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1642. (1888) Études sur le XIXe siècle

N’était-ce pas l’éternelle fable du bûcheron, que débitent sans cesse les gens heureux de vivre à ceux qui perdent leur temps à déplorer les conditions humaines ? […] Plus tard, quand ils sont devenus plus intimes : « … Je suis desséché comme un roseau ; aucune passion ne trouve plus rentrée de cette pauvre âme, et la puissance éternelle et souveraine de l’amour est anéantie en moi à l’âge où je suis… » Et encore à Brighenti : « … J’ai le cœur si glacé, si flétri par le malheur et aussi par la triste connaissance de la vérité, qu’avant d’avoir aimé, j’ai perdu la faculté d’aimer ; un ange de beauté et de grâce n’arriverait pas à m’enflammer. » Et il définit son personnage de Consalvo en deux phrases qu’on pourrait lui appliquer : « Toujours dans cette âme une crainte souveraine avait été plus forte que le désir. […] Tandis que Dante et Pétrarque espèrent en leur bien-aimée pour leur ouvrir les portes de la vie éternelle, il fuit sans cesse la sienne, lui, pour courir à la recherche de ta vérité qui dessèche son cœur. […] Comme un avril éternel, — ton sourire m’invite toujours à chanter, — et fait, dans mon corps auquel il rend la vigueur, — bouillir les îlots de mon sang juvénile.

1643. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Et quand nous ne vivons pas ainsi, nous sommes blessé d’une façon éternelle dans notre vie présente, ce qui revient à dire que nous sommes vicié dans notre vie éternelle » [Cf.  […] Sunt lacrimæ rerum ; — À l’Arc de triomphe ; — Fonction du Poète ; — Tristesse d’Olympio]. — Et c’est pourquoi, s’il y a des élégies plus touchantes que les siennes, comme celles de Lamartine ; — ou des chants plus désespérés, comme quelques-uns de ceux de Musset, — il n’y en a pas de plus « lyriques », ou qui remplissent mieux la définition du genre ; — par la nature même de l’inspiration première ; — par l’ampleur, la magnificence et la diversité des « mouvements » qu’il trouve pour la traduire ; — et enfin par ce qu’il y mêle déjà d’« impersonnel », de général, et d’éternel. […] Les Grotesques et Le Capitaine Fracasse] — les affinités du romantisme avec l’école, non pas de Ronsard, — comme l’a enseigné erronément Sainte-Beuve, — mais avec l’école des Scarron et des Saint-Amant ; — et à cet égard, toute une partie de son œuvre n’est qu’une « illustration » ou une « démonstration » de la Préface de Cromwell. — La grande ambition romantique a été de fondre ensemble le sublime empanaché du Cid ; — et le comique extravagant de Dom Japhet d’Arménie. — C’est bien encore Théophile Gautier qui a formulé la doctrine de « l’art pour l’art » ; — et, si la doctrine est d’ailleurs discutable, — les premiers effets ne laissent pas d’en avoir été excellents. — La doctrine de l’art pour l’art a enlevé le poète à l’éternelle contemplation de lui-même ; — elle l’a replacé en présence d’un « monde extérieur » dont le romantisme avait altéré le sens ; — et elle a réveillé en lui le sentiment du pouvoir de la forme. — Que sous ce rapport, et en tenant compte de la différence des temps, — il y a du « Malherbe » ou du « Boileau » dans l’auteur d’Émaux et Camées ; — et qu’il a bien été le législateur d’un nouveau Parnasse. — Et c’est enfin lui, Théophile Gautier, non pas Hugo ; — ni aucun des autres romantiques ; — qui a opéré dans l’art de décrire [Cf. 

