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755. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — I »

Il aime à dire, à laisser dire qu’il reconnaît Dieu le père : c’est pour mieux étrangler le Fils.‌ […] Elle fit la part du diable, qui, du même coup, se trouva la part de Dieu.

756. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

C’est un fait ; nous n’y pouvons rien ; Dieu et la force des choses nous ont donné la France ainsi constituée. […] « S’il y a un Dieu là-haut, il sait comment arriva ce que je vais vous dire ; moi, je ne le sais pas, mais on l’a vu et entendu comme je vous vois et vous entends. […] Je ne vois, il est vrai, nulle unité dans son principe ; et toutes les fois que l’on a entrepris de le définir, on s’est perdu dans les termes ; mais je ne vois pas qu’on ait été plus précis dans la définition de Dieu. […] J’ai compris, par moi-même, ce soulagement du cœur, quand Dieu daigne se charger du dépôt sacré que vous craignez de laisser après vous, sans affection et sans providence, ici-bas. Que les âmes railleuses fassent une ironie de cette consolation du désespéré ; Dieu qui la donne les juge : il suffit.

757. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

— Plût à Dieu, s’écria Goethe, que nous ne fussions tous rien de plus que de bons manœuvres ! […] De tels princes et de tels temps sont, Dieu merci, loin derrière nous. […] Dieu soit loué ! […] Celui qui les entend et ne croit pas à Dieu, à celui-là Moïse et les prophètes ne serviront à rien. […] Que Dieu est grand et que sa bonté égale partout sa grandeur ! 

758. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Leur rapprochement n’a rien d’arbitraire, un double lien les rattache : Io souffre de l’amour du Dieu comme Prométhée de sa haine. […] Mais prédire au Dieu suprême sa chute imminente, lui montrer le néant où il va tomber, et le successeur qui le détrônera de l’autel, l’impiété semble flagrante : on bétonne que les temples n’en aient pas frémi. […] Ô Dieu qui aimes la jeunesse, reçois avec bonté ces dons d’un éphèbe ami de la règle et du devoir !  […] « Voilà le vrai Prométhée, le Dieu tout-puissant transpercé par les blasphèmes », s’écriait Tertullien montrant le Christ aux Gentils. […] Combien plus l’apaisement était nécessaire dans une tragédie d’une hardiesse si terrible, où le Dieu suprême semblait ébranlé par les imprécations d’un juste opprimé !

759. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

C’était un de ces hommes qui donnent la certitude d’une autre vie ; car, si Dieu trompait de telles espérances et de telles privations par un leurre éternel, ce ne serait pas seulement le monde interverti, ce serait la Divinité renversée. Le seul hommage dû à un tel Dieu serait le blasphème : il ne mériterait que cela. […] Dieu le sait, il n’est pas encore dans l’été de sa vie ; mais, si mon jugement ne me trompe pas, il fera ce que nous appelons de notre temps un poète intime, c’est-à-dire un de ces poètes rassasiés de la pompeuse déclamation rimée dont nos oreilles sont obsédées dans nos écoles classiques ou dans nos théâtres redondants et ronflants d’emphase ; il sera un de ces poètes nés d’eux-mêmes, originaux parce qu’ils sont individuels ; un de ces poètes qui n’ont pour lyres (comme on dit) que les cordes émues de leur propre cœur, et qui font, dans la poésie moderne, cette révolution que J. […] Les chants du rouge-gorge errant dans l’avenue, Des doux morts envolés adoucissent l’adieu, Et le soleil, glissant des larmes de la nue, Ouvre dans le nuage une échappée en Dieu. […] Rien n’est de ce qui devrait être, dit le proverbe des hommes ; tout est bien, dit la résignation, le proverbe de Dieu !

760. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Tous les deux sont violents : de Maistre, à la façon des violents de l’Évangile, dont il est dit qu’ils emportent le royaume de Dieu ; Lamennais, à la façon de ces esprits sans mesure qui, après avoir accablé tout le monde de leurs affirmations, n’en trouvent pas une, au moment suprême, qui leur dise où ils vont et qui les aide à mourir. […] On craint que, devant ces innombrables yeux ouverts sur sa vie, l’homme, regardé de tous côtés et connu de la nature, ne finisse par moins estimer le privilège de la pensée qui cesse d’être un mystère entre Dieu et lui. […] Il aime les petits, non pour en faire les grands dans un état social imaginaire, mais pour les avoir vus de près, dévoués et contents, remplissant, à la place où Dieu les a mis, le beau rôle qui leur a été donné de soutiens, de défenseurs, de nourriciers des sociétés humaines. […] Est-il vrai que plus d’un auditeur de la Sorbonne, sous le charme de tant de belles paroles sur Dieu, l’homme, le monde et leurs rapports, s’achemina vers Notre-Dame plus qu’à demi conquis aux vérités religieuses, qu’enseignaient, du haut de la chaire chrétienne, des prédicateurs plus loin des voies des grands sermonnaires que le philosophe ne l’était des voies de Descartes ? Ces auditeurs étaient-ils des gens touchés, allant du Dieu de l’éclectisme au Dieu de l’Evangile, ou des Athéniens courant d’une tribune à une autre tribune, du plaisir de la parole au plaisir de la parole ?

761. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

à travers la douleur des amitiés brisées, Les chutes, les écarts, — obstinée en ton vœu ; Inégale au milieu du blâme et des risées, Tu poursuis ton amour, ton progrès et ton Dieu. […] Devance l’univers en sa métamorphose ; Beaucoup sont suscités pour la prophétiser ; Tu peux en être aussi, mon Âme ; ose donc, — ose Sais-tu tout ce qu’un Dieu t’inspirera d’oser ? […] Sans doute, et je l’espère, un jour apprivoisée, à l’autel de ce Dieu que tous viendront bénir, Dans un bosquet du temple heureuse et reposée, Tu chanteras en chœur l’immortel avenir.

762. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IX. Les disciples de Jésus. »

Les idées sur le royaume de Dieu trouvaient, dans ces petits comités de bonnes gens, plus de créance que partout ailleurs. […] Tous devaient s’appeler « frères », et Jésus proscrivait absolument les titres de supériorité, tels que rabbi, « maître, père », lui seul étant maître, et Dieu seul étant père. […] La jalousie s’allumait surtout en vue de l’avenir, en vue de ce royaume de Dieu, où tous les disciples seraient assis sur des trônes, à la droite et à la gauche du maître, pour juger les douze tribus d’Israël 461.

763. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVIII. Institutions de Jésus. »

Leur prédication, du reste, se bornait à annoncer la prochaine venue du royaume de Dieu 829. […] Quelques-uns hésitaient, le selâm étant alors comme aujourd’hui, en Orient, un signe de communion religieuse, qu’on ne hasarde pas avec les personnes d’une foi douteuse. « Ne craignez rien, disait Jésus ; si personne dans la maison n’est digne de votre selâm, il reviendra à vous 831. » Quelquefois, en effet, les apôtres du royaume de Dieu étaient mal reçus, et venaient se plaindre à Jésus, qui cherchait d’ordinaire à les calmer. […] Ce fut pour Céphas en particulier l’occasion de montrer un absolu dévouement et de proclamer une fois de plus : « Tu es le Christ, fils de Dieu. » Il est probable que dès lors, dans les repas communs de la secte, s’était établi quelque usage auquel se rapportait le discours si mal accueilli par les gens de Capharnahum.

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