/ 1986
572. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IV. Des éloges funèbres chez les Égyptiens. »

Mais aussi lorsqu’un prince humain et bienfaisant, tel qu’il y en eut plusieurs, avait cessé de vivre, et que les prêtres récitaient ses actions en présence du peuple, les larmes et les acclamations se mêlaient aux éloges ; chacun bénissait sa mémoire, et on l’accompagnait en pleurant vers la pyramide où il devait éternellement reposer… Depuis trois mille ans, ces usages ne subsistent plus, et il n’y a dans aucun pays du monde, des magistrats établis pour juger la mémoire des rois ; mais la renommée fait la fonction de ce tribunal ; plus terrible, parce qu’on ne peut la corrompre, elle dicte les arrêts, la postérité les écoute, et l’histoire les écrit.

573. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre IV. De la morale poétique, et de l’origine des vertus vulgaires qui résultèrent de l’institution de la religion et des mariages » pp. 168-173

Ainsi s’établit le mariage, c’est-à-dire l’union charnelle faite selon la pudeur, et avec la crainte d’un Dieu.

574. (1929) Amiel ou la part du rêve

En 1790, on trouve le grand-père de l’auteur du Journal, Samuel Amiel, établi à Genève comme horloger, cependant que sa femme, qui était de Romans en Dauphiné, tient un commerce d’épicerie. […] Le courant ne s’établit pas. […] Marc Monnier (Français d’ailleurs de naissance) va s’établir à Paris « plein de verve, de ressort, de gaieté et d’imagination, avec son étoile et son balancier, son goût sûr et sa facilité féconde ». […] * L’aspect d’une vie de célibataire intellectuel n’est pas toujours facile à établir. […] Précisément, l’automne où Amiel sortait de son ignorance sexuelle, Scherer sortait de Genève, allait s’établir à Versailles.

575. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Sa famille était établie à Genève depuis 1529. […] Irréprochable dans un poste assez en vue, je méritai, j’obtins l’estime de la République, celle de tous les ambassadeurs avec qui nous étions en correspondance, et l’affection de tous les Français établis à Venise. […] Toutes les belles dames voulurent de la musique copiée de sa main. — Si Tolstoï s’établissait cordonnier à Paris, toutes nos belles socialistes iraient lui commander des bottines. […] Si son laquais quittait un moment sa chaise, à l’instant on m’y voyait établi : hors de là, je me tenais vis-à-vis d’elle, je cherchais dans ses yeux ce qu’elle allait demander, j’épiais le moment de changer son assiette. […] Je veux tout ce qui se rapporte à l’ordre de la nature que tu as établi, et aux règles de la raison que je tiens de loi.

576. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Un peuple reçoit toujours l’empreinte de la contrée qu’il habite, mais cette empreinte est d’autant plus forte qu’au moment où il s’établit, il est plus inculte et plus enfant. […] Il s’est trouvé des écoles comme celle de Carnéade pour plaider le pour et le contre ; d’autres, comme celle d’Énésidème, pour établir que nulle proposition n’est plus vraie que la proposition contraire. […] Homère en nomme une trentaine18, et il y en eut plusieurs centaines quand les colonies se furent établies et multipliées. […] L’homme continue toujours le mouvement que lui imprime d’abord la nature ; car les aptitudes et les tendances qu’elle établit en lui à demeure sont justement les aptitudes et les tendances que journellement elle satisfait. […] Quand un citoyen s’était fait tyran et voulait jouir de la vie, il agrandissait et établissait à demeure autour de lui ces sortes de fêtes.

577. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Depuis 1784, ils étaient établis dans la généralité de Lyon, passant quelques mois d’hiver dans cette ville, et la plus grande partie de l’année tantôt à Villefranche et tantôt à deux lieues de là, au clos de La Plâtière, petit domaine champêtre, en vue des bois d’Alix et proche du village de Thézée. […] Ainsi elle écrit à Bancal : « Il n’est pas encore question de mourir pour la liberté ; il y a plus à faire, il faut vivre pour l’établir, la mériter, la défendre. » Et ailleurs : « Je sais que de bons citoyens, comme j’en vois tous les jours, considèrent l’avenir avec un œil tranquille, et, malgré tout ce que je leur entends dire, je me convaincs plus que jamais qu’ils s’abusent. » Et encore : « Je crois que les plus sages sont ceux qui avouent que le calcul des événements futurs est devenu presque impossible. » Elle s’étend en un endroit (p. 233) avec un sens parfait sur cette patience, vertu trop négligée et toutefois si nécessaire aux gens de bien pour arriver à des résultats utiles ; mais, par une singulière contradiction, elle manque, tout aussitôt après, de patience. […] Mme Roland, quinze jours avant sa mort, rétractait sans aucun doute ses anciennes âcretés contre La Fayette, en justifiant dans les termes suivants, Brissot, accusé par Amar de complicité avec le général : « Il avait partagé l’erreur de beaucoup de gens sur le compte de La Fayette ; ou plutôt il paraît que La Fayette, d’abord entraîné par des principes que son esprit adoptait, n’eut pas la force de caractère nécessaire pour les soutenir quand la lutte devint difficile, ou que peut-être, effrayé des suites d’un trop grand ascendant du peuple, il jugea prudent d’établir une sorte de balance. » Ces diverses suppositions sont évidemment des degrés par lesquels Mme Roland revient, redescend le plus doucement qu’elle peut de son injustice première.

578. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Jeune encore, il fit briller, au milieu des ténèbres de la barbarie qui s’étaient étendues sur toute l’Italie, une simplicité de style, une pureté de langage, une versification heureuse et facile, un goût dans le choix des ornements, une abondance de sentiments et d’idées, qui firent encore une fois revivre la douceur et les grâces de Pétrarque. » Si l’on ajoute à ces témoignages respectables les considérations suivantes, que les deux grands écrivains dont on prétend établir la supériorité sur Laurent de Médicis employèrent principalement leurs talents dans un seul genre de composition, tandis qu’il exerça les siens dans une foule de genres différents ; que, dans le cours d’une longue vie consacrée aux lettres, ils eurent le loisir de corriger, de polir, de perfectionner leurs ouvrages, de manière à les mettre en état de supporter la critique la plus minutieuse, tandis que ceux de Laurent, presque tous composés à la hâte, et, pour ainsi dire, impromptu, n’eurent quelquefois pas l’avantage d’un second examen, on sera forcé de reconnaître que l’infériorité de sa réputation comme poëte ne doit pas être attribuée à la médiocrité de son génie, mais aux distractions de sa vie publique. […] X Les rapports passionnés que Laurent établit entre la Grèce et l’Italie, les livres dont il enrichit sa patrie, les hommes célèbres auxquels il offrit un asile, furent le signal de la Renaissance, époque brillante où un monde moral nouveau sort tout à coup d’un monde qui s’éteint. […] Son début était frappant et son regard plein d’expression ; je commençai à m’intéresser sérieusement à ce qu’il allait dire. — Il commence ; je suis attentif : une voix sonore, des expressions choisies, des sentiments élevés. — Il établit les divisions de son sujet : je les saisis sans peine ; rien d’obscur, rien d’inutile, rien de fade et de languissant. — Il développe ses arguments ; je me sens embarrassé. — Il réfute le sophisme, et mon embarras se dissipe. — Il amène un récit analogue au sujet ; je me sens intéressé. — Il module sa voix en accents variés qui me charment. — Il se livre à une sorte de gaieté ; je souris involontairement. — Il entame une argumentation sérieuse ; je cède à la force des vérités qu’il me présente. — Il s’adresse aux passions ; les larmes inondent mon visage. — Il tonne avec l’accent de la colère ; je frémis, je tremble ; je voudrais être loin de ce lieu terrible. » « Valori nous a laissé, sur les sujets particuliers qui occupaient l’attention de Laurent et de ses amis dans leurs entrevues au couvent de San-Gallo, des détails qu’il tenait de la bouche de Mariano lui-même.

579. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

Je veux simplement établir dans quel milieu M.  […] … Cette longue scène, mouvementée, émouvante, pleine de surprises et de péripéties qui se passent dans la pensée et n’en sont que plus réelles (car rien de matériel n’est vrai), est une élégie tragique de la plus grande beauté, écrite d’un style précis dans l’idéal et dans le raffinement, et qui, à elle seule, accueillie comme elle l’a été par mille bravos enthousiastes, eût suffi à établir la réputation d’un écrivain. […] Henry Fouquier La Reine Fiammette : C’est œuvre d’artiste et de poète que l’œuvre dont je dois parler aujourd’hui, et je n’en cache pas ma joie… Non que le métier en soit absent, car le drame est bien établi.

580. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Et je ne prétends point qu’elles se vaillent toutes, mais pour en établir la valeur relative, et la hiérarchie, il faudra de singulières nuances et une étrange casuistique avec un sens de la relativité et de la variation des valeurs dont notre morale actuelle se garde jalousement. […] Mais entre le cynisme et la franchise courageuse, c’est surtout l’opinion de leur juge qui établit la différence. […] Il saura que si, ni les hommes, ni les groupes sociaux ne sont égaux entre eux, et s’il est important d’en établir la hiérarchie, cette hiérarchie est souvent difficile ou impossible à préciser.

/ 1986