit-il ; mais le plus souvent, il ne s’agit que de la nature.

881. (1896) Études et portraits littéraires

Il termine son récit en priant Dieu « que ce soit assauvation de son âme ». […] Non qu’il déclame, grand Dieu ! […] « La religion est essentiellement lien, lien des hommes avec Dieu, lien des hommes entre eux : elle est société, société des hommes avec Dieu, société des hommes entre eux : elle est amour. Et l’amour, allant jusqu’au bout, jusqu’au fond, jusqu’au haut, ayant Dieu pour suprême objet, et étant essentiellement acte d’âme, unissant les âmes, et les unissant en Dieu, par Dieu, avec Dieu, l’amour a un caractère religieux, une portée religieuse. » Dès lors, combien l’ordre de la moralité pure est dépassé ! […] Avec Dieu ?

882. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

C’est la même langue, abondante, facile, sans expressions fortes, sans hardiesses, sauf dans quelques passages sur Dieu, où Marguerite, tantôt par la foi, tantôt par le sentiment, s’élève à ces pensées qui ne se rendent que par des expressions créées. […] Qui reconnaîtrait le beau passage, Os homini sublime dédit, etc., dans cette version Et neanmoins que tout aultre animal Jecte toujours son regard principal Encore bas, Dieu à l’homme a donné La face haulte, et luy a ordonné De regarder l’excellence des cieux, Et d’eslever aux estoiles ses yeux. […] Dans une histoire allégorique de la Réforme, voici ce qu’il dit de la scolastique, et des théologiens qui la pratiquaient : Ils nourrissoient leurs grands troupeaux de songes D’ergo, d’utrum, de quare, de mensonges… … Ils ont laissé le pain qui ne perist, Pour cestuy-là qui à l’instant pourrist ; Ils ont laissé la vraye olive et franche, Pour s’appuyer sur une morte branche ; Ils ont receu vaine philosophie, Qui tellement les hommes magnifie, Que tout l’honneur de Dieu est obscurcy. En mesprisant celle qui, tout en somme Donne louange à Dieu, et non à l’homme.

883. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Rien n’arrêta ces hommes d’esprit et de mérite, dont beaucoup, Dieu merci, sont morts de leur laide mort et ont rendu au grand Démiourgos leur vilaine âme. […] Une chose, en effet, qui légitimait cette question, m’avait frappé dans une de ses œuvres les plus magistrales, Tristan et Yseult : c’est que, dans cette œuvre enivrante où l’amour le plus intense n’est dédaigneusement dû qu’à l’aveuglement d’un philtre, — le nom de Dieu n’était pas prononcé une seule fois. […] Le nom de Dieu, prononcé par ce traître, non seulement ne signifie pour personne ce qu’il semble énoncer, mais, comme c’est un mot, c’est-à-dire un être, même ainsi usurpé, il porte, en sa profanation suprême, le simple mensonge de celui qui le proféra. […] Sur ce dernier point, vous avez raison ; rien ne serait comparable à cet effet : quelque chose d’irremplaçable se briserait en moi et le soleil de mon existence serait obscurci, Dieu, dans sa bonté, m’épargnera un tel malheur et me laissera la joie que je trouve à susciter et à exécuter les plans de cet ami si cher, et à être pour lui, dans une petite proportion, ce qu’il est pour moi si infiniment.

884. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Le Dieu était en lui, qui veillait, qui remettait, à son insu, l’ordre et une sorte d’harmonie supérieure, jusque dans le tumultueux désordre et le chaos orageux de l’homme. […] Il termine par ce mouvement direct plein d’effet et d’une vigueur poignante, s’adressant à un vieillard : Mon père parle souvent d’un Dieu rémunérateur, et vous y croyez sans doute ; vous avancez dans une heureuse vieillesse, et mon père y touche. […] Pour mieux faire sentir que c’est tout à fait l’orateur ici qui est en scène et qui va chercher son argument dans la conscience de l’adversaire, je n’ai qu’à rappeler ce que Mirabeau dit en vingt endroits : « Je crois à un Dieu, mais non à un Dieu rémunérateur. » Il croyait, pour son compte, à une Cause première qu’il ne définit guère autrement, et non pas à l’immortalité de l’âme.

/ 2310