1644. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Ses fils, ces brillants et dissolus Conti, qui devaient répondre si étrangement à son vœu et aux espérances de leur éducation première, lui firent élever un monument dans l’église Saint-André-des-Arcs avec cette épitaphe où il n’y avait que la vérité : À la gloire de Dieu, et à l’éternelle mémoire d’Anne-Marie Martinozzi, princesse de Conti, qui, détrompée du monde dès l’âge de dix-neuf ans, vendit toutes ses pierreries pour nourrir, durant la famine de 1662, les pauvres de Berri, de Champagne et de Picardie ; pratiqua toutes les austérités que sa santé put souffrir ; demeura veuve à l’âge de vingt-neuf ans, consacra le reste de sa vie à élever en princes chrétiens les princes ses enfants, et à maintenir les lois temporelles et ecclésiastiques dans ses terres ; se réduisit à une dépense très modeste, restitua tous les biens dont l’acquisition lui était suspecte jusqu’à la somme de huit cent mille livres ; distribua toute son épargne aux pauvres dans ses terres et dans toutes les parties du monde, et passa soudainement à l’éternité, après seize ans de persévérance, le 4 février 1672, âgée de trente-cinq ans.

1645. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Celle qui, à vingt-cinq ans, avait débuté par se faire personne d’un certain âge ou même douairière du Marais, entre non moins exactement, à mesure qu’elle vieillit, dans les divers personnages de ce petit monde de dix à quatorze ans, en y apportant une morale saine, la morale évangélique, éternelle, qui s’y proportionne sans s’y rapetisser. « Son idée favorite, son idée chérie, est-il dit dans la préface d’une Famille, c’était que la même éducation morale peut et doit s’appliquer à toutes les conditions ; que, sous l’empire des circonstances extérieures les plus diverses, dans la mauvaise et dans la bonne fortune, au sein d’une destinée petite ou grande, monotone ou agitée, l’homme peut atteindre, l’enfant peut être amené à un développement intérieur à peu près semblable, à la même rectitude, la même délicatesse, la même élévation dans les sentiments et dans les pensées ; que l’âme humaine enfin porte en elle de quoi suffire à toutes les chances, à toutes les combinaisons de la condition humaine, et qu’il ne s’agit que de lui révéler le secret de ses forces et de lui en enseigner l’emploi. » Comment Mme Guizot, de raison un peu ironique, d’habitudes d’esprit un peu dédaigneuses qu’elle était, se trouva-t-elle conduite si vite et si directement à cette idée plénière de véritable démocratie humaine ?

1646. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

C’est ce cardinal qui venait de construire à Tivoli, non loin des cascades et des ruines de la villa de Mécène, ce merveilleux palais d’Este et ces jardins, type de ceux d’Armide, où les édifices, les terrasses, les grottes, les arbres, les fleurs et l’eau jaillissant ou courant dans des canaux harmonieux, remplissaient l’oreille de mélodies éternelles semblables aux concerts des harpes éoliennes.

1647. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

. — Venez, nous répondit le fendeur de bois, descendez l’escalier qui conduit à la porte d’entrée de la maison, je vais vous y conduire en trois pas, car il n’a pas eu un long voyage à faire pour aller de son lit de bois à son lit éternel de terre.

1648. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

Elle fit insinuer à Marie Stuart qu’un tel mariage cimenterait entre elles une éternelle amitié et serait agréable à la fois aux deux nations.

1649. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Un noble proscrit de la famille des Hamilton, nommé Bothwell-Haugh, dont Murray avait laissé la femme expirer de misère au seuil de sa propre demeure donnée par le dictateur à un de ses partisans, jura de venger sa femme et sa patrie du même coup ; il ramassa une poignée de terre qui recouvrait le cercueil de sa femme, la porta sur lui dans sa ceinture comme une éternelle incitation à sa vengeance, se rendit déguisé dans une petite ville que Murray devait traverser en revenant à Édimbourg ; il y tua Murray d’un coup de feu tiré d’un balcon, et, remontant sur un cheval qui l’attendait sur les derrières de la maison, il échappa, par la rapidité de sa course, aux gardes du dictateur. « Moi seul, s’écria Murray en expirant, je pouvais sauver l’Église, le royaume et l’enfant ; l’anarchie va tout dévorer !

1650. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

Si l’on veut dire que la vie ne se justifie qu’à la condition d’être bonne, et que mieux vaudrait pas de monde qu’un monde de souffrance infinie et de désordre éternel, en vérité l’on a raison, et peut-être un peu trop raison.

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