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325. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le colonel Ardant du Picq »

… L’expérience, le passé, les réalités qui en sortent, ces choses éternelles contre lesquelles l’homme, eût-il du génie, n’est pas le plus fort et ne le sera jamais, maintiennent et affermissent davantage dans son équilibre ce ferme esprit, — disons-le à sa gloire !  […] je ne crois pas, pour ma part, qu’au fond de son âme et de sa robuste pensée ce grand spiritualiste de la guerre puisse accepter sans trouble que la guerre, qui sort de l’âme de l’homme et qui se fait avec l’âme de l’homme, ne soit pas éternelle comme l’homme et sa race, et qu’un jour elle doive disparaître, comme un fétu dans les airs, sous le souffle omnipotent des démocraties.

326. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

La Curiosité, éveillée par les détails nouveaux qu’on apporte, se trouble, s’inquiète et recommence de poser son éternel problème : quelle cause détermina l’abdication de Charles-Quint et sa retraite à Yuste, et donne à ces faits, grandioses ou petits, leur véritable caractère ? […] On peut l’affirmer avec sécurité, tout le temps qu’il n’y aura pas pour l’éternelle et péremptoire instruction des générations un Mémorial de Yuste comme il y a un Mémorial de Sainte-Hélène (et il paraît que cette grande confession à la Postérité qui tente les âmes les plus fortes, en fait de grands hommes, et qui avait aussi tenté Charles-Quint, n’existe plus), on n’aura le mot des questions que soulève ce mystère à demi voilé qui s’appelle le Charles-Quint de Yuste dans l’histoire, qu’en le demandant à l’Espagne, après l’avoir demandé à lui-même, car lui seul, il ne répond pas !

327. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIX. M. Eugène Pelletan »

Pour prouver aux hommes, même les plus perméables aux influences de la philosophie panthéistique de notre époque, que la solution du problème de l’humanité, c’est son progrès incessant, éternel, sans point d’arrêt et sans défaillance, il faut plus que la conviction éloquemment enflammée du plus brillant des sectaires, ou l’enthousiasme ivre d’un Thériaki. […] Le progrès incessant et éternel de l’humanité !

328. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

Systèmes qui mourront et ressusciteront plus d’une fois encore, si les hommes doivent s’occuper longtemps de ce que les philosophes appellent des vérités éternelles, lesquelles n’ont d’éternel peut-être que leur inutilité !

329. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

… D’ailleurs, Dargaud savait que malgré les abus de la vanité qui se plaint ou qui se raconte, le genre vieilli était éternel. […] Troncs d’arbres coupés par la foudre, troncs de statues mutilées par le temps, troncs de bonheurs interrompus par le train ordinaire de la vie, n’êtes-vous pas ce qui convient le mieux à nos yeux, chargés d’une éternelle tristesse ?

330. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Edgar Quinet »

Quand je refais en idée ce voyage infini, de gradin en gradin, dans le puits de l’Éternel, je ne puis me contenter de ce que je suis. […] Et, de fait, elle donne dans une mesure abrégée non seulement tout le livre, mais tout l’auteur même de la Création, qu’on peut très bien après cela laisser tranquillement au fond du puits de l’Éternel, dans lequel il voyage comme un seau.

331. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « André Chénier »

Les œuvres inachevées du génie ont le bonheur d’être un éternel regret, et ce regret éternel les idéalise encore !

332. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

D’abord, l’actualité éternelle des mœurs et de la littérature populaires, et ensuite l’actualité éphémère de nos modes et de nos engouements. […] Brucker a le dessein de refondre Les Intimes comme il a refondu Le Maçon, et d’infuser dans ce cadavre brûlant le sang divin de la morale éternelle.

333. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

De ce genre de roman-colosse, sous lequel ont péri des intelligences d’une force réelle, mais qui n’étaient pas aussi herculéennes qu’elles le croyaient, cariatides brisées par un entablement trop lourd pour elles, vous savez ce qui nous est resté… Deux à trois innocents cordiers littéraires qui, rien sur la tête et rien dedans, et le dos tourné au bon sens, à l’art et à la vraisemblance, allongent, allongent leur éternelle corde sans bout, pour des raisons qui ne sont nullement de la littérature. […] Mal élevé comme la plupart des hommes de cette époque infortunée, tiré à deux éducations contraires qui ne valent pas mieux l’une que l’autre, et qui, le rompant dans le centre même de son être à la place où les convictions doivent se bâtir leur forteresse, le hachent en deux tronçons plus ou moins saignants qui s’agiteront, sans se rejoindre dans un impuissant scepticisme, Christian, le héros du livre, est, une fois de plus, l’éternel malade dont nous avons tant étudié la maladie sur cette race de lépreux sublimes, Werther, René, Obermann, et tant d’autres animæ viles dans lesquelles le génie s’est expérimenté lui-même.

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