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1322. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

L’orateur ne montrait pas seulement la maison d’Autriche abaissée et réduite aux abois, mais encore les éléments soumis et assujettis par ce génie supérieur des quatre éléments, toutefois, un seul était pris au propre, l’eau de la mer retenue par la digue de La Rochelle ; les autres éléments ne figuraient qu’à l’état métaphorique : c’était le feu de la rébellion éteint avec celui de l’hérésie ; c’était l’air devenu plus serein, et la terre étonnée de tant de prodiges. […] Tertullien distingue d’abord l’homme et César, et forme ensuite des vœux proportionnés à ces deux états.

1323. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Nous eûmes bientôt secoué le joug… Nous entrâmes donc au collège, mon frère et moi, comme des gens du monde, à bonne fortune si vous voulez, qu’on priverait de leur divinité et qu’on réduirait à un état aussi humiliant que celui de devenir écoliers… Lorsqu’à quelque solennité de collège, à laquelle assistaient les parents et les étrangers, M. d’Argenson revoyait quelques-uns de ses anciens amis ou des femmes de sa connaissance, lui assis sur un banc de bois avec sa robe et sa toque, il rougissait de cette déchéance, et les jours de sortie il faisait de son mieux pour sen relever ; il redevenait tant qu’il le pouvait homme du monde, mais il ne put jamais êtrè, comme son frère, un homme à la mode, et il n’y visait pas. […] On ne l’entendait point parler par sa grosse lèvre échauffée de vin ; — chercheur de midi à quatorze heures ; — grand raisonneur à tout ce qu’on lui disait ; — et, pour comble de perfection en son état, marié à une cuisinière qui le battait.

1324. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Ayant pris de bonne heure au sérieux, autant et plus que souverain en aucun temps, son rôle et ses attributions de roi, cette idée élevée, ce respect religieux de son état le mena à écrire, à dicter des instructions et des pièces assez nombreuses qui ont été recueillies. […] Mais ayant appelé la prudence à mon secours, et considéré que je n’avais ni le nombre de troupes, ni la qualité des alliés requis pour une pareille entreprise, je dissimulai ; je conclus la paix à des conditions honorables, résolu de remettre la punition de cette perfidie à un autre temps. » Depuis cette paix, conclue un peu trop tôt, cette paix brusquée, il le sent, et contre laquelle étaient Turenne, même Vauban, et tous les militaires, si bien qu’il fallut donner à son armée et à la jeunesse guerrière la diversion immédiate de l’expédition de Candie, Louis XIV n’a qu’une idée, celle de se venger ; tout ce qu’il veut, il le veut avec suite, et sans se laisser distraire ; de 1668 à 1671, pendant trois années, il n’est occupé qu’à fortifier ses places, à augmenter ses troupes peu à peu, sans donner ombrage au dehors, à disposer ses alliances du côté de l’Angleterre, du côté de l’empereur et des princes de l’Empire, pour obtenir de ces derniers au moins la neutralité : « Je ne faisais pas un grand fonds sur la solidité de ces alliances que je prévoyais bien ne devoir pas durer longtemps, comme on le verra dans la suite ; mais je comptais pour un grand avantage de pouvoir châtier en liberté, pendant quelque temps, l’insolence des Hollandais, et j’espérais les réduire à souscrire à une paix honteuse, avant que les puissances, mes alliées, pussent être en état de les secourir. » Louis XIV est franc, il ne dissimule pas son motif : il a été blessé et il prétend en avoir raison.

1325. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Célibataire heureux et régulier, l’amour (sinon à l’état de sentiment, du moins à l’état de passion) paraît l’avoir laissé assez tranquille.

1326. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Une grande préoccupation était au cœur de Mme de Guérin : c’était, en même temps qu’elle recueillerait les restes poétiques de son frère, de donner quelques explications sur l’état moral de son âme, et de le revendiquer pour cette foi chrétienne et catholique dans laquelle il avait été nourri, dans laquelle il était rentré et il était mort. […] Cet état de langueur a bien des charmes, et ce mélange de verdure et de débris, de fleurs qui s’ouvrent sur des fleurs tombées, d’oiseaux qui chantent et de petits torrents qui coulent, cet air d’orage et cet air de mai font quelque chose de chiffonné, de triste, de riant, que j’aime… » Ne reconnaissez-vous pas le paysagiste d’instinct, qui se joue et qui s’essaye, sans maître, et auquel il faudrait bien peu de chose, — seulement un cadre, plus grand, — pour devenir, un maître en son genre, et lutter peut-être avec notre grand paysagiste du Berry ?

1327. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

Même dans l’état d’exténuation où il était réduit quelques années avant son abdication, et tel qu’un ambassadeur de Henri II nous l’a décrit pendant une de ses attaques de goutte, « l’œil abattu, la bouche pâle, le visage plus d’homme mort que vif, le col exténué et grêle, la parole faible, l’haleine courte, le dos fort courbé, et les jambes si faibles qu’à grand’peine il pouvait aller avec un bâton de sa chambre jusqu’à sa garde-robe » ; même dans ce piteux état, il ne cessait de se gorger de viandes indigestes, de poissons, de saumures, de bières glacées : « Jusqu’à son départ des Pays-Bas pour l’Espagne, disait un ambassadeur vénitien, il avait l’habitude de prendre le matin à son réveil une écuelle de jus de chapon, avec du lait, du sucre et des épices ; après quoi il se rendormait.

1328. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Ce singulier état de transition allait se prolonger durant bien des années encore. […] J’y ai retrouvé bien d’agréables et de curieux détails, de piquantes anecdotes de langue, et surtout la fidèle image de cet état de croissance dernière où l’on sentait la perfection venir de jour en jour et s’achever comme à vue d’œil.

1329. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Examinons un peu de sang-froid ce qui en est et l’état de la question. […] C’est la vie la plus favorable à la pratique de la vertu, au soutien de tous les penchants, de tous les goûts qui assurent le bonheur social et le bonheur individuel dans cet état de société ; je sens ce qu’elle vaut, je m’applaudis d’en jouir… » Voilà la vie de Mme Roland pendant des années et son intérieur moral, calme, contenu, sain et purifiant ; voilà les tableaux dignes de sa première vie, ceux qu’on ne saurait trop rappeler à son sujet et que je regretterais de voir ternir ; car ils donnent l’expression vraie et fidèle.

1330. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Le personnage au-dessus de moi n’en est pas en état, et moi, quelque chose qu’on dise et qui arrive, je ne suis jamais qu’en second ; et malgré la confiance du premier, il me le fait sentir souvent. » Nous dirons les belles qualités de Marie-Antoinette, son courage surtout, sa fermeté, sa générosité d’âme quand le moment sera venu ; mais ici on la surprend dans toute la misère et l’inexpérience de son apprentissage politique. […] L’un et l’autre, dans leur état d’enchaînement et de contrainte, ne visaient qu’au plus pressé, — à en sortir.

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