Jeudi 12 septembre Saint-Cloud, où je vais étudier les saltimbanques pour mon roman. […] J’étudiais ce poisson à l’œil carnassier, j’étudiais ses immobilités mortes au profond de l’eau, le ventre sur la grève, puis tout à coup les frottements de côté de ses flancs sur les cailloux : frottements fous et comme électriquement voluptueux, qui, à chaque contact du corps du poisson avec le fond, le fait remonter deux ou trois pieds en l’air.
Ce serait à l’auteur de zaïre à louer l’auteur de Phèdre : mais on pardonne à l’élève qui étudie les tableaux de Raphaël, de croire en sentir le mérite, et de céder à l’impression que font sur lui les chefs-d’oeuvre qu’il ne saurait égaler. […] Non sans doute, ce n’était pas dans les ouvrages de Corneille que Racine avait étudié les convenances. […] Combien vous deviez chérir l’écrivain qui paraissait avoir étudié son art dans votre coeur, qui semblait être dans le secret de vos faiblesses, qui vous entretenait de vos penchans, de vos douleurs, de vos plaisirs, en vers aussi doux que la voix de la beauté quand elle prononce l’aveu de la tendresse !
Ils ont raison quand ils veulent que nos anciens chefs-d’œuvre soient étudiés et admirés avec enthousiasme ; ils ont tort quand ils veulent qu’ils soient continués perpétuellement et reproduits sous toutes les formes. […] L’éducation musicale commence à se faire parmi nous, le goût de la peinture est déjà fort répandu ; et cependant combien de gens d’esprit, sans compter ceux qui n’en ont pas, préfèrent encore un nocturne bien doux, ou l’ancien plein-chant de notre opéra, aux plus délicieuses modulations ou aux plus riches harmonies ; et un intérieur de cuisine, ou un effet de neige avec un peu de feu, aux plus sublimes têtes et aux compositions les plus inspirées et les plus étudiées. […] Que peut dire un poète, quand il s’entend reprocher des contrastes comme des dissonances, et des choses étudiées comme des négligences ou des distractions ?
De la parole et de la société Je viens d’esquisser l’histoire de la parole ; essayons maintenant de l’étudier sous le rapport philosophique. […] Si les métaphysiciens qui ont attribué à l’homme l’invention du langage avaient, je ne dis pas étudié, mais seulement jeté les yeux sur le peu de renseignements historiques qui existent, sur le très petit nombre de faits qui ont été rassemblés, ils auraient appris que leurs théories étaient contraires à tout ce que nous savons de certain ; ils auraient appris que toutes les doctrines de l’antiquité leur sont opposées ; ils auraient appris que plus l’on remonte haut, c’est-à-dire plus l’on s’approche du berceau au moins présumé de l’espèce humaine, plus l’on trouve les langues parfaites et fécondes. […] Ils avaient fort peu étudié les origines phéniciennes ; ils n’avaient songé qu’à écraser Carthage ; et tous les monuments littéraires de ce peuple malheureux périrent avec lui par la farouche incurie du vainqueur.
Ce goût du jeune prince de Ligne pour les armes est quelque chose de plus que l’instinct brillant de la valeur : il a beaucoup écrit sur la guerre ; il a beaucoup étudié et médité sur toutes les parties de ce sujet ; il a analysé les actions et les mérites des grands capitaines des guerres précédentes et des généraux de son temps. […] C’était à qui s’étudierait à diversifier la nature et à en profiter pour l’embellir.
Ne le mettez pas à un si haut prix qu’ils n’aient pas de quoi l’acheter. » Bourdaloue, étudié dans le détail, offrirait le plus bel exemple de la parole chrétienne édifiante et convaincante, appliquée à tous les usages et distribuée comme le pain de chaque jour, depuis les sermons prêchés à la Cour ou sous les voûtes de Notre-Dame jusqu’aux simples exhortations pour les assemblées de charité. […] Les Anglais n’ont pas cessé d’estimer Bourdaloue ; dans ce pays où l’art oratoire est sérieusement étudié et où tout est dirigé dans le sens pratique, on fait à son genre d’éloquence une place très haute, et on lui décerne, à lui en particulier, et par rapport à d’autres noms de grands orateurs, une supériorité dont nos idées françaises seraient elles-mêmes étonnées71.
… Si, en sortant du lycée, les jeunes gens ont conservé une notion précise et durable de la nature et des propriétés de quelques corps d’un intérêt universel, comme l’air, l’eau, les métaux usuels, les acides, les alcalis et les sels les plus communs ; si les phénomènes de la combustion, ceux de la respiration et de la nutrition des plantes, ceux de la respiration et de la nutrition des animaux, ont été soigneusement étudiés devant eux, l’enseignement de la chimie aura atteint son but. […] Il acquiert pour toute la vie l’habitude de raisonner en chimiste, au lieu de se borner à savoir par cœur, pour quelques mois, le texte de son cours… Aussi, pour la parfaite exécution du nouveau plan d’études, les professeurs trouveront-ils bien plus de profit à préparer leur leçon dans le laboratoire même, au milieu des appareils, en prenant part à la disposition matérielle des expériences, qu’à l’étudier dans leur cabinet, abstraction faite des objets qu’ils vont avoir à manier et à faire passer sous les yeux des élèves.
D’Olivet, ancien professeur de Voltaire, s’était mis à étudier Racine en grammairien et y avait relevé toutes sortes de fautes : Mon cher maître, lui écrivait Voltaire, je vous trouve quelquefois bien sévère avec Racine. […] Ce n’était pas un démocrate que Voltaire, et il n’est pas mauvais de le rappeler à ceux qui de loin, et pour le besoin de leurs systèmes, veulent nous donner un Voltaire accommodé à la Jean-Jacques ; quand on aime à étudier les hommes et à les voir tels qu’ils sont, on ne saurait s’accoutumer à ces statues symbolisées dont on menace de faire les idoles de l’avenir.
Taine excelle à situer les auteurs qu’il étudie, dans leur époque et dans leur moment social, à les y encadrer, à les y enfermer, à les en déduire : ce n’est pas seulement chez lui une inclination et une pente, c’est un résultat de méthode et une conséquence qui a force de loi. […] Il en est de même pour les hommes et pour les esprits qui vivent dans le même siècle, c’est-à-dire sous un même climat moral : on peut bien, lorsqu’on les étudie un à un, montrer tous les rapports qu’ils ont avec ce temps où ils sont nés et où ils ont vécu ; mais jamais, si l’on ne connaissait que l’époque seule, et même la connût-on à fond dans ses principaux caractères, on n’en pourrait conclure à l’avance qu’elle a dû donner naissance à telle ou telle nature d’individus, à telles ou telles formes de talents.