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567. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

Ainsi, pour n’en citer que deux seulement sur vingt-cinq, le culte de la femme, relevée, purifiée, anoblie par la religion d’un Dieu né d’une Vierge, la galanterie des chevaliers, le respect de leur force devant la faiblesse, c’est là, subsistant, le souffle des druidesses, qui a tenu bon, ce souffle-là ! […] Martin écrit Jeanne d’Arc, pour la démocratiser, et dont il fait un Jésus-Christ en femme (que Dieu me pardonne de répéter le blasphème d’une telle pensée !) […] C’est enfin qu’elle n’est pas à Dieu parce que la femme ne doit pas s’élever seule à Dieu. » Que si avec tout cela Héloïse n’est pas druidesse, elle est du moins la grande sainte de l’amour !

568. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

Il n’y a qu’une vie pour lui : — la vie devant Dieu ! […] Il aurait peut-être voulu la simplifier, du moins, ne pouvant pas l’omettre, ne pouvant pas couper en deux cette vie devant Dieu, soit dans l’éclat du trône comme dans les obscurités de la chapelle, soit à la tête des armées comme au pied des autels. […] Comme elle croyait en Dieu et qu’elle l’aimait, elle crut au Roi et elle l’aima. […] L’Incarnation du Fils de Dieu dans Jésus-Christ sauva le monde païen, qui périssait dans la pourriture.

569. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Après trente ans de luttes affreuses et de sang versé par torrents, le Catholicisme est miraculeusement resté debout par une miséricorde de Dieu, qui a considéré, sans doute, que la France avait cru en lui et agi pour lui pendant quatorze siècles. […] Il a rappelé que l’Ordre teutonique fondé pour combattre les Musulmans et déviant de son institution en faisant, au nom de Dieu, une guerre atroce aux Slaves, aux Danois, aux Lithuaniens, aux Poméraniens, un cri sacerdotal indigné sortit de la poitrine d’un évêque et monta vers Innocent III, qui s’opposa aux esclavages et réclama la liberté des enfants de Dieu. […] Les protestants, qui n’ont pas été écrasés, eux, mais admis au partage de la France, sont, contre l’Église, devenus des protestants d’un bien autre calibre que les premiers. — Ils sont devenus les négateurs impies du xviiie  siècle, ils sont devenus la Libre Pensée, et la Révolution française et toutes les autres révolutions qui l’ont suivie et qui vont suivre : Que de filles, grand Dieu !

570. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

La plupart, sinon tous (et je ne vois guère que Shakespeare qu’on puisse excepter), n’ont presque jamais eu dans l’esprit qu’un seul sujet qu’ils reprennent, retournent, renouvellent et transforment ; préoccupation qui n’est qu’un esclavage sublime, thème incommutable, posé par Dieu dans leur pensée, et sur lequel ils sont condamnés, pour toute gloire et pour tout génie, à faire d’éternelles variations ! […] Quinet, l’auteur de Merlin l’Enchanteur, a toujours, en sa qualité d’esprit allemand, été panthéiste ; son Dieu a toujours été « le Dieu inconnu du bon Merlin » qu’il appelle, ce bâtard d’un incube et d’une Sainte violée : « Le prophète des jours heureux dans les temps futurs », et c’est ce Dieu-là, dont le livre de M. 

571. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « André Chénier »

André Chénier, qui, toute sa vie, s’était englouti dans le monde et les choses de l’Antiquité, André Chénier, ce patient et laborieux mosaïste, qui incrustait le détail antique avec un art si profond et si subtil dans l’expression des sentiments et des choses modernes, remonta par l’horreur vers le Dieu auquel il n’avait peut-être jamais pensé, et il jeta cette clameur des Iambes, le cri de la foi passionnée, la plus magnifique torsion d’âme et de main désespérées autour d’un autel invisible, la plus intense prière, enfin, que l’imagination d’un poète révoltée des abominations de la terre ait jamais élancée vers Dieu ! […] Il n’ambitionnait que d’être un Théocrite ou un Tibulle, et Archiloque dormait dans sa poitrine, le terrible Archiloque qui devait s’éveiller plus tard, en criant à Dieu, comme je l’ai dit, et à la Justice outragée ! […] pour montrer la puissance dont Dieu l’avait doué.

572. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

Il est certain qu’il y a là une destinée, et, s’il y a une destinée, — Dieu sait ce qu’il fait ! […] C’est un humouriste, Dieu en soit loué ! […] Il l’a été entre lui et Dieu. […] Mais la mort comme Gravillon nous la représente, si Rancé l’avait aperçue il se fût détourné d’elle comme de la tentation dernière, et il eût renfoncé son crâne chauve dans la poussière du lit de cendres sur lequel on l’avait étendu pour y rendre son âme à Dieu.

573. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

Cependant, l’orateur, à travers ce grand spectacle qu’il déploie sur la terre, nous montre toujours Dieu présent au haut des cieux, secouant et brisant les trônes, précipitant la révolution, et par sa force, invincible, enchaînant ou domptant tout ce qui lui résiste. […] Jamais, surtout, orateur sacré n’a parlé de Dieu avec tant de dignité et de hauteur. […] Dans son éloquence sublime, il se place entre Dieu et l’homme ; il s’adresse à eux tour à tour ; souvent il offre le contraste de la fragilité humaine, et de l’immutabilité de Dieu, qui voit s’écouler les générations et les siècles comme un jour ; souvent il nous réveille par le rapprochement de la gloire et de l’infortune, de l’excès des grandeurs et de l’excès de la misère ; il traîne l’orgueil humain sur les bords des tombeaux ; mais après l’avoir humilié par ce spectacle, il le relève tout à coup par le contraste de l’homme mortel, et de l’homme entre les bras de la divinité.

574. (1874) Premiers lundis. Tome I « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Deuxième édition. »

Sans doute vers la fin de sa carrière il en était venu à chérir ses amis et à reconnaître Dieu ; mais c’était chez lui amitié domestique et religion presque mystique ; c’était une tendresse de solitaire pour quelques êtres absents et un mouvement de piété monacale vers le Dieu intérieur. Il aurait eu bien à faire pour arriver de là à l’intelligence et à l’amour de l’humanité progressive et à une communion pratique de l’âme individuelle avec Dieu se révélant par l’humanité26.

575. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre V. Figures de construction et figures de pensées. — Alliances de mots et antithèses »

Et Dieu trouvé fidèle en toutes ses menaces. […] Voici une large période qui n’est au fond qu’une antithèse : Cent mille hommes criblés d’obus et de mitraille, Cent mille hommes couchés dans un champ de bataille, Tombés pour leur pays par leur mort agrandi, Comme on tombe à Fleurus, comme on tombe à Lodi, Cent mille ardents soldats, héros et non victimes, Morts dans un tourbillon d’événements sublimes, D’où prend son vol la fière et blanche Liberté, Sont un malheur moins grand pour la société, Sont pour l’humanité, qui sur le vrai se fonde, Une calamité moins haute et moins profonde, Un coup moins lamentable et moins infortuné Qu’un innocent, un seul innocent, condamné, Dont le sang ruisselant sous un infâme glaive, Fume entre les pavés de la place de Grève, Qu’un juste assassiné dans la forêt des lois, Et dont l’âme a le droit d’aller dire à Dieu : “Vois ! […] « Mais parce que, selon le saige Salomon, la science n’entre point en âme malivole, et science sans conscience n’est que ruine de l’âme, il te convient servir, aymer et craindre Dieu. » (Rabelais.)

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