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302. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 248

La méprise ne s’est établie que dans les provinces, & n’a pas duré longtemps : le style de M.

303. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Un siècle après Massillon, les choses avaient bien changé : ce n’était plus la seule corruption des mœurs que l’orateur chrétien avait en face de lui comme ennemi principal, c’était l’incrédulité raisonnée, établie, et qui avait fait son chemin, même parmi les honnêtes gens. […] Notez en passant ce témoignage impartial du très peu indulgent Saint-Simon sur les mérites et sur la vertu établie de Massillon. […] Massillon établit sa paraphrase morale sur un texte qu’il déroule verset par verset et qu’il gradue ; il met sa gerbe avec ordre et l’assoit en quelque sorte sur les roues du char sacré : la marche en est égale, cadencée, nombreuse ; au lieu que la parole de Bossuet se confond le plus souvent avec le char lui-même, avec la roue enflammée qui emporte le Prophète.

304. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

Le mardi 20 mars, à Versailles, ou lit dans le même journal : « Mme la Dauphine fit dire dans son cabinet à Racine la harangue qu’il fit à la réception de Corneille et de Bergeret. » Ce moment est celui de Racine et de Despréaux tout à fait établis en Cour et sur le pied d’historiographes : Le 31 décembre, veille du jour de l’an 1685, Mme de Montespan fit présent au roi, le soir après souper, d’un livre relié d’or et plein de tableaux de miniature, qui sont toutes les villes de Hollande que le roi prit en 1672. […] Il suffirait de rapprocher et de marquer à l’encre rouge sur un exemplaire les faits éloignés ; cette série seule, établie par de simples nouvelles de Dangeau, et sans y mêler aucune réflexion étrangère, deviendrait presque, par les considérations qui en ressortiraient en la lisant, un chapitre de Montesquieu. […] — On a fait brûler Spire, Worms et Oppenheim pour empêcher que les ennemis ne s’y établissent et n’en tirassent des secours et des commodités, en cas qu’ils veuillent attaquer quelqu’une des places que nous avons de ces côtés-là.

305. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

Le candidat se déclare quand il lui plaît : l’Académie ne discute préalablement sur les mérites d’aucun ; aucune comparaison ne s’établit par voie d’examen et moyennant un débat contradictoire ; et chaque académicien, le jour venu, vote arbitrairement, comme dirait La Bruyère, suivant sa propre et unique information. […] Or, je dis, pour revenir à l’objet présent, que la discussion des titres, servant à établir un certain ordre entre les candidats qui se présentent, ne serait ni contraire ni mortelle à la bonne composition de l’Académie et à cette délicatesse, à cette politesse, dont elle tient avec raison à ne jamais se départir. […] Cela posé, et le principe de l’analogie une fois établi comme règle dans les élections, on n’a, pour remplacer M. 

306. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Certes, je suis loin de méconnaître les progrès que l’art musical a faits depuis les couvents, j’ai admiré plus que tout autre le Requiem de Mozart et les messes de Cherubini, et, pour qui se tient au point de vue de l’art pur, nul doute que les vastes proportions, la richesse d’harmonie, les grands effets d’instrumentation des compositions modernes n’offusquent singulièrement la simplicité, la nudité du chant grégorien ; sous ce rapport, il n’y a pas de comparaison à établir : mais voulez-vous sentir où gît la supériorité réelle du simple chant d’église ? […] La conclusion impartiale et équitable d’une comparaison entre les inconvénients et les avantages du trop d’autorité et du trop de liberté, la conclusion vraiment pratique serait de combiner l’un et l’autre, de les balancer autant que possible, d’établir un tempérament qui ne fût pas la neutralité, une sorte d’alternative sans révolution. […] Guéroult plus d’une discussion de détail sur tel ou tel point de doctrine ou d’application, car il n’en est presque aucun sur lequel il n’y eût eu moyen, en y regardant de près, d’élever quelque doute, d’établir quelque réserve ou demi-dissidence ; mais j’ai mieux aimé présenter le côté par où se justifie l’estime et par où l’on se concilie.

307. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Pour la délimitation exacte de la frontière du côté des Pays-Bas, on avait établi une conférence à Courtrai ; elle dura deux ans : les délais sur cette frontière convenaient à Louvois, « afin d’user les résistances espagnoles et d’endormir les défiances hollandaises. » Mais sur le Rhin et la Moselle, il lui convenait d’aller plus vite et d’être expéditif ; il le fut. […] Le ministre français près la Diète de Ratisbonne, M. de Verjus, recevait de Louvois l’ordre de répondre de la bonne sorte aux plaintes des Allemands, — c’est-à-dire de ne rien répondre à la Diète en corps, et de ne daigner s’expliquer qu’à l’oreille des amis en particulier : « Le droit de Sa Majesté est si bien établi par le Traité de Munster, qu’il ne sera rien dit pour le justifier. […] L’argent comptant en beaux louis d’or ou en pistoles d’Espagne (30,000 louis) s’expédia en six ballots soigneusement plombés à la douane et qu’on avait établis de la longueur d’un fusil on d’un mousquet : pour mieux donner le change, on avait fait peindre une de ces armes sur chaque ballot.

308. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Le malheur de la reine (qu’on hésite à appeler la jeune reine, puisqu’elle avait six ou sept ans de plus que le roi), ce fut de voir tomber, presque en arrivant, le prince ministre qui l’avait appelée, à qui elle devait reconnaissance, et de voir succéder celui qui la craignait avec une jalousie de vieillard et qui devait tout faire pour établir une glace entre les époux. […] Ce ne fut pas sans peine qu’on parvint à établir une familiarité complète entre un prince excessivement timide et une femme à laquelle sa naissance du moins imposait quelques bienséances… Tout le monde sait quelles suites elle eut, quel empire le goût pour les femmes exerça sur Louis XV ; combien la variété lui devint nécessaire, et combien peu la délicatesse et toutes les jouissances des âmes sensibles entrèrent dans ses amusements multipliés. » Ce qu’on vient de lire est exact, presque à la lettre ; cette reine, dont la destinée de loin paraît celle d’une femme délaissée, donna en effet au roi, avant l’éclat des désordres, jusqu’à dix enfants : deux garçons seulement, dont un seul vécut ; tout le reste n’était que des filles, et Louis XV avait fini par ne plus compter sur autre chose avec la reine : il semblait voir dans cette monotonie l’image de leurs froides amours. […] La familiarité et la confiance ne s’étaient jamais établies entre eux.

309. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

On objecte toujours l’usage ; mais il y a une distinction à faire, et que Dumarsais dès le principe a établie : c’est la prononciation qui est un usage, mais l’écriture est un art, et tout art est de nature à se perfectionner. « L’écriture, a dit Voltaire, est la peinture de la voix : plus elle est ressemblante, meilleure elle est. » Il importe sans doute, parmi tous les changements et les retouches que réclamerait la raison, de savoir se borner et choisir, afin de ne point introduire d’un seul coup trop de différences entre les textes déjà imprimés et ceux qu’on réimprimerait à nouveau ; il faut les réformer, non les travestir. […] On me dit qu’on peut suppléer à ce verbe baser par les mots fonder, établir, et qu’il n’y a nulle nécessité d’innover. […] dans un débat de cet ordre, je suppose qu’un des orateurs contendants, qu’un interlocuteur, apostrophant le rapporteur du budget, lui demande sur quoi il se fonde dans telle ou telle supputation qui aboutit à un nombre de millions ou de milliards : est-ce que le rapporteur parlant du haut de la tribune ne sera pas en droit de dire dans une langue parfaitement congrue et correcte : « Mon argumentation, messieurs, vous me demandez sur quoi elle repose : je la base sur une triple colonne de chiffres, tous exacts et vérifies… etc. » Est-ce que ce mot baser, avec son emphase, sa sonorité même qui remplit la bouche et qui porte jusque sur les derniers bancs de la Chambre, ne sera pas ici le mot oratoire plutôt que le mot plus sourd ou plus faible : je la fonde ou je l’établis ? 

310. (1886) De la littérature comparée

Il nous faut donc d’abord examiner ce qu’est et ce que peut être la critique ; ensuite, nous rechercherons quelle pourra être la base de notre enseignement : et cette double opération nous permettra d’établir notre programme. […] On peut affirmer ce fait avec d’autant plus de certitude, que le triomphe du mouvement auquel on a donné le nom de « romantisme » se trouve correspondre à peu près avec le grand élan national de l’Allemagne au commencement du siècle et avec la période historique où, à la suite de Waterloo, l’influence anglaise a été le plus solidement établie. […] Et pourtant, je viens avec l’espoir qu’il s’établira bientôt, entre vous et moi, un courant de sympathie intellectuelle, qui vous aidera peut-être à suppléer par vous-mêmes à quelques-unes au moins de mes insuffisances.

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