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222. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

Je tâche de mener une vie conforme à l’état où je me trouve, sans passion désagréable, sans ambition, sans envie, avec beaucoup de connaissances, peu d’amis et beaucoup de goûts. […] « Enfin le bon Voltaire, dit-elle, vint à midi ; il parut fâché jusqu’aux larmes de l’état où il me vit ; il me fit de vives excuses ; il me demanda beaucoup de pardons, et j’eus l’occasion de voir toute la sensibilité de son âme. » Depuis cet instant, Voltaire fit tout pour qu’elle oubliât la triste scène dont il était bien honteux. […] Il en résulte chez elle deux ou trois élans de vérité, auxquels cet état de contrainte morale donne toute leur force. […] C’est ce point de vue tout nouveau, non pas du tout la justification complète, mais les explications et les raisons de notre état social, que Turgot aborde et expose dans des considérations critiques de l’ordre le plus élevé, et qui dépassaient de beaucoup, on ne craint pas de le dire, l’horizon de Mme de Graffigny. […] Mme de Graffigny vivait donc à Paris, avec un certain état de maison, moyennant de petites pensions des cours de Lorraine et de Vienne et d’assez grosses dettes, quand la chute de La Fille d’Aristide, comédie en cinq actes sur laquelle elle comptait fort, vint lui porter un coup fâcheux : « Elle me la lut, dit Voisenon ; je la trouvai mauvaise ; elle me trouva méchant.

223. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

Voici des personnages que les circonstances de leur état, de leur caste, de leur sexe, de leur intelligence naturelle destinent à des manières d’être précises et qui excitent notre rire parce qu’un engouement les détermine à se concevoir autres que ne les a faits la nature et la société, à assumer un rôle où ils trébuchent, où leur inexpérience leur fait commettre mille bévues, où le milieu les dessert constamment. […] Schopenhauër, en effet, remarque que le rire a toujours pour origine la manifestation soudaine d’un désaccord entre deux états de connaissance relativement à un même objet, l’un de ces états fournis par un concept, l’autre par une intuition directe. […] La rencontre subite de ces deux états de connaissance fait jaillir le rire avec la même rigueur que le frottement du souffre sur un corps sec dégage une étincelle. […] Si l’on excepte les anomalies telles que le délire et la folie, où la personnalité se voit modifiée par des causes nettement pathologiques, l’enfance est l’état naturel où la faculté de se concevoir autre se manifeste avec le plus d’évidence. […] V À côté de cet état, commun à tous les hommes, où la tendance à se concevoir autre témoigne d’une sensibilité si grande, voici deux autres cas plus particuliers, qui peuvent s’opposer l’un à l’autre.

224. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VII. Du style des écrivains et de celui des magistrats » pp. 543-562

On veut qu’un homme, dans un état libre, alors qu’il se fait remarquer par un livre, indique dans ce livre les qualités importantes que la république peut un jour réclamer d’un de ses citoyens, quel qu’il soit. […] La convenance, la noblesse, la pureté du langage ajoutent beaucoup dans tous les pays, et particulièrement dans un état où l’égalité politique est établie, à la considération de ceux qui gouvernent. […] Le talent d’écrire peut devenir l’une des puissances d’un état libre. […] Dans les états où la loi despotique frappe silencieusement sur les têtes, la considération appartient précisément à ce silence, qui laisse tout supposer au gré de la crainte ou de l’espoir ; mais quand le gouvernement entre avec la nation dans l’examen de ses intérêts, la noblesse et la simplicité des expressions qu’il emploie peuvent seules lui valoir la confiance nationale. […] Tels sont les principaux secours que l’autorité politique peut retirer de l’art de parler aux hommes ; tels sont les avantages qu’assure à l’ordre, à la morale, à l’esprit public, le style mesuré, solennel et quelquefois touchant des hommes qui sont appelés à gouverner l’état.

225. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Mais on se console en songeant que, si sa puissance interne est diminuée, sa création est bien plus personnelle, qu’il possède plus éminemment son œuvre, qu’il en est l’auteur à un titre plus élevé ; en songeant que l’état actuel n’est qu’un état pénible, difficile, plein d’efforts et de sueurs, que l’esprit humain aura dû traverser pour arriver à un état supérieur ; en songeant enfin que le progrès de l’état réfléchi amènera une autre phase, où l’esprit sera de nouveau créateur, mais librement et avec conscience. […] L’état de l’humanité ne sera jamais si désespéré que nous ne puissions dire : « Bien des fois déjà on l’a crue morte ; la pierre du tombeau semblait à jamais scellée, et, le troisième jour, elle est ressuscitée ! 

226. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

À la période précédente, qui comprend les dix années de 1650 à 1660, va succéder un nouvel ordre de choses dans l’état, dans les mœurs, dans les lettres. […] Avant d’entrer dans ce brillant avenir, je crois à propos de dire avec quelque précision quel était en 1660 l’état de la langue et de la littérature française. […] Revenons à l’état historique de la langue et des lettres à la fin de la 6e période du xviie  siècle. La Bruyère qui a publié ses Caractères en 1687, mais qui a passé vingt années à les écrire, nous dit en peu de mots quel était l’état de la langue au milieu du siècle, à l’époque des Provinciales et des écrits de Port-Royal.

227. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — L’orthographe, et la prononciation. » pp. 110-124

Quelqu’un qui prononceroit bien seroit seul en état d’orthographier de même. […] Ils ne cessèrent de répéter qu’il étoit de la dernière importance de laisser les choses sur l’ancien pied ; qu’il y alloit de la police des lettres, & de celle même de l’état ; que l’orthographe intéressoit la grammaire & la langue ; qu’il falloit apporter autant de soin pour orthographier correctement, que pour écrire purement : ils se plaignoient de ce qu’on se relâchoit là dessus. […] On voit assez de François, de femmes même, qui le lisent & l’entendent ; mais très-peu qui le parlent, & qui soient en état de suivre une conversation angloise. […] La Sorbonne la crut dangereuse pour la religion & pour l’état : elle anathématisa quiconque ne se conformeroit point à la prononciation d’usage dans les écoles.

228. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XI. Suite des machines poétiques. — Songe d’Énée. Songe d’Athalie. »

qu’en cet état de lui-même il diffère ! […] L’état où il le revoit ne peut lui rappeler sa destinée ; il demande au fils de Priam d’où lui viennent ses blessures , et il vous a dit qu’ on l’a vu ainsi le jour qu’il fut traîné autour d’Ilion . […] Quel Hector paraît au premier moment devant Énée, quel il se montre à la fin : mais la pompe, mais l’éclat emprunté de Jésabel, Pour réparer des ans l’irréparable outrage, suivi tout à coup, non d’une forme entière, mais ………………… De lambeaux affreux Que des chiens dévorants se disputoient entre eux, est une sorte de changement d’état, de péripétie, qui donne au songe de Racine une beauté qui manque à celui de Virgile.

229. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Addition au second livre. Explication historique de la Mythologie » pp. 389-392

Dans l’état de famille, les fruits spontanés de la terre ne suffisant plus, les hommes mettent le feu aux forêts et commencent à cultiver la terre. […] Les Latins dirent toujours capitis deminutio pour changement d’état ; Minerve substitue l’état civil à l’état de famille.

230. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Une relation nous est donnée entre les mouvements organiques et les états intellectuels. […] Cela, sans doute, est relatif à l’état actuel des choses. […] Le moi, en effet, ne serait, à son sens, qu’une série d’états de conscience qui se connaît. […] Il établit des relations de cause à effet entre des phénomènes physiques et des états de conscience, en attendant que ces états de conscience soient eux-mêmes connus dans le substratum matériel qui leur est propre. […] Le problème consiste à organiser la société de manière à recouvrer, au sein même de cet état nouveau, l’état primitif de paix et de liberté.

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